Maupassant, conteur (1850-1893)
Maupassant, écrivain Normand
Maupassant, peintre des
" filles "
Ses principaux romans
Les chroniques
Les correspondances
La poésie et des récits de voyages
Maupassant et le Naturalisme
Flaubert
" le maître, le vrai maître "
Maupassant et les femmes
Maupassant et le Théâtre
Maupassant, conteur (1850-1893)
Maupassant, conteur : ... quelques 300 contes et nouvelles. Il faut savoir que
limmense majorité des contes et nouvelles de Maupassant ont été écrits
dabord pour les journaux. Ces quelques 300 contes mêlent des thèmes et des
registres divers : Ils vont de la farce au tragique, du gracieux au grossier, du
salace au fantastique ...
Parmi les principaux thèmes abordés, notons ( par ordre alphabétique) :
- ladultère : lattente , Une
ruse , Au bord du lit , Sauvée ", le
verrou ...
- lAfrique : Allouma ...
- lamour : Berthe , Clair de Lune .. ;
- le diable : le diable
- Dieu : Linutile beauté
- Le double : Fini, sur leau, ..
- leau : Les dimanches dun bourgeois de Paris, la femme de Paul...
- lenfance : les champs doliviers, la confession
- le Fantastique : lhomme de Mars, la main écorchée, la morte ...
- La force : Conflits pour rire ...
- la femme : un échec, une aventure parisienne, la revanche, Linutile
beauté, boule de suif, les tombales, Marroco....
- la fille séduite : Ce cochon de Morin
- la Folie : le Horla
- lenfantement : un fils
- lhéritage : le Legs
- la jalousie : Yvette, la Confession, Linutile beauté...
- les jeunes filles : Yvette, Histoire dune fille de ferme, Une veuve,
une portée de campagne ...
- La Justice : Au bois, lassassin, le condamné à mort ...
- la maladie : la peur, Voyage de santé
- le mariage : la dot, le moyen de Roger
- la mort : un duel, laveugle...
- la Normandie : Laveu, Boule de Suif, Joseph, Un réveillon, Toine,
Souvenirs ...
- la paysannerie : boitelle, miss Harriet, le père amable, Toine...
- la prostitution : Boule de suif, Mademoiselle Fifi, le port ...
- la religion : la relique, le lit...
- La violence, le sadisme : livrogne, le noyé, une vendetta ...
- la seine : deux amis, Mademoiselle Cocotte, Au printemps, Yvette ...
- le sucide : sur leau, Suicides ...
- la vielle fille : miss Harriet
- la vieillesse : Adrien, le vieux ...
- le viol : la petite roque
- le voyage : voyage de noces...
Cette richesse de thèmes abordés va donner à luvre de Maupassant un
effet de diversité, de contraste, de rupture parfois. Mais à chaque fois, on retrouve -
quel que soit le thème développé - un sens aigu de lobservation, apte à rendre
compte des multiples et divergentes facettes de la réalité.
Maupassant, écrivain Normand
La Normandie est omniprésente dans son uvre. Près dune centaine de contes
et nouvelles ainsi que deux romans (" Une Vie ", " Pierre et
Jean ") lui empruntent décors, personnages et patois. Il y décrit notamment la
vie dans les campagnes normandes et les moeurs de sa province natale. Il décline les
charmes de la Normandie, mais aussi lenvers du décor : la misère et le vice.
Maupassant, peintre
des " filles "
Maupassant na jamais cessé, à partir de " boule de suif "
(1881) de mettre en scène " les filles " (filles de joie, demoiselles
de petite vertu et femmes galantes). Il nous fait connaître leurs moeurs et leurs
comportements particuliers. A ce titre, le thème de " la fille "
présente un intérêt documentaire, voire sociologique. Il prend aussi - dans certaines
nouvelles - une dimension fantastique (" linconnue ",
" le port ", " les Tombales ").
Enfin, le thème de " la fille " permet à Maupassant de
ridiculiser, de stigmatiser certains comportements de la société bourgeoise
(" ... ces prétendues valeurs au nom desquelles les moralistes jettent
lopprobre sur ces " créatures " quils méprisent, sans
toujours les valoir ...").
Ses principaux romans
- Une vie (1883)
Il sagit de lhistoire dune femme " depuis lheure ou
séveille son cur jusqu'à sa mort ". Le récit se déroule à
travers les yeux de cette femme " Jeanne ", sauf le meurtre de Julien
-son mari- et Gilberte -la maîtresse de celui-ci-, que lon vit à travers la
conscience du meurtrier (le mari de Gilberte).
Il sagit du premier roman de Maupassant. Cest un roman Normand : les
paysans et le climat de la Normandie, étroitement liés aux sentiments, à la psychologie
de lhéroïne, jouent un rôle essentiel. Linfluence de Flaubert est
importante (" Madame Bovary " et " Un cur
simple ").
Mais on retrouve aussi des thèmes spécifiques à Maupassant, tel celui de leau
fascinatrice comme métaphore de la féminité et celui du bâtard (que lon retrouve
aussi dans de nombreux contes).
Quelques autres repères thématiques : Ladultère, langoisse et
largent , leau, l'échec sentimental, léducation des jeunes filles,
lenfantement et la procréation, la folie, le mariage, la nature, la religion, la
vieillesse
Parmi les lieux décrits :
- les lieux réels : en Normandie : Etretat, Rouen, Yport notamment, en
Corse : Ajaccio, Bastia
- Les lieux imaginaires : Batteville (ou Jeanne habite), Verneuil, Etouvent, Les
trois mares
Laccueil de la presse fut dans lensemble positif :
Maupassant : " je suis enchanté : " Une
Vie " marche à merveille. Rien ne pouvait me donner plus de satisfaction que ce
succès ".
- Bel Ami ( 1885)
Second roman composé en 3 ans. Maupassant place au centre dune vaste fresque
sociale (les milieux étroitement imbriqués de la presse et des affaires) un personnage
de journaliste sans talent et sans scrupules ; mais qui - animé par un irrésistible
désir de réussite - parvient (grâce aux femmes quil séduit par son physique
avantageux) au succès, à la richesse et au pouvoir. On sent linfluence de
Zola :
Maupassant : " Jai voulu simplement raconter la vie dun
aventurier pareil à tous ceux que nous côtoyons chaque jour dans Paris, et quon
rencontre dans toutes les professions existantes (...) il na aucun talent.
Cest par les femmes quil y arrive (...) Cest aux femmes quil devra
son avenir.
Le titre Bel Ami ne lindique til pas assez ? Donc, devenu journaliste,
par hasard, par le hasard dune rencontre (...) il sest servi de la presse
comme un voleur se sert dune échelle. "
Quelques repères thématiques : larrivisme (Duroy, dit Bel Ami), les
affaires, la vie Parisienne, les femmes.
Le cadre du roman :
Lieux cités : Paris (VIII, IX, VII arrondissements, pour lessentiel) ,
environs de Paris : La terrasse de Saint Germain
Le midi : Golfe de Juan
La Normandie : Les environs de Rouen où habitent les parents de Duroy.
Les milieux décrits : la petite bourgeoisie, la vie des employés de bureaux, le
milieu de la presse et des journaux à scandale ...
- Pierre et Jean (1888)
Les Roland ont deux fils, Pierre et Jean qui ont réussi brillamment leurs études. Ils
songent à sétablir. Or, le notaire vient annoncer quun ancien ami de la
famille, Léon Maréchal, décédé, a institué Jean son légataire universel. Pierre va
suspecter son frère dêtre le fils naturel de Léon Maréchal.
Cette suspicion se transforme en obsession. Pierre va exercer sur sa mère une
véritable torture morale de tous les instants. Elle va finir par avouer à Jean la
vérité. Jean renonce au patrimoine et Pierre décide de partir comme médecin sur un
transatlantique.
Ce 4ième roman marque une charnière dans luvre romanesque de
Guy de Maupassant. Notamment en raison de la préface qui accompagne le roman.
Laction est dépouillée, le nombre de personnages limité. Les péripéties sont
toutes intérieures et le ressort est un ressort essentiellement psychologique.
Lessentiel se déroule en monologues intérieurs. Le milieu décrit est bourgeois,
étroit et fermé avec pour décor la Normandie. " Pierre et Jean "
possède -comme diront certains- lintensité de ses meilleures nouvelles.
Quelques thèmes développés : ladultère (Mme Roland et Léon maréchal),
largent, le fils bâtard (Jean), lemprise sociale face à la sincérité du
cur, la mer et la Normandie, la fratrie
Parmi les lieux décrits : Le Havre, sa rade, le café Tortoni, Saint Jonin à 30 km
au nord du Havre, Trouville et les roches noires.
" Pierre et Jean est fort remarquable et décèle un bien rigoureux talent.
Ce nest pas un pur roman naturaliste. Maupassant a traité ce sujet ingrat avec la
sûreté dun talent qui se possède pleinement. Force, souplesse, mesure, rien ne
manque plus à ce conteur robuste et magistral (...)Quand à la langue de M. de
Maupassant, je me contenterai de dire que cest du vrai français, ne sachant donner
une plus belle louange. " Anatole France
Parmi les autres romans, citons : Mont Oriol ( 1887 ), Fort comme la mort ( 1889
), Notre cur ( 1890 )
Les chroniques
Maupassant apparaît comme lun des plus grands chroniqueurs de la fin du XIXème
siècle.
Il a dabord publié ses articles dans des revues secondaires naturalistes (entre
1876-1880), puis après le succès de " Boule de suif ", dans des
journaux importants : le Gaulois, Le Gil Blas, Le Figaro, LEcho de Paris
Maupassant choisit des éléments significatifs, anecdotiques et humains, qui
témoignent de son époque. Maupassant y livre son goût, ses indignations, ses ambitions
et dénonce la façon de penser et de vivre de la classe bourgeoise.
Dans sa " Préface aux chroniques de G. de Maupassant" (éditions 10/18
- 3 tomes), Hubert Juin écrit :
" Maupassant a horreur de diverses choses : la guerre, le colonialisme
mal compris, le mariage, léducation des enfants et des adolescents, le socialisme
et toutes les idées égalitaires, la banque et la bourse ".
A travers ses chroniques, Maupassant se fait aussi critique littéraire et artistique,
et donne une large place à ses impressions de voyage. Enfin, lon retrouve, dans
" les chroniques ", les obsessions fondamentales de sa vie et de son
uvre : leau, la femme, la terreur de la mort.
Les correspondances
Maupassant développera une correspondance conséquente, notamment avec sa mère et ses
amis : G. Flaubert, E. Zola, E. de Gongourt, I. Tourgueniev. Il correspondra aussi
avec son valet : François Tassart.
Maupassant eut aussi 2 aventures épistolaires, lune en 1884 avec Marie
Bashkintoff, lautre en 1891 avec Melle L. Bogdanoff. Il a alors 41 ans Dans une
lettre quil adresse à cette dernière le 10 Novembre 1891, il révèle certains
aspects de son caractère :
" Mademoiselle,
cette lettre est la dernière que vous recevrez de moi. Je vois quun monde nous
sépare et que vous ignorez absolument ce quest un homme uniquement occupé de son
métier et de la science moderne et dédaigneux absolument de toutes les balivernes de la
vie (...)
Je tiens ma vie tellement secrète que personne ne la connaît. Je suis un désabusé,
un solitaire et un sauvage (...)
Personne ne sait rien de moi. Je passe à Paris pour une créature ignorée, liée
seulement avec quelques savants, car jadore la science, et avec quelques
artistes que jadmire, ami de quelques femmes les plus intelligentes peut-être qui
soient au monde, mais dans les mêmes idées que moi, cest à dire vivant dans une
espèce de dédain de la vie et du monde, qui nous fait regarder avec curiosité, en
restant étranger à tout ce quon aime (...).
Jai refusé deux fois la légion dhonneur et lan dernier,
lAcadémie, pour être libre de toute attache et de toute reconnaissance, pour ne
tenir à rien au monde quau travail (...)
Je vis presque toujours sur mon Yacht pour navoir de communication avec personne.
Je ne vais à Paris que pour regarder vivre les autres et y prendre des
documents ".
Les lettres de Guy de Maupassant ont été réunies et annotées dans
" Correspondances de Maupassant ", (éditions Dominique Wapler, 1951)
La poésie et des récits de voyages
Maupassant a aussi écrit des poèmes ; son uvre poétique est une
uvre de jeunesse écrite entre 15 et 30 ans. Il les soumettait au jugement de ceux
quil appelait " ses maîtres " : Bouilhet, Flaubert.
Voir Au bord de leau (226 vers), vénus rustique (506 alexandrins)
Récits de voyages : leau (1888), Au soleil (1884), La vie
errante (1890). Ces trois recueils reprennent les articles et récits écrits par
Maupassant lors de ses voyages.
Maupassant et le Naturalisme
Maupassant appartient à la génération naturaliste. Il participe notamment au recueil
des soirées de Médan chez Zola. Il rejette le romantisme et est attaché à la quête du
vrai et au respect du réel.
Maupassant ne se considérera jamais comme un écrivain naturaliste et gardera toujours
ses distances vis à vis de Zola.
Dans la préface de " Pierre et Jean " Maupassant prend ses
distances par rapport aux écrivains naturalistes. Ainsi, il préfère parler
d une " illusion complète du vrai ", de réalisme
illusionniste que dune conception naturaliste du réel.
On peut considérer, en parcourant son uvre, que Maupassant a élaboré une forme
personnelle de réalisme, ayant pour objectif non pas de " copier la
réalité " mais de " faire vrai ". Il préfère la
vraisemblance à la réalité ; ainsi les lieux sont réels, les personnages
appartiennent à un type social reconnaissable. On note chez maupassant " un
effet de réel " bien plus quune " description de la
réalité ; (voir Bel Ami ou Mont Oriol)
Flaubert
" le maître, le vrai maître "
Linfluence de Gustave Flaubert sur Guy de Maupassant sera énorme, tant au niveau
artistique quau niveau humain. Ainsi, cest grâce à Flaubert que Maudissant,
dés son arrivée à Paris, entre en contact avec le milieu littéraire. Il y rencontre
Daudet, Taine, Tourgueniev, Zola ...
Sous linfluence de Flaubert, il se consacre de plus en plus à la prose ;
Flaubert -" le maître " - lassocie à son propre
travail, le charge de faire des recherches pour " LEducation
Sentimentale " ou pour " Bouvard et Pécuchet " .
Cette " formation " sera bénéfique à Maupassant : il
découvrira, en travaillant pour Flaubert, la valeur de la documentation rigoureuse, de
lobservation minutieuse des faits, des êtres, aussi insignifiants quils
puissent paraître.
Par Flaubert, il apprend aussi à se méfier des modèles et des influences, comprenant
que lessentiel, pour un écrivain, est dêtre
" personnel ".
" Pendant 7 ans, je fis des vers, je fis des contes, je fis des
nouvelles, je fis même un drame détestable. Il nen nest rien resté. Le
maître lisait tout, puis les dimanches suivants en déjeunant, développait ses critiques
et enfonçait en moi peu à peu, deux ou trois principes qui sont le résumé de ses longs
et patients enseignements . Si on a une originalité, disait-il, il faut avant tout
la dégager. Si on nen a pas, il faut en acquérir une ".
Flaubert va donc véritablement conseiller et former Maupassant. il lexhortera à
tout sacrifier pour la seule cause de lart.
Après la mort de Flaubert, en 1880, Maupassant écrira : " Chaque
fois quil me semble avoir oublié mon métier, je relis ses livres. Cest le
maître, le vrai maître "
Flaubert et Maupassant deviendront amis et confidents. Flaubert interviendra en faveur
de Maupassant, pour lui trouver des emplois, défendre ses intérêts, solliciter les
journaux .. etc.
Parmi les autres relations importantes qui ont jalonné la vie de Maupassant, citons,
entre autres :
- Louis Bouilhet (1822-1869), poète et auteur dramatique, un autre " père
spirituel ".
- Huysmans (1848-1907), écrivain.
- Yvan Tourgueniev (1818-1883) romancier Russe et dramaturge (leurs conceptions
littéraires sont proches)
- Réné Maizeroy (1856-1918) écrivain, très lié à Maupassant.
- Zola (1840-1902) Romancier, qui influence luvre de Maupassant.
Maupassant et les femmes
" Couvert de femmes ", Maupassant ignore lamour sentiment,
rejette le mariage, ne cessant de prôner le célibat, les liaisons passagères et se
déclarant contre lenfantement et contre toute autre notion dattachement qui
pourrait créer quelques liens de dépendance.
" Jai peur de la plus petite chaîne, quelle viennent
dune idée ou dune femme. "
" Rien dans la vie ne semble plus attristant et plus pénible que ces liaisons
de longue durée "
Guy de Maupassant
Préface de " Celles qui osent " de Maizeroy
Parmi ses maîtresses, citons les 3 plus connues :
- Gisèle dEstoc : " Landrogyne ", peintre,
sculpteur, journaliste et romancière
- La comtesse Potochka : " la femme fatale ", une Italienne au
nom Polonais.
- Marie Kahn : " la dame en gris ", Juive Russe immigrée.
" Je nai pas eu, de toute ma vie, une apparence damour, bien que
jai simulé souvent ce sentiment que je néprouverai sans doute jamais ".
(1881 - Lettre à Gisèle dEstoc)
Maupassant et le Théâtre
Maupassant sessayera souvent au théâtre, sans succès, malgré un talent
certain.
Pièces écrites :
- La trahison de la comtesse de Rhune (1875) - drame historique en 3 actes, jamais joué
de son vivant).
- Une répétition (comédie en 1 acte - 1876)
" Cest très, très gentil (...) Cest amusant, fin, de bonne
compagnie, charmant " G. Flaubert
- Lhistoire du vieux temps (1879-comédie en 1 acte et en vers)
- La Musotte (drame en 3 actes - 1891)
" luvre nous apporte un grand don dobservation, une
conception nette de la vie, une peinture exacte du milieu et de l analyse du
sentiment dans un dialogue vibrant de clarté et déloquence simple "
critique dAlbert Woelf (le figaro - 5 Mars 1891)
- La Paix du Ménage (1893 - pièce en 2 actes). Maupassant sinspire ici de deux de
ses nouvelles " Au bord du lit ", " Les
étrennes " . " Je crois que Maupassant, sil eut vécu,
aurait pris un jour possession du théâtre, car le dialogue chez lui est très scénique
et sa langue de théâtre, très ferme, très robuste, et qui passe par dessus la
rampe ". Francisque Sarcey (" le temps " - 13 Mars 1893)
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