
La Périchole, la chanteuse et le dictateur
J’ai pour La Périchole une tendresse particulière. C’est la première oeuvre lyrique que j’ai montée. C’était il y a plus de trente ans. Depuis ce jour, elle ne m’a pas quitté. Chaque reprise a été une nouvelle aventure. La version jouée à l’Opéra-Comique en 2000 a sauvé les finances du théâtre sinistré. C’était une version « comédie musicale » avec un orchestre restreint et une sonorisation tonitruante.
A la veille de mon départ, j’ai voulu lui donner un coup de chapeau en en faisant une version « acoustique » plus proche d’Offenbach. L’esprit sera le même, le son sera différent, servi par de vrais chanteurs lyriques, chanteurs et comédiens car Offenbach doit se jouer autant que se chanter. Dans La Périchole, chaque air est un « tube ». Le livret n’est pas un prétexte à chanter, mais raconte une vraie histoire, une histoire de saltimbanques qui voudraient vivre libres, mais qui dépendent du pouvoir pour manger, tout simplement. Thème parfaitement actuel. L’artiste peut-il à la fois être libre et subventionné ? Le pouvoir qui distribue la manne, n’est-il pas tenté, dans certains pays, de vouloir imposer une culture d’État ?
J’ai situé ma Périchole dans une dictature sud-américaine d’hier ou d’aujourd’hui, où sévissent les trafiquants de drogues, les militaires et la police, dévoués corps et âme à leur bien aimé Caudillo, Don Leon. Une dictature d’opérette bien sûr, mais enfin… une dictature quand même. J’aime la Périchole comme j’aime Carmen. Ce sont deux femmes libres, fortes et spirituelles. Toutes deux enfantées par Mérimée, elles ont, l’une et l’autre, heureusement inspiré Meilhac et Halévy.
J’ai respecté la construction du livret et la plupart des dialogues, me contentant d’actualiser certaines scènes pour les rapprocher d’un public d’aujourd’hui, particulièrement les jeunes, et leur rappeler que la tyrannie n’est, hélas, pas une curiosité du passé et que le despotisme politique comme artistique est encore très à la mode.
Jérôme Savary
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy d’après Prosper Mérimée
Direction musicale de Gérard Daguerre
Collaboration artistique de Léonidas Strapatsakis
5, rue Favart 75002 Paris
Entrée du Public Place Boiëldieu