Le courage de ma mère

du 12 avril au 21 mai 2000

Le courage de ma mère

CLASSIQUE Terminé

Ce qui est devenu impossible, après Auschwitz, c’est moins la poésie que plutôt la sentimentalité ou la vénération. Ce serait une offense aux morts que de rechercher la compassion pour leurs souffrances ou de se lamenter sur le poids écrasant de leur déréliction totale (George Tabori).

Une histoire qu’il faut se garder d’oublier par Claude Yersin
Ce qui m’indigne, m’indigne le plus... par George Tabori
Rencontres autour du spectacle

Création du spectacle au Nouveau Théâtre d’Angers le 7 mars 2000. Le texte est publié aux Editions Théâtrales 1995. Le courage de ma mère a été créé en Allemagne par George Tabori en 1979 (Munich), et en Belgique en 1995 dans une mise en scène de Philippe Van Kessel (Bruxelles).

Une histoire qu’il faut se garder d’oublier par Claude Yersin

 " Ce qui est devenu impossible, après Auschwitz, c’est moins la poésie que plutôt la sentimentalité ou la vénération. Ce serait une offense faite aux morts que de rechercher la compassion pour leurs souffrances ou de se lamenter sur le poids écrasant de leur déreliction totale. "  George Tabori

Budapest. Un beau matin de l’été 1944, Madame Tabori est arrêtée alors qu’elle se rend chez sa sœur pour une partie de rami. Elle est emmenée à la gare où elle se retrouve entassée dans un convoi avec 4 030 compagnons d’infortune. Direction : Auschwitz. Pourtant, à la frontière polonaise, l’officier allemand qui recense les prisonniers fera semblant de croire au passeport de la Croix Rouge qu’elle prétend avoir oublié, la ramènera chez elle en première classe et, arrivé à destination, lui suggèrera de profiter de son absence aux toilettes pour s’enfuir.

Seule survivante de ce convoi, Madame Tabori arrivera en retard pour sa partie de rami.

C’est une histoire vraie que raconte Tabori dans cette œuvre créée en Allemagne par Hanna Schygulla : la pièce, originellement nouvelle, puis dramatique pour la radio, nous parle d’une grande histoire avec un petit " h " , une histoire faite d’horreurs et de miracles oubliés : un juif d’Europe centrale raconte sa mère à l’heure des camps et de la " solution finale " , l’arrestation, le wagon à bestiaux, la promiscuité des corps, le mélange d’angoisse et de résignation, l’improvisation désespérée des rituels et des sacrifices les plus imprévisibles, l’adieu à la vie et au sexe… jusqu’au geste absurde et providentiel d’un officier qui, contre toute attente, donne lui-même le signe de l’évasion.

George Tabori a perdu à Auschwitz son père ainsi qu’une grande partie de sa famille ; sa mère, par un miracle improbable, est revenue des portes de la mort. Dans Le courage de ma mère, il raconte avec elle, pour elle, cette histoire, il l’aide à la re-mémorer, à l’accoucher, presque, beaucoup plus tard ; il le fait hors de tout pathos, avec la distance du temps, et un certain sourire tendre.

Comment survivre sans trahir ? Comment représenter l’innommable ? Comment évoquer la shoah ? Et pourtant Tabori ne peut parler que de cela ; il le fait sans haine ni complaisance, souvent avec son humour décapant, comme ici, dans ce récit à la fois pudique et picaresque. Citant l’exception, il nous renvoie à la règle ; son happy end ne dénonce qu’avec plus d’efficacité les millions " partis en fumée au-dessus de la Pologne " …

En cette fin de siècle, ce n’est pas une histoire nouvelle que raconte Tabori, mais c’est une histoire qu’il faut se garder d’oublier. Il nous propose une autre façon de raconter et l’enjeu pour nous sera d’en trouver l’art et les moyens.

Claude Yersin

Ce qui m’indigne, m’indigne le plus... par George Tabori

Je ne m’indigne pas assez
parfois je ne m’indigne pas du tout
face aux grandes indignités
qui devraient indigner chaque honnête homme
déluge au Soudan
la faim partout, les enfants petits vieillards déjà
aux yeux immenses accusateurs
ou le viol du Danube
et le vieil érable devant la fenêtre
il meurt comme un héros sur la lande
Sourd et muet je contemple ces crimes
au lieu de beugler comme un taureau
par contre, bâtard que je suis, je m’indigne quotidiennement
envers la malignité des objets (ou des femmes)
le col éclaté, le bouton manquant
la fermeture-éclair récalcitrante
le chipotage aveugle dans le trou de serrure
le temps qu’il fait
le téléphone muet de Desdémone
une trahison qui est la mienne
(en fait j’ai fait le mauvais numéro)
Ce faisant je sais, une indignation aussi,
que je ne peux savoir que mon manque de savoir
lorsqu’on ravale son indignation
le cancer alors s’implante dans les entrailles
nous sommes bien élevés comme les garçons de café
nous devrions courir dans la jungle tout comme Rambo
et tous ceux qui nous taillent en pièces nous les indignés
avec un lance-flammes thérapeutique
comme en rêve avant-hier la nuit
où ma muse se consume en cendres
ce fut cela mon rêve donc mes flammes
je l’ai brûlée à cause de son infidélité
qui fut la mienne
Il faudrait à présent que je me ressaisisse
que je m’indigne envers des indignités authentiques
l’envie absurde par exemple
la soif que rien n’éteindra
de toucher les étoiles comme on dit
de conquérir la lune ; la belle affaire
être un vrai prophète ; comme Kafka
ajouter deux mots, en Dieu
trouver enfin un mot juste
la mort comme une naissance mais à l’envers
saluer la mort comme des vacances
une pause-café infinie à la mer
et ne pas m’indigner parce que deux jours plus tard
d’accord disons deux semaines après mon enterrement
il ne demeurera pas grand chose
quelques papiers, chaussures, cendres
mon odeur dans une cavité
entretemps laissons là la mélancolie impudique
et laisse-moi m’indigner
qu’au lieu de m’indigner
j’écrive sur l’indignation
et ne vais pas me promener avec mon chien.

George Tabori
traduction Maurice Taszman

Rencontres autour du spectacle

mercredi 19 avril à 18h


A la découverte de George Tabori : lectures d’interviews et d’extraits de pièces par Claude Yersin, Maurice Taszmann et les comédiens

jeudi 4 mai à 22h30
avec Claude Yersin et les comédiens

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Spectacle terminé depuis le dimanche 21 mai 2000

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