Bruit

Paris 20e
du 14 au 18 mars 2000

Bruit

CLASSIQUE Terminé

Chants d’amour sous tension, un travail semi-public sur la dernière pièce de l’auteur de Prison

Cet hiver-là, quatre d’entre eux ont disparu. Trois très jeunes et un plus vieux. Quatre vies qui ne se sont pas croisées, ou très peu. Cet hiver-là, François Bon était en résidence à la Manufacture de Nancy, le théâtre que dirige Charles Tordjman. Il parcourait régulièrement la ville à la rencontre des sans- abri. Sur le plateau de Théâtre Ouvert, ces quatre voix, dans la réalité séparée, sont rassemblées en une seule collision. Tandis que monte, comme dans Le Terrier de Franz Kafka, un bruit menaçant, d’origine mystérieuse, la fiction les fait se rejoindre.

François Bon
Auteur

Ouvrir les trappes du monde
par Charles Tordjman

- Pour ceux qui s’intéressent aux écritures théâtrales d’aujourd’hui, votre nom est maintenant associé à celui de François Bon, particulièrement depuis Vie de Myriam C. que vous avez mis en scène la saison dernière et qui a été présenté notamment au Théâtre de la Colline à Paris. Pouvez-vous préciser quelle est l’origine du rapport artistique que vous entretenez avec François Bon ?

Charles Tordjman : C’est grâce à ses romans que j’ai d’abord " fait la connaissance " de François Bon. J’avais lu Le Crime de Buzon et Calvaire des chiens. Et j’avais eu le vague pressentiment que leur auteur avait quelque chose à voir avec le théâtre. Non tant à cause de la qualité des dialogues que de la présence d’une forme narrative faisant s’entrecroiser monologues et récits de vie. Et puis j’avais été sensible à son intérêt pour la question de la vie dans les villes et notamment pour la situation des êtres les plus fragiles, ceux qu’il nomme " en situation d’urgence ".

Ensuite, c’est un concours de circonstance qui m’a fait croiser l’homme. L’écrivain Bernard Noël, qui est un de mes vieux compagnons de route, m’ayant transmis ses coordonnées dans le sud de la France, j’ai profité d’une tournée de Fin de partie que nous présentions à Montpellier pour prendre contact avec lui. J’ai d’abord senti beaucoup de réserve de sa part à l’égard du théâtre. Sans doute redoutait-il qu’il n’y ait un malentendu sur ce que nous pouvions attendre l’un et l’autre de l’écriture. C’est probablement la raison pour laquelle il m’a donné d’emblée rendez-vous " in situ " pour me faire assister à l’une de ses séances de travail. Je me suis donc rendu dans ce qui s’appelle la "Boutique d’écriture", un local situé dans La Paillade, un quartier défavorisé de Montpellier, où ont lieu les ateliers d’écriture dont il est un animateur régulier. Là, j’ai été estomaqué de ce que j’ai vu. Je garde une impression très forte de la lecture du journal d’une Gitane qu’il m’y avait fait lire. Le rapport qu’il entretenait avec les gens présents dans cette " Boutique " m’avait également beaucoup étonné. Tout cela pouvait sans doute faire du théâtre mais nous en sommes restés là... Jusqu'à ce qu’il accepte d’écrire pour le théâtre. Ce fut Vie de Myriam C.. Un texte écrit après le décès par overdose d’une jeune femme qui lui avait laissé des textes fulgurants. François Bon n’avait pas voulu tenir cela sous silence. La lecture de son texte m’a bouleversé. Je lui ai immédiatement fait part de mon désir de le mettre en scène. L’aventure a commencé ainsi.

- Au Théâtre de La Manufacture à Nancy dont vous êtes le directeur ont également été créés des ateliers d’écriture pour les plus démunis qui sont animés par François Bon auquel s’est associé le photographe Jérôme Schlomoff. Comment passe-t-on d’un travail au plus près du réel tel que celui-ci à l’élaboration d’un objet artistique tel que Bruit ?

C.T. : Bruit a bien à voir avec le travail que nous effectuons à Nancy auprès des sans-abri, il s’est nourri de lui, mais il s’agit sans conteste d’un travail d’écrivain. Bruit est né, comme Vie de Myriam C., de la confrontation de l’écrivain avec la mort. Au départ de Bruit, des récits dans le quotidien local à Nancy pendant l’hiver 98/99 de quatre fins tragiques successives de sans-abri. Ces quatre récits, dans la réalité séparés, sont rassemblés dans Bruit dans une seule collision. Ces quatre-là, nous les connaissions. Aller voir, aller dire l’état du monde quand celui-ci est le plus à vif, aller entendre ceux qui se battent à main nue en mettant la littérature ou le théâtre au cœur du partage, c’est parfois notre rôle, en tout cas c’est là notre foi, un choix où se croisent l’artiste et le citoyen. J’ai moi-même monté les textes de personnes "en situation d’urgence" : Va savoir la vie. D’une certaine manière avec François, j’y reviens.

- Il s’agit maintenant de travailler sur une scène de théâtre ; comment comptez-vous vous situer par rapport aux événements réels ?

C.T. : Bien sûr, il m’est impossible d’oublier les images de sans-abri que j’ai croisés. Mais il ne s’agit pourtant pas de coller à ce réel que je connais. François Bon apporte avec Bruit une langue tragique. Il a rencontré des êtres humains à la limite. Et son texte rend compte d’une forme de sauvagerie qui est à la fois universelle et spécifique à notre époque. Il y a un état de désarroi que potentiellement tout un chacun porte et dont François Bon s’approche. Comment certains serrent les dents devant la vie, comment d’autre abandonnent, comment certains gardent les yeux ouverts et d’autres ont les yeux ternes... Un écrivain ouvre les trappes du monde là où les odeurs sont nauséabondes. Et pour cela il fait éclater la langue. François Bon se passionne chaque fois qu’il vient à la Manufacture pour le travail des coulisses, celui des régisseurs et du bricolage des acteurs. Et cela semble avoir une répercussion sur sa façon d’user du langage. Son écriture a à voir avec une tentative pour trouver de nouvelles formes - ce n’est sans doute pas un hasard s’il est fervent lecteur à la fois de Rabelais et de Novarina. Je suis frappé dans Bruit comme je l’étais dans Vie de Myriam C. par cette manière si particulière qu’il a de réarticuler la syntaxe comme s’il en cherchait un ordre nouveau...

Le texte posant des vraies questions de théâtre, il faudra trouver des solutions de théâtre pour les résoudre. Par exemple cette présence des chiens sur scène qui sont bien plus qu’une métaphore : qui est le chien et qui est l’homme ? Et comment traiter la présence permanente du bruit ? Tout cela crée une tension dramatique qu’il nous faudra réinventer sur scène. Ce sera le travail de la mise en espace.

- N’avez-vous pas peur des " bons sentiments " ?

C.T. : A aucun moment, le travail avec les SDF n’a été conçu comme une thérapie sociale. Les gens qui participent à ces ateliers viennent en pleine connaissance de cause y rencontrer un écrivain. Ils sont là pour écrire ou parler de ce qu’ils écrivent. Quant à François Bon, il est là je crois dans le monde et dans la matière de sa langue. Comme un magma en mouvement. On y observe les déchirures sociales, économiques, familiales dans ce qu’elles ont de tangibles. En Lorraine, on est ainsi renvoyé de manière abrupte à la crise du textile et du charbon : il ne s’agit plus de statistique dans les journaux mais de détresse humaine. Avec le sentiment que c’est bien là que se situe le champ de bataille. Je suis redevable au théâtre, dit François Bon, de cette magie minimum plateau devant salle vide et c’est par ce lieu et cette dette que j’accepte la responsabilité de la parole. Quand on est chargé de tout ce qui se déchire de soi et de soi dans l’autre, c’est tellement lourd qu’il faut le hurler. Et c’est ici au théâtre, sur le plateau vide, qu’on choisit de le hurler.

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Spectacle terminé depuis le samedi 18 mars 2000

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