
À Mayotte, tout fait deba. Une naissance ou un bac obtenu, une fête de village ou la fin du Ramadan. Volupteux et spirituel, l’art des femmes de l’île invite à un lent voyage vers une terre inconnue, quelque part entre l’Afrique, les Indes et le monde arabe, véritablement exotique.
Sait-on seulement placer Mayotte sur une carte ? Au sud-ouest de l’océan indien, face à Madagascar et à l’extrême sud-est de l’archipel de Comores, l’île était sur la route des marchands venus de la Perse et du Yémen, qui naviguaient le long du canal de Mozambique, introduisant sur leur passage l’islam et la spiritualité soufie. Parcourue d’influences bantoues, swahilies et malgaches, la culture mahoraise a su inventer sa propre version des cérémonies arabes, dans l’esprit des mawâlid orientaux qui célèbrent la naissance du prophète ou de la méditation du dhikr.
Quotidien, festif et solennel, culturel et cultuel, l’art du deba est exclusivement féminin. Les jeunes filles s’y entraînent dès le plus jeune âge dans les cours d’école, ou suivant une mère ou une cousine. Les chants et les danses se fondent sur des textes sacrés chantés en arabe, mais pour les femmes de Mayotte, c’est l’occasion de se réunir entre soeurs et entre amies, de mettre un salouva blanc, de se faire belle : “C’est un jeu et un plaisir. On commence un deba et on oublie tout.”
Sous les impulsions d’une “imam” qui mène la chorégraphie, un choeur dansant chante la naissance du prophète, les heures du Soleil et de la Lune, ou célèbre le retour des pèlerins de La Mecque, secondé par un groupe de percussionnistes assises. Tout en lenteur et en majesté, le choeur ondule, magnifiant la diversité dans le groupe : à chacune a sa façon de reproduire le lent mouvement des vagues, à chacune son interprétation d’un même geste explosif des doigts. Jadis, les hommes des villages profitaient ainsi des deba pour repérer les fiancées potentielles…
Danse et chant : Rahimina Daoud, Antoufiya Maoulida, Nemati Mtsounga, Sela Anli, Nafouanti Moussa, Saoiti Mahamoudou, Zaitouni Souffou M’Colo.
Percussions et chant : Fouindi Madi Missiki, Zakia Assani, Makaraf Colo, Mouzdalifa Madi, Inchati Ousseni, Mariama M’Colo
Place du Jour 75001 Paris