
Juliette, épicurienne de la chanson
La critique
Juliette, épicurienne de la chanson, provocatrice et esthète, nous convie dans son nouveau spectacle à un festin jubilatoire; textes doux-amers aux mots crus ou tendres aux saveurs mêlées d’humour, d’amour et de poésie, musiques malicieusement acérées, fragiles comme la rêverie, ou puissantes comme le désir. Juliette, friande de mets et de mots, nous emporte dans un tourbillon de notes...
“Amateurs de chanteuses anémiques, adorateurs de vedettes lyophilisées, passez votre chemin. Juliette a pris son courage à deux mains, elle charroie du verbe et de la musique, elle maçonne un domaine. C’est un bâtisseuse. Déjà, elle a chargé à ras bord plusieurs brouettes pleines de notes et de mots – du simple au plus compliqué, du plus rare au plus commun. Elle terrasse, elle remblaye. Elle ne ménage pas sa peine pour tracer sa route. C’est une entrepreneuse. Elle a choisi elle-même tous ses fournisseurs, tous ses matériaux. Elle a couru le monde, franchi les frontières pour rapporter des trésors qui arrivent de Grèce, d’Inde ou du Moyen Age. C’est une chineuse. Quand d’autres, à l’envie photocopient les mêmes procédés qui font figure de style, Juliette rentre dans le tas, tête baissée. Elle fait feu de tout bois. C’est une chercheuse, une inventeuse. Juliette, aujourd’hui est prête à nous recevoir. Elle vient de faire les finitions. Impatiente, elle nous fait visiter les lieux. Tout de suite, on est surpris, impressionné, séduit. Sur la table, on découvre le festin de Juliette. C’est épicé, savoureux, toujours inattendu. Tandis qu’au moment des liqueurs, un peu mutin, on s’approche de la sémillante propriétaire, on s’aperçoit que la maîtresse de maison a disparu. Une petite fille aux yeux inconsolables et aux genoux écorchés vient de prendre sa place. Elle est en larmes. Cette année encore, on vient de lui refuser le beau sabre de corsaire. Pas si grave : elle a réussi à cacher deux armes bien à elle, la pudeur et la tendresse.”
François Morel
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“Festin en effet. De musiques gourmandes, épicées, de mots crus, succulents. Savants : goûtez voir ce “Ragga abscons”, rap au tempo nordestin – écho aux collègues de Toulouse, The Fabulous Trobadors et Femmouzes T -, bombance verbale ; “Ah ! Se déboutonner face à la turlutaine/ Dégoiser à gogo, des godants, des églogues/ Escobarder, gausser, morguer ribon-ribaine” …Jubilant. A l’image de l’ensemble de l’album : Juliette y est le plus souvent joueuse. Ca n’empêche pas la blessure d’un “Garçon Manqué”, ni le noir poème du grand Lituanien Oscar-Vladislas de Lubicz-Milosz, marche funèbre pour piano, flûte et clarinettes. Mais si l’ombre est là toujours, le rire éclate. Le désir de plaisir, “l’Impatience amoureuse, le moqueur portrait de la bo-bo de “Retour à la Nature, l’ode langoureuse à “la Paresse, le jeu musical “d’Il n’est pas de plaisir superflu mêlant les styles, flamenco, bossa, chœurs d’hommes, cornemuse. C’est cette virtuosité de l’auteur et de la musicienne qui fait qu’on aime particulièrement ce personnage. Ici toutes les chansons ne sont pas mémorables, toutes les orchestrations le sont. Plaisir partagé, piano de chef. A table ! ” Télérama, 02 mars 2002
“Le Festin de Juliette” se dévoile comme une œuvre de maturité, substituant à la veine réaliste des débuts une inspiration moins fixée, plus sensuelle, à la fois baroque et rabelaisienne. Comme toujours, les chansons enlevées alternent avec de somptueuses ballades sur une trame de cordes, vents et percussions foisonnants. Accompagnant des paroles aussi nourries, cette écoute exige une rare attention – quitte à ce que parfois un pied de nez ragga, fustigeant critiques et mondanités dans un vertigineux croisement de langues, s’annule sous le poids de la partition. Ailleurs, c’est beaucoup de joie, d’insolence, de mélancolie, et de berceuses macabres.” Libération, 1er février 2002
“Le Festin de Juliette” est à la fois courageux et escarpé. Comme tous les grands disques, en tout cas ceux qui font avancer quelque chose. Une oreille n’y pénètre pas sans plusieurs visites, sans quelques refus. Puis elle s’assouplit, comme s’arrangent entre elles les histoires de rencontres, et se laisse emporter par le toboggan des mots, par les surprises de la mélodie. Oui, Juliette, l’auteur de “Sur l’Oreiller”, l’une des plus belles chansons françaises, a le talent d’une fleur qui s’ouvre infiniment. Sa façon d’agencer les mots, de faire étinceler le dictionnaire et de cogner à l’huis de musiques tantôt malicieusement acérées, tantôt fragiles comme la rêverie des doigts sur les cordes d’une harpe ; sa manière de puiser dans les secrets des vieilles chansons dites “réalistes” et d’en tirer une formidable modernité ; la force qui est la sienne d’avoir fait son trou dans ce monde qui ne l’attendait plus, forcent l’admiration.” Le Parisien, 5 mai 2002
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