Voici trente ans, I-Fang Lin arrivait en France, toute imprégnée des conceptions très rigides prévalant dans la danse à Taïwan. Ici, elle fut interprète remarquable des Mathilde Monnier, Christian Rizzo. La voici parvenue au temps des allers-retours avec Taipei, où le Théâtre national l'accueille en artiste associée. C’est l’occasion de tout redécouvrir. Le dialogue est intense. On n'a pas dit grand-chose, en s'en tenant au seul vocable de « danse contemporaine ».
La pièce Skein Relations porte ce mouvement. Skein signifie « enchevêtrement ». La chorégraphe y tire les fils des relations complexes, entre cinq interprètes masculins, choisis à Taïwan. Elle explore le phénomène de murmuration, où de grands vols d'oiseaux composent de fascinantes figures dynamiques coordonnées, alors qu'on ne leur connaît pas de leader.
Sur le plateau, Skein Relations sonde les contaminations émotionnelles. Si loin de son pays, un jour I-Fang Lin s'est laissée bouleverser par les nouvelles d'un tremblement de terre dévastateur, là-bas. Comment se propage le mouvement profond de soi ? Comment résonne-t-il ? Comment gagne-t-il ? Comment rester à son écoute ?
Il fallait inventer les conditions du fluide. Sur le plateau, les cinq danseurs œuvrent aux prises avec une dramaturgie de la matière : une solution de fécules (la maïzena) s'écoule et enduit tout. Indéfiniment mobile. Elle peut cristalliser en formes sculpturales. Ou rendre le sol glissant. Les corps brillants. La plus experte des techniques de danse en est ébranlée. La belle intention de l'écriture du geste y accepte et l'imprévu, et l'improbable. Les contagions opèrent. Les frontières s'abaissent. Non sans risques. Avec énormément d'ouverture.
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