Musiques des Ouldémé du Nord-Cameroun

Non loin de la frontière du Nigeria, les monts Mandara abritent une multitude de petites ethnies. Ces peuples, dont on ne peut pénétrer l'intimité qu'au prix de longues marches sur des sentes tortueuses que l'on devine au milieu des chaos rocheux, ont longtemps trouvé au sein de ce paysage hostile le salut de leur vie et de leur culture.

Parmi eux, les Ouldémé préservent jour après jour leurs coutumes et la richesse de leur musique. Agriculteurs et éleveurs de petit bétail, ils vivent en véritable osmose avec le milieu naturel. Leur vie, tant spirituelle que matérielle, est à tel point liée au cycle végétal qu'à chaque étape de la culture du mil correspond une formation instrumentale spécifique. Tout autant que les pratiques religieuses, qui apaisent les forces surnaturelles des esprits de la brousse, de l'eau ou des rochers, la musique est, pour eux, gardienne de l'équilibre relationnel qui doit prévaloir entre l'homme et la nature.

Alors que l'on s'attend à entendre, au cœur de l'Afrique noire, résonner tambours et percussions de toutes sortes, on est au contraire surpris par la variété des flûtes. Celles-ci offrent en effet une palette de timbres peu commune grâce à la diversité de leur facture et des matériaux qui entrent dans leur confection (argile, écorce, roseau, bambou…). 

La complexité des musiques Ouldémé réside dans l'enchevêtrement des timbres et des hauteurs. La voix se mêle subtilement au jeu instrumental et les deux timbres se complètent harmonieusement pour créer un type de hoquet voco-instrumental que l'on rencontre rarement dans le monde. Les contrepoints sont riches et virtuoses ; les échelles parfois étranges et les sonorités rugueuses. Les chants qui se superposent au jeu de la harpe sont empreints de vitalité ou, au contraire, laissent percevoir une nostalgie à peine masquée. La danse enfin s'exprime bruyamment : au son des musiques de fête, les Ouldémé martèlent le sol en effectuant des figures rythmiques qui se jouent du caractère binaire ou ternaire des pièces en entretenant volontairement une ambiguïté métrique.

Ce groupe, formé d'une quinzaine de musiciens, ne remonte pas le temps, il l'accélère : en nous faisant partager une musique qui n'a pas d'âge, les Ouldémé nous convient à passer une année musicale au creux de leurs montagnes.

Nathalie Fernando-Marandola

A écouter : Musiques des Ouldémé du Nord-Cameroun, CD INEDIT, W 260104