Israël

Paris 11e
du 4 au 30 septembre 2001

Israël

Au début du siècle, dans un cercle huppé de la rue Royale, à Paris, un groupe d’aristocrates antisémites attend avec impatience la venue d’un jeune prince, orateur raciste à souhait. Lorsque celui-ci survient, il profite de leur présence pour les prendre à témoin de sa provocation en duel d’un vieux j

 
Une intrigue à ne pas dévoiler
Une pièce bien rangée
Un auteur à ne pas fréquenter
Une mise en scène abracadabrantesque
Des comédiens à ne pas mettre entre toutes les mains

 

L’histoire est simple, et, pour ne pas gâcher le plaisir du futur spectateur, je n’en révèle que l’esprit.
Au début du siècle, dans un cercle huppé de la rue Royale, à Paris, un groupe d’aristocrates antisémites attend avec impatience la venue d’un jeune prince, orateur raciste à souhait. Lorsque celui-ci survient, il profite de leur présence pour les prendre à témoin de sa provocation en duel d’un vieux juif, fidèle du cercle et qui a le malheur de soutenir les laïcs. Il devient urgent pour la mère de révéler au prince qui est son véritable père…

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« j’ai le plaisir de vous informer que le représentant de la succession de l’auteur vous autorise à poursuivre l’exploitation d’Israël de Henry Bernstein, uniquement sous forme de lecture aux conditions suivantes : sans décor ni costume, les comédiens ayant en main la brochure » Safia Kheroua - SACD, le 7 août 2001

Sans rire, quand j’ai reçu ce courrier, j’étais vraiment heureux. Je ne suis pas le metteur en scène qui a remis Bernstein au goût du jour. Lui, c’est Robert Cantarella avec Le Voyage. Je ne suis pas le réalisateur qui a permis qu’une œuvre de Bernstein soit connue du grand public de la fin du XXe siècle. Lui, c’est Alain Resnais avec Mélo.
Je suis l’emmerdeur qui a tout fait pour que Israël, une pièce à part dans l’œuvre déjà controversée de Bernstein soit rejouée pour la première fois. La dernière, c’était à la création en 1908. Et encore ! Sous la pression des antidreyfusards, on l’a retirée de l’affiche dès la troisième représentation.
De son vivant, Bernstein comprit que l’époque n’était pas disposée à sa pièce, il la laissa de côté. Il meurt en 1953. Un oubli respectueux tombe sur l’œuvre d’un homme familier du scandale. Elle fut vite classée dans le mauvais théâtre de boulevard. Aujourd’hui, ses descendants aimeraient que l’on redécouvre enfin l’écrivain mais par une pièce« moins juive ». Par exemple en janvier 2002 avec l’étonnante Elvire qui sera jouée au Théâtre Marigny. Créée en 1940, elle parle déjà de camp de concentration et fut interrompue par l’entrée des allemands à Paris.
A la différence d’Elvire où, Bernstein ose s’attaquer à l’Allemagne nazie sur le thème des prisonniers « politiques », Israël cible l’antisémitisme virulent sous la république française au début du siècle. La succession de l’auteur, ne souhaitant pas limiter le public potentiel à celui d’une pièce de combat, elle s’oppose systématiquement aux reprises.
Leur souhait est noble : ne pas attiser de polémique.
Le nôtre l’est moins : savourer une pièce peu consensuelle.
Qu’ Israël soit enfin jouée tient pour moi de la plus haute exigence au point que j’ai mis tous mes efforts dans la bataille pour compenser la réticence familiale qui, au passage nous prive de toute subvention des collectivités.
Au moins puis-je remercier Jean-Louis Livi, qui a accepté d’intervenir auprès de la succession. Le représentant de cette dernière, Jacques Boncompain, nous accorde finalement le privilège de la représenter en septembre 2001 sous réserve du respect des conditions mentionnées au début.
Des contraintes somme toutes amusantes puisqu’elles n’empêchent pas que le texte soit su par cœur, simplement attaché en menotte au bras de chaque comédien …
Après une quarantaine prolongée de 93 ans, voici donc, pour ce texte, une mise en scène qui garde l’arrière-goût du défendu. Remercions la vigilance d’ayant-droits au demeurant très sympathiques par leur souci de paix sociale. Sans le vouloir, leur perfectionnisme les place encore comme héritiers de ceux qui en 1908 avaient tout fait pour bloquer la pièce ! Au spectateur d’aujourd’hui de venir se faire une opinion.

Patrick Hadjadj

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« Bernstein, c’est une femme qui s’habillerait en veuve pour faire le trottoir » Jean Cocteau
« Au ruisseau, Bernstein, à la boue ! Il s’y sentira chez lui !… » Louis Aragon
« le théâtre de Bernstein (…) Tout cela creux absolument, grossièrement inactuel, fictif, tricherie hurlante… » Louis-Ferdinand Céline
Ces citations sont tirées d’une longue liste d’insultes de célébrités de tout bord et recueillies, pour sa préface au Théâtre de Bernstein éditée en 1998 chez Du Rocher, par un écrivain déjà ambigu, Marc-Edouard Nabe. Plus simplement, Bernstein naît en 1876 à Paris. Il meurt en 1953 à Paris.
Entre-temps, il compose plus d’une trentaine de pièces. Il a beaucoup de succès, se bat en duel, collectionne les ennemis, échappe de justesse aux nazis en passant la dernière guerre mondiale à New-York d’où il ridiculise Pétain dans des pamphlets qui scandalisent le Paris mondain et collaborateur. A sa mort, Paris s’empresse d’oublier son œuvre et l’on gare de lui une simple réputation d’auteur bâclé de Boulevard.

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Comment représenter aujourd’hui les illuminés antisémites français du début du siècle ? Comment voir, Thibault, leur chef de file, sans le mettre en valeur mais de sorte que sa puissance sur eux transparaisse ? Comment, enfin, mettre en scène l’affection du juif Gutlieb pour l’antisémite Thibault ?
Il ne s’agit pas ici de faire du théâtre historique. La succession de Bernstein nous est à ce propos d’une grande utilité. Avec l’interdiction de costumes et décors, pas de fioritures ! On se permet simplement le texte enroulé avec un ruban rose et en menottes pour chaque comédien afin qu’il l’ait bien en main. Chacun semble tenu par son diplôme de bonnes intentions, comme si une éducation ratée l’avait emprisonné dans sa vision défectueuse du bien pour autrui.
J’ai choisi d’emmener ce beau monde d’aristocrates décadents vers l’atmosphère d’un jeu vidéo. Leur rapport au monde est virtuel, ils craignent tout ce qui dans la société n’est pas leur image exacte. Ils excluent parce qu’ils se sont déjà exclus de la réalité. On les retrouve dans un ridicule monde où ils sont les fantômes d’eux-mêmes. Leurs automatismes accentués sont aussi un moyen de montrer que, même l’antisémitisme, leur meilleur point commun, ne leur appartient pas mais est un « prêt-à-penser ». Ils l’appliquent au réel pour mieux l’ignorer.
Pour être fidèle, tant à l’esprit du muet de l’époque de la pièce, qu’à la tradition du mélodrame ( drame où une musique instrumentale accompagnait les entrées et sorties des personnages), j’ai placé sur scène un pianiste. Il joue par exemple en prologue l’étude XI de Schumann, une musique puissante et mélancolique, riche en enchevêtrements de notes et où j’entends la douleur du recommencement incessant de la chasse au juif. Plus tard seront jouées la quatrième balade puis la Valse posthume de Chopin pour évoquer l’entente invisible de personnages. If I were a rich man, la fameuse complainte de la comédie musicale Le violon sur le toit viendra à contre-temps lorsqu’un nanti antisémite découvrira avec horreur sa judéité.
Le Temps des cerises, le Nigun de Bloch, Hava naguila et Israël, deux musiques folkloriques, sont autant de contrepoints musicaux faisant référence à des cérémonies tant laïques que religieuses et qui donnent une perspective de société à des situations où les personnages s’entre-déchirent en oubliant toute notion de rapport positif avec l’autre qui n’est que l’objet d’un duel.
Je précise enfin que Thibault, le champion des antisémites est joué par une femme en fauteuil roulant et au crâne rasé. Une accumulation de clichés de la faiblesse pour la représentation d’un être qui se nourrit de clichés sur la force.

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Séverine Poupin (Thibault, le prince fou)
Je l’ai mise dans une situation difficile en lui demandant de jouer le rôle d’un homme, en chaise roulante, antisémite et au crâne rasé. Elle est très perméable à une atmosphère et c’est très agréable pour la diriger. Elle s’est imprégnée du personnage au point que lorsqu’elle rencontre un juif orthodoxe dans le métro, elle a honte.
Elle a été formée aux Arts et Métiers du Spectacle par Laurent Azimioara. Lui , il en est fier.

Laurence Arrighi (Agnès, la mère)
Au début, on l’appelait Agnès III car j’avais usé deux comédiennes assez longtemps avant de la rencontrer. Elle a tenu le coup. Pour jouer une femme enfant en pêchant tantôt dans le registre comique, tantôt dans celui dramatique, elle a su s’imposer. Je note qu’elle avait joué la grisette dans La ronde de Schnitzler en 1997. Un rôle de coquette en cache donc un autre. Sa formation théâtrale est à la fois universitaire et de différents conservatoires.

Pierre Porquet (Gutlieb, le juif)
Pierre a la puissance de jeu que ses nombreux rôles classiques ont pu mettre en valeur (Shakespeare, Molière, Racine…). Il joue le juif digne, soucieux avant tout de la France, celui que j’aurais voulu être si je n’avais été sauvé dans mon vœu d’assimilation totale par mon nom impossible à écrire.

Stéphane Simonneau (le prêtre)
C’est le genre de comédien qui fait se demander s’il est opportun d’emmener sa femme au théâtre. Il dégage un charisme extraordinaire au point qu’auditionné pour jouer une crapule d’antisémite, il fut immédiatement détourné vers le rôle de prêtre. Il émane de lui à la fois force et apaisement. Avant de se consacrer au théâtre et à la réalisation, il était avocat.

Simon Doniol-Valcroze (Sallaz, un antisémite doux)
Dans la scène du banc avec les autres aristocrates, il renverse systématiquement son verre de vin sur son voisin. Cet effet, non voulu caractérise bien sa propension au débordement. De lui émane beaucoup de noblesse et de générosité. On lui pardonne tout. Il a été formé chez Jacques Lecoq et a été dirigé au théâtre par des pointures comme Luc Bondy ou Robert Hossein.

Philippe Grande (Gilbert, un antisémite automatique)
Il a une voix terrible. Normal, je l’ai détourné de sa carrière de chanteur pour qu’il apporte son allure de noceur au personnage de Gilbert. De nature très sensible, il est d’autant plus drôle de le voir en cette brute d’aristocrate . Philippe a écumé la plupart des cabarets parisiens et s’est même produit dans des lieux insolites comme la Grande Halle de la Villette (décembre 1996).

Patrick André (Morice, un antisémite blagueur)
Le seul véritable chauve de la troupe. Lorsqu’il ne sourit pas, il a une véritable dégaine de tueur, à la Bozzufi. Il a ce qu’il faut pour incarner un aristocrate malsain à souhait. Il sera papa en septembre.

Emmanuel de Villeneuve (Mauve, un antisémite des champs)
Le seul aristo pur jus dans une pièce où cette caste n’est pas représentée au mieux. Grand garçon un peu guindé, il offre une intéressante représentation rigide de l’antisémite rural qui vient au cercle de la Rue Royale pour rappeler qu’il n’est pas seulement un bouseux. Il a été formé au Théâtre 14.

David Berderie (pianiste)
De nature secrète ce jeune homme, accompagnateur dans un Conservatoire parisien, est parti faire une tournée en province jusqu’au 1er septembre 2001 sans prendre la précaution de me laisser son CV. Sa bio est donc reconstituée à partir de la semaine de représentations que nous avons eue avec lui. Très jeune il devait déjà être doué… Aujourd’hui il cumule les concerts. En septembre, il jouera les morceaux par cœur pour être plus proche du jeu des comédiens. Il aime le vin blanc. Il n’aime pas donner son CV.

Charles Dimene (créateur lumières)
Un vrai perfectionniste. Avec lui on pourrait vraiment dire : « le Verbe est apparu après que la lumière fut ». Il occupe depuis quelques années le poste de régisseur au Théâtre de Proposition et il se donne sans compter.

Patrick Hadjadj
(le metteur en scène et coproducteur qui cherche encore le second)
Je suis directeur artistique du Théâtre de Proposition depuis un an, agrégé par ailleurs, je signe aujourd’hui avec grand plaisir ma première mise en scène, après quelques mises en espace assez confidentielles. J’aime écouter mes acteurs pour leur voler leurs attitudes et en habiller les personnages. Je pique les idées aux pièces, opéras et films que j’ai vus et je signe. Je récupère les avis des spectateurs pour comprendre ce que j’ai commis.

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Sélection d’avis du public

Israël Le 13 février 2006 à 15h02

si le monde entier a vue sur la politique de notre jeune et petit etat je me permet , citoyenne israelienne , de jeter un coup d`oeil sur le monde du theatre de la belle france.et je suis heureuse de constater la qualite de ce theatre dans un monde ou la verite et l`honnetete deviennent du militantisme.

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Israël Le 13 février 2006 à 15h02

si le monde entier a vue sur la politique de notre jeune et petit etat je me permet , citoyenne israelienne , de jeter un coup d`oeil sur le monde du theatre de la belle france.et je suis heureuse de constater la qualite de ce theatre dans un monde ou la verite et l`honnetete deviennent du militantisme.

Informations pratiques

Proposition

3, cité Souzy 75011 Paris

  • Métro : Rue des Boulets à 47 m
  • Bus : Rue des Boulets à 47 m, Claude Tillier à 253 m, Philippe Auguste - Dumas à 304 m, Faidherbe - Chaligny à 339 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Proposition
3, cité Souzy 75011 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 30 septembre 2001

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