
Présentation
Compte rendu de spectacle
Précédé de « Une comédie à propos d’une tragédie ».
Dans un Salon de bonne société on cause :
- Connaissez-vous « le dernier jour… » ?
- Assez Monsieur ! C’est un livre affreux !
- A quoi bon s’occuper de la peine de mort ?
Après l’humour féroce, la dérision de la préface dialoguée, le roman nous plonge dans la tête d’un homme où tourne la roue sinistre d’un cauchemar qu’il décrira presque heure par heure jusqu’à l’instant fatal.
Monologue singulièrement moderne qui préfigure Joyce, Beckett, et l’Etranger de Camus, ce cri, cet acte politique, cette voix anonyme parlant au nom de tous les prisonniers présents – et malheureusement encore à venir, c’est l’œuvre stupéfiante d’un poète de 26 ans qui écrira au terme de sa vie et d’un long combat pour en finir avec la loi du Talion : « Heureux si l’on peut dire un jour de lui : en s’en allant, il emporta la peine de mort ».
[…] Maurice Antoni propose une lecture-spectacle d’ Une comédie à propos d’une tragédie et du Dernier jour d’un condamné. Ces deux œuvres sont liées puisqu’ Une comédie à propos d’une tragédie est un dialogue ajouté en préface à la troisième édition du Dernier jour d’un condamné, le 28 février 1829. En 1832, l’auteur fera précéder ces textes d’une nouvelle préface contre la peine de mort. Le dernier jour d’un condamné est un récit à la première personne. Un condamné à mort note ses impressions au cours de la dernière journée de sa vie : de son réveil, alors que le soleil n’est pas encore levé, aux minutes qui précédent son exécution. Ce récit, qui passe d’abord par les sensations et qui enregistre tout ce qui traverse le cerveau, le corps et le cœur d’un homme, est d’une étonnante modernité. L’ Etranger de Camus lui doit peut-être une partie de son originalité. Hugo met ici une forme novatrice au service d’une cause qui lui tiendra toujours à cœur : le combat contre la peine de mort. […]
Cette Comédie à propos d’une tragédie - qu’il a réduite, probablement parce que cette lecture est en partie improvisée – reprend les critiques émises contre Hugo à la sortie de la première édition de son roman : à quoi bon s’intéresser à un condamné à mort, c’est de mauvais goût, immoral, atroce… Mais les attaques se retournant contre ceux qui les émettent, le texte est très drôle et permet une détente avant d’entrer dans l’œuvre terrible qui suit. La mise en espace du Dernier jour d’un condamné est sobre mais efficace. Maurice Antoni a un cahier à la main et un crayon : ceux du condamné qui, dans sa prison fait le récit de ses dernières heures ; Ce qui permet par moments à l’acteur de respirer en lisant quelques fragments, Mais la plupart du temps, il dit le texte par cœur. Il a pour seuls accessoires un tabouret et une chaise noire, va de l’un à l’autre, saute sur le premier comme s’il voulait fuir sa prison ou se rapprocher du ciel aperçu par la fenêtre, s’assoit sur la chaise qui semble un instant s’électrifier. Le découpage est bien conçu : l’auteur nous fait assister au procès qui se déroule « par une belle matinée d’août », où tout pourrait sourire à l’accusé qui se laisse d’abord envahir par de douces sensations et qui soudain bascule dans un cauchemar dont il ne se réveillera pas, et il nous fait entendre le surprenant dialogue d’humour noir avec un gardien qui supplie le condamné de venir, après son exécution, lui donner les numéros de la loterie… Sa voix se fait tour à tour neutre, mourante, presque amusée, pathétique, et la diction est excellente. Une belle manière d’introduire à une des œuvres les plus actuelles, peut-être, de Hugo. […]
Danièle Gasiglia-Laster
« Agenda Hugo » de l’Education Nationale
8 décembre 2001
10, rue des Cinq Diamants 75013 Paris