Elle est là

du 24 octobre au 2 décembre 2001

Elle est là

Alors que H.1 s’entretient tranquillement avec lui, H.2 se voit soudain forcé d’interrompre la conversation. Un sentiment le torture profondément, et l’empêche de poursuivre toute activité : sa collaboratrice, son «associée», qui est aussi une «amie», s’est tue, tandis qu’il exposait une opinion pour lui pleine de bon sens. Une idée est là, dans la tête de F., qui mine sa propre idée, qu’il croyait intouchable…

    
Présentation
Note du metteur en scène

Alors que H.1 s’entretient tranquillement avec lui, H.2 se voit soudain forcé d’interrompre la conversation. Un sentiment le torture profondément, et l’empêche de poursuivre toute activité : sa collaboratrice, son «associée», qui est aussi une «amie», s’est tue, tandis qu’il exposait une opinion pour lui pleine de bon sens. L’hostilité manifestée par ce silence lui paraît inconcevable, tant la chose était évidente. Une idée est là, dans la tête de F., qui mine sa propre idée, qu’il croyait intouchable... 

Face à l’agitation de H.2, H.1 se retire prudemment, laissant les deux autres face à face. Une première tentative pour convaincre F. de l’absurdité de sa position échoue, à cause de sa violence même. 
Resté seul aux prises avec son insupportable malaise, H.2 implore un soutien quelconque, qui lui vient miraculeusement d’un personnage sorti d’on ne sait où. D’abord muet, H.3, qui paraît comprendre les angoisses de son nouvel ami, va vite l’aider à entreprendre de nouveau F pour la ramener à la raison, et extirper l’idée destructrice ancrée en elle. Après un nouvel échec, après avoir rêvé les manières les plus abominables de se séparer de celle qui les torture, ou les manières les plus délirantes de détruire l’idée sans détruire la «porteuse», les deux hommes tentent une dernière fois de convaincre F. Ils semblent y être enfin parvenus, quand H.2 se rend compte que l’abdication de son adversaire n’était en fait qu’une ruse pour protéger définitivement «sa petite idée» et la laisser croître et s’épandre en silence. 
Renonçant au combat, renvoyant même H.3, l’allié providentiel, H.2 se retrouve de nouveau seul. Mais, chérissant cette fois sa solitude, il comprend la vanité de son action et la nécessaire souffrance à laquelle lui et sa propre idée doivent être soumis - pour que la «vérité» triomphe, envers et contre tous.

Arnaud Rykner (Ed. Elle est là Folio théâtre)

Haut de page

« On dirait qu’une paroi tout d’un coup s’est ouverte. Par la fente quelque chose s’est engouffré venu d’ailleurs...» Nathalie Sarraute

Elle est là, c’est l’histoire d’un homme (H.2) qui ne supporte pas que sa collaboratrice - «une amie pourtant, une vraie...» - marque un quelconque désaccord avec l’opinion, évidemment pleine de bon sens, qu’il vient d’exprimer ; qui plus est, qu’elle puisse s’obstiner à garder par devers-soi sa «petite idée». L’existence même de cette «petite idée» devient un objet de torture pour H.2. Comment extraire de la tête de l’autre (F.) cette chose innommable (on ne saura jamais de quelle idée il s’agit, seulement qu’elle est intolérable), comment mettre à bas cette forteresse mentale - le quant-à-soi - dans laquelle l’autre peut à tout moment se retrancher. In fine, pour imposer sa vérité intime, H.2 sera prêt - littéralement - à souffrir le martyre...
Une fois de plus, Nathalie Sarraute, avec Elle est là, s’amuse à creuser le sillon de l’obsession - cette rumination paranoïde qui nous fait monter en épingle l’incident le plus banal. C’est cela au fond le tropisme sarrautien, un rien, une sensation de malaise qui effleure la conscience, le sentiment d’une curieuse dissonance dans le rapport à l’autre. Mais ce qui n’était qu’une minime fissure va inévitablement s’ouvrir, s’élargir, dévoiler des abîmes insondables. 
Sarraute, c’est l’art, à partir d’un rien (ce qui s’appelle rien...) d’explorer, au-delà du langage ordinaire, les multiples petits signes, les «infimes mouvements de la conscience», qui tissent les singuliers mystères qui nous relient les uns aux autres, ou qui nous séparent les uns des autres. 
Ce faisant, elle construit un monde poétique étrange où le fantastique se mêle au quotidien. Quotidiens sont les personnages, les dialogues qui semblent relever du langage parlé le plus banal. Fantastique est au fond le projet théâtral de faire entendre, sous l’apparence de conversations ordinaires (le ton «mondain» que certains, à tort, ont cru déceler), les mots qui disent le surgissement de l’irrationnel, la peur obscure, cette espèce d’angoisse première, animale presque, qui fait qu’on perçoit l’autre comme un ennemi, des empiétements duquel il faut se protéger, sous peine d’être envahi, absorbé, anéanti...
Outre sa surprenante cocasserie, il y a une dimension onirique, fantasmatique, fondamentale dans le théâtre de Nathalie Sarraute. Tout semble s’y dérouler entre chien et loup, dans une atmosphère de troublante irréalité. C’est celle-ci que nous chercherons à mettre en scène - ce moment où la nuit qui tombe donne aux objets les plus familiers une couleur d’inquiétante étrangeté, où les silences semblent plus profonds, les voix et les paroles chargées d’énigmatiques résonances.
Une dernière chose : Elle est là est la première pièce que Nathalie Sarraute ait écrite pour le théâtre ; celles qui précédaient étaient radiophoniques. C’est dire que le théâtre, le mystère de ce simulacre qui se donne à voir chaque soir au public, est au centre même de la thématique de l’œuvre. Là encore il s’agit bien d’interroger, à travers la figure de l’homme seul qui interpelle le monde (le public), le rapport complexe et tout en faux-semblants que chacun, dans la singularité de sa conscience de soi, entretient avec les autres.

René Loyon

Haut de page

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

Théâtre de l'Opprimé

78, rue du Charolais 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Salle climatisée
  • Métro : Reuilly - Diderot à 510 m, Dugommier à 683 m, Gare de Lyon à 728 m
  • RER : Gare de Lyon à 470 m
  • Bus : Charles Bossut à 73 m, Rambouillet à 177 m, Gare de Bercy à 350 m, Hôpital Saint-Antoine à 393 m, Paris Gare de Lyon à 395 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre de l'Opprimé
78, rue du Charolais 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 2 décembre 2001

Pourraient aussi vous intéresser

Partenaire
- 29%
- 33%
Les Poupées persanes

Pépinière Théâtre

Johanne Humblet - Résiste

Théâtre des Bergeries

- 20%
Lady Agatha

Michodière

Monsieur Motobécane

Petit Saint-Martin

- 25%
Un Tramway nommé Désir

Théâtre des Bouffes Parisiens

Spectacle terminé depuis le dimanche 2 décembre 2001