
Le Palais de Mangkunegaran
Les danses
La musique
Située à seulement 65 kilomètres au nord-est de Jogjakarta, sur l’île de Java, l’ancienne cité royale de Solo (aujourd’hui Surakarta) rivalise avec cette dernière comme centre de la culture javanaise. Elle est la capitale de l’ancien royaume de Mataram qui, au XVIIe siècle, contrôlait les deux tiers de Java, le sud de Bornéo et la côte orientale de Sumatra. Islamisée dès le XVIe siècle, elle a conservé néanmoins sa culture hindouiste qui alimente jusqu’aujourd’hui l’art de la danse. Tous les membres de la famille royale prennent une part active à la vie du ballet, comme librettistes, chorégraphes, danseurs et musiciens.
Créé le 24 février 1757 suite à un violent différend entre le sultan de Surakarta, Pakubuwono II, et son neveu Raden Mas Said, membre de l’aristocratie de Surakarta, le Sultanat de Mangkunegaran connaît depuis le XVIIIe siècle un développement rapide grâce à une culture très dense résultant d’un intéressant syncrétisme entre les formes traditionnelles issues de l’animisme local, et celles venues d’Inde par l’hindouisme et mêlées aux pratiques de l’Islam. Transmises fidèlement de génération en génération, les expressions s’enrichissent par des apports nouveaux.
Les Princes et les Sultans se font un devoir de soutenir et de créer. Ainsi la danse, la musique (avec les ensembles instrumentaux traditionnels que sont les Gamelans royaux), la langue, la philosophie, la sculpture et l’architecture constituent-ils un ensemble patrimonial et évolutif qui fixe la mémoire collective, en même temps qu’il forge une dynamique.
En ce qui concerne la danse en particulier, Mangkunegaran est à l’origine d’un style qui porte son nom. Les danses javanaises qui, depuis des siècles, constituent la base des fêtes et des cérémonies du Palais exigent, en plus d’une formation longue et stricte, concentration, dynamisme, contrôle de soi ainsi qu’une discipline intense accompagnée souvent d’une identification au rôle. C’est pourquoi les danseurs-acteurs ainsi que les musiciens appartiennent parfois à la famille royale ou font partie de sa suite.
Tenues à l’écart des bouleversements sociaux grâce à une pratique en milieu clos dans le cadre intime des kraton, les palais royaux, ces danses accompagnées par un somptueux Gamelan, associent la rigueur des gestes codés à la grâce et à la poésie d’une expression saisissante. Souvent narratives, les danses s’appuient autant sur les récits très anciens des grands voyages initiatiques et magiques que sur les deux épopées hindouistes du Râmâyana ou du Mahâbhârata, transposées selon les codes locaux. Le théâtre d’ombres joue une influence non négligeable et le théâtre dansé aussi. L’histoire de la famille royale se confond avec celle du palais de Mangkunegaran pour forger une suite qui se sacralise avec le temps.
Les mouvements, très codifiés, ne sont pas sans rappeler dans leur principe l’art des mudra de la danse indienne. Ainsi, c’est le cou qui bouge et non la tête, les yeux qui voient mais ne regardent pas, le déhanchement du bassin qui assure la stabilité du corps au moment du passage d’un pied sur l’autre, tandis que les jambes demeurent toujours ouvertes, les doigts de pied élégamment relevés… Les vêtements de brocart, très ajustés, sont couverts d’éléments souples, rubans, ceintures qui accentuent le graphisme des mouvements et soulignent leur rapidité ou leur lenteur.
Deux grands styles se distinguent : Beksan Putri (la danse des femmes, pleine de grâce) et Beksan Kakung (la danse des hommes).
Les danses sacrées ou profanes du palais prennent toujours une direction destinée à placer les participants et les spectateurs sous des auspices favorables. Ainsi, sous différents noms et par différents mouvements codés, la déesse Sri est invoquée pour protéger et pour guérir. Elle est associée au riz et à la fertilité.
Une chanteuse parfois accompagnée d’un gerong (jouant le rôle de
soutien ou de choeur) mène la narration du drame dansé. Le Gamelan
qui l’accompagne se compose de :
- Gendang (tambour)
- Rebab (vièle)
- Gender (métallophone à lames)
- Slentem et demung (métallophone)
- Trois types de Saron (métallophones)
- Bonang (gongs horizontaux sur cadre de bois)
- Kempul Gong (petit gong)
- Kenong, Ketuk, Kempyang (grands gongs horizontaux).
Texte extrait de Théâtres et rituel, Internationale de l’Imaginaire n°12, 1989, pp. 141-143.
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