A la nuit la nuit

Une idée
La mise en scène
Walk Away de Boris Vigneron
À La Nuit La Nuit de François Billetdoux
La Matiouette de Jacques Nolot

Une idée

 Le thème de la rencontre s’est imposé à nous quand l’envie de monter un nouveau spectacle nous est venue. Car c’est bien de rencontres dont il s’agit. Rencontre d’un élève et de son professeur, Boris Vigneron et Philippe Audibert au travers d’un texte écrit par Boris, Walk Away. Rencontre avec une comédienne, Christine Melcer, dans les coulisses du Théo-Théâtre. Rencontre avec un metteur en scène, Michel Dennielou sur la pièce de Racine, Britannicus. Plusieurs projets nous venaient à l’esprit, mais peu nous permettaient de regrouper ces personnalités avec lesquelles nous avions envie de travailler. C’est alors que différents souhaits émis par les uns et les autres nous ont donné l’idée d’un triptyque. Le souhait de reprendre Walk Away présenté la saison précédente au Théo-Théâtre, le désir de Christine Melcer de travailler avec nous sur la pièce de François Billetdoux, À La Nuit La Nuit, et l’envie pour Philippe de retravailler avec Michel Dennielou après son expérience dans Britannicus. Il ne nous restait plus qu’à trouver une troisième pièce pour concrétiser ce projet. Après de longues recherches, notre choix s’est porté sur La Matiouette de Jacques Nolot qui nous offre ainsi la cohérence de ce triptyque avec un thème commun aux trois pièces : la rencontre, avec son lot d’humanité, d’humour, d’émotion, d’éphémère…

Il s’agit avant tout d’un travail d’équipe…Tous les comédiens vont travailler dans la cohérence de ces trois pièces au delà de l’interprétation de chacune d’elle. Trois pièces qui retracent trois rencontres… En leur fin respective, Walk Away offre l’espoir, La Matiouette, le sens unique, À la Nuit La Nuit, le tragique… Le spectateur peut ainsi choisir de le découvrir dans cet ordre ou l’inverse, selon…

Walk Away propose un espace divisé en deux : l’un représente la forêt, l’autre la demeure de l’ermite, par un jeu d’ombres et de lumières. Du bruitage de la nature au silence de la demeure, le spectateur est invité à traverser le temps, quelques nuits et quelques jours à la découverte de l’intimité des deux personnages jusqu’au départ du jeune garçon… Les quelques notes de guitare de Ben Harper, " Walk Away ", accompagnent la solitude retrouvée de l’ermite entre regrets, résignation, sourire et espérance…

La Matiouette se passe dans un salon de coiffure. Le décor est celui d’un salon de province fané donnant sur une rue dont on entend les bruits familiers. Les miroirs du salon permettent les regards déviés des deux frères qui refusaient de se regarder … De temps en temps ouverte ou fermée, la porte permet de créer des moments de pause, de respiration à ces deux frères qui ont tant de mal à communiquer ouvertement, qui changent de conversation pour taire ce qu’ils ont à se dire… La musique d’une fête de village, mélancolique et dérisoire, entendue au loin, clôt la pièce, laissant Alain Pruez à nouveau loin de son frère… Le vide des existences… Une fin où la parole violente et refoulée est sans issue…

À La Nuit La Nuit propose le décor d’une chambre de prostituée - un lit, un paravent - meublée avec sobriété et goût, d’où l’on perçoit la mer. Un client pour Marthe, mais un client singulier… Dans une esthétique du noir et blanc rappelant les films des années 30-40, le kimono rouge de Marthe crée la rupture. L’accordéon-jazz conclut la pièce… Une fin tragique… La mort de la prostituée et une solitude de plus pour " lui " si particulier, pour une pièce qui côtoie le réalisme et l’absurde.

Le cadre temporel des trois pièces peut se situer dans un passé très proche, mais il s’agit pour nous de rendre aux œuvres leurs messages intemporels, car elles le sont… Les décors seront avant tout réalistes, mais chacun des accessoires participera activement au travail des acteurs. Les objets auront une âme. Ils appartiennent aux personnages, quitte à ce qu’ils trouvent des utilités si différentes de leur utilisation quotidienne… Les trois pièces, d’égale durée, une heure environ, trouvent une cohérence dans le thème choisi : la rencontre. Trois musiques, pour conclure et rappeler au delà des mots la rencontre à laquelle le spectateur vient d’assister, lui laissant l’air de ce qu’il vient d’éprouver… Deux comédiens par pièces, dont l’écoute, l’intimité, la justesse seront mise en lumière avant tout…

En fait, la rencontre d’acteurs qui ont eu envie de partager cette expérience, s’étant déjà rencontrés, et jouant ainsi des rencontres qui ne sont pas les leurs…

Philippe Audibert et François Ricordeau

Rencontre entre un ermite un peu philosophe et un jeune fugueur… Une forêt.

Boris a tout d’abord été élève et je suis toujours professeur. Sans doute n’ai-je pas oublié l’adolescent qui écrivait singuliè-rement et qu’il m’était impossible de noter… Peut-être n’a-t-il pas oublié le professeur qui a su lire dans ses longues lignes la soif d’écrire et l’envie d’être lu… L’ermite sans âge et le jeune incompris, de la vie à la fable, Boris m’offre ce rôle, moi qui suis comédien, je n’ai plus à noter, je partage son texte… Peut-être métaphore de nos parcours communs, néanmoins tous les deux nous sommes devenus grands, je le tutoie toujours, il me vouvoie encore… J’ai confiance, Boris…

Walk Away est une première création, qui fut tout d’abord une nouvelle, et prend aujourd’hui vie sur scène pour parler de la vie, d’expériences nouvelles dans une simple rencontre, des obstacles au bonheur, de la solitude, de l’envie de se connaître et de se faire connaître, des limites du langage jusqu’à l’envie d’être vrai, de la difficulté à s’écouter, toujours et encore… de l’émotion…

Philippe Audibert

Rencontre entre une prostituée et l’un de ses clients… Une chambre. Il y a maintenant plus d’un an, lors d’un dîner, je lui parlais du rôle de Marthe. Je savais, pour l’avoir vu jouer à plusieurs reprises qu’elle pourrait donner à ce personnage de prostituée bonne fille, victime d’un client détraqué, toute l’énergie et toute la sensibilité qu’il réclame. Pour tout dire, je trouvais ce rôle écrit pour elle. Je connaissais la pièce pour l’avoir jouée plusieurs années auparavant et le rôle de Benoît, le client, inquiétant, le bourreau de Marthe est un des plus beaux qu’il m’ait été donné d’interpréter. Christine, quelle bonne idée as-tu eu de nous proposer de créer à nouveau cette pièce ensemble ! Depuis le temps que nous voulions travailler à tes côtés… et quel plaisir pour moi de reprendre ce rôle en ta compagnie ! Rendez-vous sur scène…

À La Nuit La Nuit fut la première œuvre écrite pour la scène par François Billetdoux. À sa création en 1955, la pièce fut présentée ainsi : " Un soir, à Marseille, une putain reçoit dans sa chambre un petit monsieur qui ne se révèle pas un client facile. En effet il est particulièrement vicieux : il a du cœur. L’étrange est que la dame en arrive à se prêter à ses fantaisies et qu’en l’espace d’une nuit, ils passeront par tous les états propres à l’amour… "

François Ricordeau

Rencontre entre deux frères après dix années de séparation… Un salon de coiffure. Michel m’a proposé l’an dernier d’interpréter Narcisse dans Britannicus de Racine. Il m’a permis ainsi de renouer avec ces personnages difficiles, que le spectateur est en droit de haïr, ces personnages doubles, ambigus, ceux que j’ai éprouvés dans mes premières années de formation en tant que comédien. Une expérience forte, au sein de laquelle sa discrétion, sa rigueur, la liberté qu’il offre aux comédiens m’ont mis en confiance et poussé à donner le meilleur de moi-même pour lui rendre Narcisse… Acteur, je l’ai vu dans Quelqu’un pour veiller pour moi de F. McGuinness. Il m’a touché… À notre tour de lui offrir ce projet. À notre tour, michel, de jouer " en frères " …

La Matiouette est un texte écrit par Jacques Nolot, qu’André Téchiné a tourné pour la télévision. La pièce met en scène deux frères qui se retrouvent après de longues années dans un petit village de province. Alain Pruez est coiffeur. Son frère a changé de nom et se nomme désormais Jean-claude Verrière. Il arrive de Paris.   Deux mondes, deux individus, deux frères qui tentent de communiquer… Une rencontre placée sous le signe de la famille et du lourd passif qui l’habite. Sans concession. Une tragédie du quotidien…