L'œuvre à faire : L'ours normand

du 31 octobre au 12 novembre 2000

L'œuvre à faire : L'ours normand

CLASSIQUE Terminé

"L’œuvre d’art reste pour les sensibles, c’est leur revanche sur les intelligents. Il y a, entre l’artiste qui crée et l’amateur qui apprécie, un lien, une atmosphère délicate qui est irremplaçable, qui est le véhicule des grandes amitiés qui nous entourent. On n’explique pas

Présentation
L’œuvre à faire
Quelques mots d'Arnaud Churin
Extraits de la réponse d'Henry Miller à qui Fernand Léger a envoyé un exemplaire du Cirque
Le Cirque, extraits
La vie fait l'oeuvre de Fernand Léger, extraits

Présentation

"L’œuvre d’art reste pour les sensibles, c’est leur revanche sur les intelligents. Il y a, entre l’artiste qui crée et l’amateur qui apprécie, un lien, une atmosphère délicate qui est irremplaçable, qui est le véhicule des grandes amitiés qui nous entourent. On n’explique pas cela, et c’est justement cette enveloppe assez mystérieuse qui permet la durée et l’admiration par les hommes d’autres générations." Fernand Léger, Le mur, l’architecte, le peintre, in Fonctions de la peinture, Folio Essai

L’œuvre à faire

Bien souvent, lorsque les grands artistes parlent de leur travail, on est en présence d’une pensée et d’un artisanat : de problème très concret et de fulgurance intellectuelle. Pensons à Van Gogh, à Cézanne, à Léger, à Glenn Gould, à Jean-Luc Godard...

C’est le rapport d’une œuvre au travail, d’une pensée sans la glose.

L’occasion est présentée de parler de l’œuvre dans cette approche concrète aujourd’hui où l’œuvre dans sa pérennité n’est plus un souci partagé. La rencontre de tels textes peut être pour des jeunes acteurs, très forte. C’est pourquoi je sollicite deux écoles : l’École des Teintureries à Lausanne, l’école de Cannes.

Nous ouvrirons avec Fernand Léger, nous finirons avec Gilles Deleuze dont les dialogues sont un art très singulier placé sous le signe du charme. Gageons que ce sera simple, simplement vivant.

J.-M. H.

Quelques mots d'Arnaud Churin

Le choix de ces deux textes, Le Cirque extrait de Fonctions de la peinture, et La vie fait l'oeuvre de Fernand Léger extrait de l'Intérieur de l'Art, entretien avec Dora Vallier, n'est, paradoxalement, pas un choix...
Il y a 10 ans, j'étais au lycée à Alençon en Normandie dans l'Orne, quand mon professeur de philosophie m'a donné un exemplaire de l'Intérieur de l'Art.
Et je suis tombé littéralement sur ce texte... voilà, - enfin ! - un artiste qui dit que "ce" n'est pas une tare, que "ce" n'est pas un empêchement quelconque - au contraire ! -, que "cela" donne une brutalité dans la vision du monde, que "ce quelque chose" est une particularité qu'il convient de revendiquer : la "Normanditude".
J'étais au lycée, je voulais faire du théâtre, et ce texte, cet entretien recueilli par Dora Vallier me donnait - à moi le jeune lycéen qui n'étais pas issu d'un milieu d'artistes - le droit, et l'exigence d'être un artiste. Cet Intérieur de l'Art, devenait pour moi l'intérieur de l'art du comédien. (...)
(...) Et je tombe littéralement - et une deuxième fois - sur ce texte... Le Cirque est une chose immédiate, qui possède une virtuosité dans le "dire", qui est un bombardement d'images. Il me semble être écrit comme un rap. Voilà quelque chose qui est dans l'époque, qui interroge la manière de dire.
Le projet du spectacle s'inscrit dès lors dans la même démarche que celle de Léger : l'ouverture. Prendre un texte qui n'est pas du théâtre, le porter à la scène dans une forme qui est celle du comédien, mais qui n'est pas strictement théâtrale.

Extraits de la réponse d'Henry Miller à qui Fernand Léger a envoyé un exemplaire du Cirque

Votre "Cirque" est arrivé l'autre jour - un évènement dans ma vie ! Je ne sais pas comment exprimer la joie que j'ai eue en tournant des pages de ce grand livre - un album de puissance et de liberté d'expression. Si l'oeuvre d'un autre peut nous libérer, la vôtre a fait cela pour moi. (...)
(...) N'étant pas écrivain, j'apprécie le courage et la sincérité que vous avez montrés en faisant cette tâche. Rien ne vous a échappé. Vos lignes sont aussi simples et directes que votre regard. Jétais plein de joie en lisant vos pages sur le grand cirque de Barnum et Bailey à Madison Square - où j'ai vu la première fois les acrobates, les clowns, les équestriennes, les saltimbanques - et en même temps, même lieu, le grand idole de ma jeunesse - Buffalo Bill avec ses Indiens. Vous avez recréé cette atmosphère, cette ambiance, avec une fidélité poétique. Jusqu'à la description de la lumière, le son du tambour, les couleurs et les visages de la foule. Bravo ! Et merci ! (...)
Voilà mes sentiments enthousiasmés !

Le Cirque, extraits

Passez les vacances avec les mêmes gens. Ils sont à deux cents kilomètres, ils ont changé de pantalon, c'est tout. Prenez donc votre vélo, arrêtez-vous un peu. Tournez à droite, enfoncez-vous dans le chemin vicinal, touchez les habitants, ce sont des gens comme vous et moi, aussi malins que vous, plus que vous, mais autrement. La terre est ronde. Pas besoin d'aller en Chine. Ne vous figurez pas trouver une génération de paysans à quatre pattes. Fini.

Puisque la terre est ronde, comment voulez-vous jouer au carré ?
Depuis la tête d'un homme et le corps d'une femme et la forme d'un arbre qui s'inscrivent dans un jeu de courbes, depuis le cerceau qui roule sur le trottoir et la roue que l'ouvrier tient sur son épaule et la tarte sur la tête du petit pâtissier, nous courons l'aventure fabuleuse du cercle gagnant à la loterie du coin.
Allez au cirque. Rien n'est aussi rond que le cirque. C'est une énorme cuvette dans laquelle se développent des formes circulaires. Ca n'arrête pas, tout s'enchaîne. La piste domine, commande, absorbe. Le public est le décor mobile, il bouge avec l'action sur la piste. Les figures s'élèvent, s'abaissent, crient, rient. Le cheval tourne, l'acrobate bouge, l'ours passe dans son cerceau, et le jongleur lance ses anneaux dans l'espace. Un cirque est un roulement de masses, de gens, d'animaux et d'objets. L'angle ingrat et sec s'y comporte mal.
Allez au cirque. Vous quittez vos rectangles, vos fenêtres géométriques, et vous allez au pays des cercles en action.
C'est si humain de casser les limites, de s'agrandir, de pousser vers la liberté.
Un chêne que l'on peut détruire en vingt secondes met un siècle à repousser. Les oiseaux sont toujours merveilleusement habillés, le progrès est un mot dénué de sens, et une vache qui nourrit le monde fera toujours trois kilomètres à l'heure.

La vie fait l'oeuvre de Fernand Léger, extraits

J'ai été très mauvais élève. On m'avait mis dans un collège de curés. Là j'avais fait des caricatures de mes professeurs et même des dessins obscènes. Je faisais aussi des sculptures sur des marrons, mais je ne pouvais pas supporter le collège, et les curés un jour m'ont mis à la porte. Ma mère a failli en mourir. C'était une pauvre bigote écrasée par mon père. Et mon père, mon père était une brute magnifique. Il a tué deux hommes en se battant. Sa mort, du reste, éclaire bien son caractère. Il est mort jeune, il avait quarante-deux ans. C'était un éleveur de boeufs, n'est-ce pas ? Il était couché avec une phlébite qui l'obligeait à rester immobile. Mais voilà qu'il entend ses bêtes passer sous la fenêtre pour aller à l'abattoir, à la Villette. Il n'a pu tenir. Il a voulu les voir. Il s'est levé et il est mort. Moi alors j'étais très brut, à l'état brut.

Seulement quand j'ai bien tenu le volume, comme je le voulais, j'ai commencé à placer les couleurs. Mais cela a été dur ! Combien de toiles j'ai détruit... J'aurais aimé les revoir aujourd'hui... J'étais sensible à la couleur, je voulais la placer dans les volumes. Je travaillais beaucoup. Des "ça y est !", je me disais. Je me couchais tranquille, puis le lendemain avec un jugement plus froid, pan ! je retombais dans le gris. Finalement, je me suis tiré d'affaire en 1917 dans la Partie de cartes, le premier tableau où j'ai délibérément pris mon sujet dans l'époque. Je le travaillais, je me souviens, à l'hôpital où je me trouvais parce que j'avais été gazé. Je m'en suis tiré avec le gaz aussi. "Je ne veux pas me laisser faire", je me disais, eh bien, je n'ai gardé aucune trace... Après, à mon retour à Paris, en 1918-1919, j'ai fait les toiles de ce qu'on a appelé "la période mécanique".

De cette "période mécanique", Léonce Rosenberg, qui était mon marchand, n'a rien pu vendre, pendant deux ans, alors que les mandolines des cubistes partaient. (...) Alors un jour qu'il était venu me voir, je n'en pouvais plus et je lui dis : "Voulez-vous que je déchire le contrat ? - Laissez-moi réfléchir vingt-quatre heures, dit Léonce et le lendemain il avait pris sa décision : "je tiendrai", m'annonça-t-il. Et il a tenu. Sept ans plus tard, toute la "période mécanique" a été vendue... (...) on sortait de l'impressionnisme, tout était douceur encore, et forcément il y avait de l'acharnement brut contre moi. Mais je n'ai pas cédé. Je ne peux pas céder. Je ne suis pas un homme habile. Je me souviens, quand j'ai apporté à Rosenberg la Lecture j'étais à court d'argent. Il a regardé le tableau et il m'a dit : "Mais la femme n'a pas de cheveux ! Sois quand même raisonnable, mets-lui-en un peu. Elle a l'air écorchée, c'est désagréable à voir", et il insistait. Mais moi, vraiment, avec la meilleure volonté je ne pouvais pas mettre de cheveux à la femme. Je ne pouvais pas. A l'endroit où était sa tête, j'avais besoin d'une forme ronde et nette. Je ne le faisais pas exprès : je ne pouvais pas mettre de cheveux.

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Théâtre de la Bastille

76, rue de la Roquette 75011 Paris

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  • Bus : Commandant Lamy à 2 m, Basfroi à 243 m, Charonne - Keller à 244 m, Voltaire - Léon Blum à 384 m
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Spectacle terminé depuis le dimanche 12 novembre 2000

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