
Pour le Festival de l’Imaginaire, un groupe de quinze personnes membres de la tribu Pwöpwöp, dite aussi Bopope, présentera des danses guerrières. Deux chanteurs présenteront des chants Ae Ae.
La Nouvelle-Calédonie est un des archipels de la Mélanésie, une des trois parties de l'Océanie. C'est un territoire d’outre-mer rattaché à la France, situé dans l'océan Pacifique à 1500 km à l'est de l'Australie et à 2000 km au nord de la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Calédonie est centrée autour d'une île principale, la Grande Terre, et comprend également plusieurs ensembles d'îles plus petites. Elle est peuplée de différents groupes ethniques et linguistiques. La tribu Pwöpwöp, dite aussi Bopope, est une ethnie minoritaire qui vit sur le territoire de Koné, dans la province nord de la Grande Terre. Pour le Festival de l’Imaginaire, un groupe de quinze personnes membres de cette tribu présentera des danses guerrières. Deux chanteurs présenteront des chants Ae Ae.
Pour les Kanak, la danse et la guerre sont fondamentalement liées. Bien entendu, toute victoire guerrière se célèbre par une danse. Plus encore, la danse prépare psychologiquement et physiquement au combat. Lors des guerres tribales, les Anciens organisaient une danse pour sélectionner les guerriers et tester leurs aptitudes physiques.
Inversement, la guerre donne à la danse un modèle de puissance si bien que les danses en rond ou pilou-pilou, qui consistaient à l’époque précoloniale en un échange de démonstrations de danses entre tribus, ont été interdits par les missionnaires effrayés par leur aspect de violence et leur tendance à dégénérer en conflit armé. Guerre et danse partagent le même idéal de discipline, et l’on peut penser que l’importance accordée à la synchronisation des mouvements des danseurs est liée à l’importance de la précision des gestes des guerriers.
La tenue du danseur est la même que celui du guerrier : sagaies, casse-tête et frondes les caractérisent aussi bien l’un que l’autre. Ni l’un ni l’autre ne portait de vêtement spécifique à l’origine ; aujourd’hui danseurs et guerriers se dessinent des lignes banches ou noires sur le dos parfois après s’être préalablement noirci tout le corps avec des fruits de bancoulier. Les jupes de danse sont confectionnées avec de jeunes branches de bourao, dont on extrait des filaments d’environ 1 mètre 50. Ces filaments sont ensuite noués et disposés en rangs serrés sur une cordelette portée autour de la taille du danseur.
On ne connaît pas avec certitude l’origine du nom des chants Ae Ae. Peut-être la répétition quasi litanique de ces deux syllabes a t-elle conduit les colons à nommer ces chants ainsi ? Quoi qu’il en soit, toutes les histoires kanak sur ce sujet racontent que les chants Ae Ae ont l’eau pour origine rythmique et sonore. La performance des chanteurs est extrêmement physique, puisqu’il leur faut théoriquement chanter la nuit entière. Pour se donner de la force, le chanteur a recours à des « médicaments » qui sont aussi ceux des guerriers.
L’initiation se fait du père au fils, ou de l’oncle aux neveux. L’apprenti doit être de bonne santé et avoir une connaissance approfondie de la langue ainsi qu’un certain talent pour composer de nouveaux airs. Les chants Ae Ae laissent en effet une certaine liberté dans la manière d’interpréter la mélodie, ce qui donne l’occasion à de nombreuses improvisations. Les chants Ae Ae ne sont du point de vue musicologique ni des respons ni des canons. Les hommes chantent en alternance, mais avec de longues parties de chevauchement, accompagnés de percussions selon un tempo binaire précis, dit rythme du pilou. Le rôle principal de cette alternance consiste à faire couvrir au deuxième chanteur les pauses du premier.
Les deux chanteurs d’un Ae Ae chantent dans le même registre (il n’y a pas de relation basse-ténor), mais un chant parallèle peut s’établir pendant quelques instants. Les deux parties sont, des points de vue rythmique et harmonique, assez indépendantes. Il est important de noter que les chants Ae Ae sont la seule forme musicale qui n’ait subi aucune influence occidentale et n’ait pas été altérée par les cantiques et les chants d’église.
D’après Raymond Ammann
À lire : Danses et musiques kanak : une présentation des danses et des musiques mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie, dans les cérémonies et dans la vie quotidienne, du XVIIIe siècle à nos jours, Raymond Ammann, ADCK, Nouméa, 1997.
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