
Impression de l'auteur
Notes de mise en scène
Lamour existe sinscrit dans un cycle que le théâtre du Nord-Ouest consacre à la " Confusion des sens ". Autour de ce thème central, on peut découvrir onze pièces, à la fois classiques - comme Phèdre - et contemporaines - comme La Ville dont le prince est un enfant - sur dses sujets dune brûlante et douloureuse actualité.
Deux petites filles ont disparu, lune en France, lautre en Allemagne. Un français est suspecté. A la suite dun accident de la route, on le trouve dans un hôpital allemand. Il refuse de parler à la police locale. Une française lui rens visite dans sa chambre dhôpital. La pièce commence lorsquil se réveille...
" Si, comme je le crois, une pièce exige de son auteur lui donne une forme indispensable, obligatoire, eh bien je nai moi-même jamais réussi à la faire. " Harold Pinter
Quand j'écris une pièce, je ne pars pas d'un point de vue idéologique. Je vois des personnages, dans une situation concrète. Je regarde. J'écoute. J'essaie d'en savoir plus. J'essaie de respecter leur intégrité tout en voulant les traquer, les pousser dans leurs retranchements, les toucher au vif. Mes opinions, si j'en ai, ne me sont d'aucune aide.
Jean-Luc Jeener pratique comme moi un théâtre de "l'homme pour l'homme". Il anime, avec un minimum de moyens, un lieuméconnu du grand public, car inconnu des médias, peu fréquentés des journalistes, et qui commence à trouver son public. Il alterne des saisons classiques (Molière, Tchekhov, Racine) avec des cycles contemporains autour d'un thème unique.
Lorsque Jean-Luc m' a demandé d'écrire et de mettre en scène une nouvelle pièce pour son prochain cycle, j'étais ravi. Puis il m'a annoncé le thème : la pédophilie. C'était moins évident.
J'avais suivi, comme tout le monde, l'affaire Dutroux. Une horreur incompréhensible. C'était donc ça, le défi : essayer de comprendre l'incompréhensible. Je me suis renseigné en lisant, d'abord des articles de presse, puis quelques livres, avec l'aide de deux associations : la Fondation pour l'enfance et Sauvetage de l'Enfance. Les deux personnages de la pièce sont apparus.
On a dû se battre. Ils n'avaient pas trop envie de se montrer. Ils se défilaient. J'ai essayé de les coincer. Ils ont exigé de moi, une forme, une forme nécessaire, la seule qui les ferait sortir de l'ombre. J'ai fait ce que j'ai pu.
Je n'ai pas assisté aux répétitions. J'ai fait confiance au metteur en scène, une vieille connaissance, et aux acteurs. J'ai eu raison : tout est devenu très clair, beaucoup plus clair que lorsque je l'écrivais. Ca m'arrange : on me croit intelligent.
C'est un bonheur que d'être servi par de tels acteurs. Ils sont justes. Ils sont beaux. Plus que cela même, ils sont vrais.
Mitchell Hooper
La matière première de mon théâtre, c'est l'acteur. Sans lui je ne suis rien. Je me sers de son corps et de sa voix, bien sûr, de son enveloppe physique, mais aussi et surtout de sa vie intérieure, de cet enchevêtrement d'émotions et de pensées que l'on appelle l'âme humaine.
Je demande à l'acteur, donc, rien de moins que de se onner corps et âme au travail que nous avons devant nous, au personnage qu'il doit incarner, à l'histoire que nous devons raconter. Et ils le font. Régulièrement, sans (trop) se plaindre, sans fausse pudeur, avec une vraie générosité, dans le bonheur de la création. Franchament je n'en reviens pas. Mais j'en profite éhontément.
Ma contribution en tant que metteur en scène est d'essayer de dessiner une ligne dramatique, de selectionner parmi les propositions des acteurs les émotions et les pensées qui me paraissent justes et qui vont faire avancer l'histoire, de préciser chaque moment et chaque échange, de leur donner un sens, une direction, et de trouver une cohérence profonde, ressentie, partagée. Autrement dit on est à la recherche de la vérité.
Et parfois, par bonheur, on ne sait trop comment, une ligne apparaît - pure, profonde, claire. Et vraie. C'est peut-être cela que nous appelons la beauté.
Dans le théâtre français, aujourd'hui, j'ai l'impression d'être à contre courant. L'acteur dans les spectacles à la mode semble se mettre entre les mains du metteur en scène comme une marionnette. Avec une abnégation admirable, il nous offre un bel objet, plein de prouesses techniques, et désepérément vide.
Je ne doute pas que ce vide et ce désepoir soient voulus. Je trouve simplement qu'en se privant de la richesse de la vie intérieure de l'acteur, on passe à côté de l'essentiel. Cela donne un théâtre pauvre - et mort. Et cela m'ennuie.
Si ce théâtre distancié, désincarné est vraiment ce que demande le public, alors je suis complètement démodé - à moins que je ne sois d'avant-garde.
Car il me semble qu'en cette fin de millénaire nous sommes tous amplement conscient du désespoir et du vide. La laiduer du monde est partout apparente. Et, à l'aube d'un millénaire nouveau, il ne suffit plus d'en témoigner, il faut y résister.
Mitchell Hooper
13, rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris