Accords

Comme dans un exercice de style à la Queneau, les danseurs se passent le relais, sur des musiques très différentes, entrecoupées de silences et de noirs.

Le Suisse Thomas Hauert et sa compagnie ZOO installée à Bruxelles présentent Accords, une pièce pour sept danseurs. Comme dans un exercice de style à la Queneau, les danseurs se passent le relais, sur des musiques très différentes, entrecoupées de silences et de noirs. En duos, en trios, en groupe, les corps semblent souvent n’en former qu’un, qui s’agence et se réagence, explorant la diversité des formes, des rythmes, des interactions possibles entre danse et musique. Thomas Hauert orchestre une chorégraphie très construite, dans laquelle les figures se déploient puis meurent, avant de renaître à nouveau, selon une partition fluide qui convoque la lumière en virtuose.

L.D.

  • Entretien avec Thomas Hauert

Thomas Hauert a étudié la danse à Rotterdam, puis s’est produit entre autres chez Anne Teresa de Keersmaeker avant de créer sa propre compagnie ZOO. Depuis sa première pièce Cows in Space (1998), couronnée aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, il a créé une dizaine de pièces, souvent avec la même équipe.

Avec Accords, il poursuit un travail qui se caractérise par l’improvisation (encadrée) des danseurs, un goût pour le groupe, et une grande attention à la façon dont la danse entre en dialogue avec la musique.

Sur scène, les danseurs se passent le relais lors de tableaux où les corps se joignent et se disjoignent dans des figures où chacun semble répondre à l’autre. Il en résulte un spectacle qui marie la virtuosité, le pur plaisir de la danse (sur des musiques très éclectiques et pour beaucoup issues de formes très codées et populaires) et la fragilité palpable d’une improvisation constante, qui noue et dénoue le groupe, et fait voyager le mouvement.

Comment Accords prend place dans votre parcours ?
C’est un peu une synthèse d’éléments développés ces douze dernières années : le travail sur le mouvement dans l’espace et dans le corps même du danseur, l’intérêt pour la question du groupe, l’improvisation, le rôle dévolu à la musique comme générateur d’une structure et du mouvement… Nous avons exploré ici la façon dont tous ces paramètres pouvaient se combiner.
C’est une structure très complexe qui travaille un principe de base : développer le maximum de connexions possibles entre les danseurs, entre les différentes parties du corps de chaque danseur, entre le proche et le lointain, avec la musique… Nous cherchons à développer la complexité tout en maintenant le lien au sein du groupe. Même s’il y a un jeu sur les décalages rythmiques entre les uns et les autres, et si chacun ne suit pas la même trame de musique, par exemple, nous gardons un principe de connexion dans l’espace. Nous utilisons aussi les « unissons improvisés » qui consistent à faire naître le mouvement de l’écoute « entre » les danseurs plutôt que de la décision préalable d’un seul individu.

Vous utilisez beaucoup de musiques très différentes : une fanfare, un chœur religieux, du flamenco… Pourquoi ce choix ?
DansAccords, la musique est ce qui détermine la structure et déclenche le mouvement. Elle est la référence commune. Un des points fondamentaux de la pièce est le plaisir physique pris à danser ensemble, à se laisser emporter par la musique pour créer autre chose. Les musiques sont donc des musiques très expressives, qui sont facilement accessibles et dont les énergies vont directement au corps. Chacune a des qualités très physiques et porte en elle-même un mouvement. Nous avons essayé beaucoup de morceaux issus de contextes culturels très différents et pris la liberté de choisir ceux qui produisaient les variations les plus intéressantes dans les corps. Comme pour cette pièce nous dépendons des impulsions du corps, il était nécessaire que nous ayons des musiques qui ne soient pas que cérébrales. L’éclectisme permet de tirer la danse dans différentes directions, de produire des variations intéressantes dans les corps. La cohérence n’est donc pas à chercher dans l'origine des musiques, mais dans leur rapport aux éléments chorégraphiques.

Les lumières sont très travaillées, très expressives… : puits de lumière, ombres dessinées… Pourquoi ce parti pris ?
Comme la danse est improvisée tous les soirs, il est important de construire autour d’elle un cadre très précis, de lui donner une forme. Le jeu de lumières permet de concentrer le regard sur le mouvement et de le rendre plus lisible. Il permet aussi de finaliser les images en train de se créer : nous ne sommes pas dans l’esquisse mais dans une forme, dans une esthétique aboutie. C’est aussi l’idée des entrées en fond de scène : elles produisent des lignes qui orientent le regard.

L’improvisation est au cœur de votre travail. Qu’est-ce qu’elle vous apporte ?
Cela peut apparaître comme un paradoxe mais les quatre mois de la création ont été consacrés à la pratique des improvisations ! C’est donc une pratique très répétée, très travaillée qui permet d’explorer des possibilités de mouvement sans passer par le filtre de la conscience. Par ce biais, le corps génère de nouvelles connexions. Si, par exemple, le principe est de faire exactement la même chose en même temps, le système nerveux se met en capacité de le faire et ces capacités dépassent la conscience. Il n’est pas question de l’éliminer pour autant : la conscience peut servir de guide et permettre de rendre le jeu plus complexe, mais ce n’est pas la seule chose qui travaille.
Par ailleurs, lors de ces improvisations chacun est leader une fraction de seconde puis passe le relais… Ce qui peut rendre ces improvisations en groupe très frustrantes pendant la création ! Nous sommes toujours très dépendant de l’autre. La liberté est en réalité très fragmentée et demande une adaptation constante. Créer quelque chose ensemble est à la fois excitant et irritant. Mais au fond, cela reflète des mécanismes très communs dans la société. Entre donner et prendre, être autonome et avoir besoin des autres… C’est un dilemme très intéressant et très beau.
L’investissement nécessaire pour que ça marche est énorme et cela demande à chaque danseur une concentration permanente. C’est la raison pour laquelle nous entrons et sortons face au public : comme tout le long du spectacle nous sommes très centrés sur nous-mêmes, cela donne un mouvement d’ouverture et de confrontation avec les spectateurs.

Qu’est-ce qui est perçu de ce processus lors de la représentation ?
Les connections entre les danseurs, le soin apporté à l’autre, l’attention apportée au mouvement de chacun deviennent très visibles. Cette attention, cette concentration permet de créer quelque chose qui lie tout le monde en même temps, à un instant T. La danse renaît chaque soir différemment, tout en étant chaque soir « multi connectée » et nous espérons que cette dynamique peut s’avérer touchante ou fascinante.

Propos recueillis par Emmanuelle Mougne

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Spectacle terminé depuis le jeudi 16 juin 2011

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