Projets et regrets - Progrès et rejets

Certains prétendent qu’un battement d’aile inopiné d’un papillon aux Philippines pourrait entraîner un processus naturel déclenchant finalement un cyclone aux Caraïbes. C’est dire le peu de maîtrise qu’on peut avoir sur les événements. Il suffit de si peu de choses pour qu’une action parte dans un sens ou dans un autre…

Un soir d’octobre sur le front de mer désert d’une station balnéaire. Martine a 42 ans, un mari absent, des grands enfants qui lui échappent, un restaurant qui lui pèse. Jeanne a 40 ans, n’a ni mari, ni enfant, elle court le monde en tant que reporter. La première rêve de décoller, la seconde aimerait se poser.

Les deux femmes se retrouvent côte à côte à regarder le coucher du soleil. Le téléphone de Martine sonne, et c’est le début de la Révolution !

La présence de Jeanne, avec son regard de journaliste, son sens du questionnement, sa caméra, va pousser Martine à partir dans un changement de vie qu’elle n’aurait jamais osé concrétiser toute seule. L’aventure décortique, sur le ton de la comédie, les rapports entre celle qui agit et celle qui observe. Qui influence qui ? Qui manipule qui, peut-être ?

Mais comme il suffit de si peu de choses pour qu’une action parte dans un sens ou dans un autre, pour le deuxième volet c’est le téléphone de Jeanne qui sonne… Et l’histoire alors est bien différente !

• Note du metteur en scène

Deux volets, deux femmes, deux bancs…pour éclairer la double réponse au choix auquel est confronté toute femme, même si les mœurs ont évolué : l’accomplissement personnel par la maternité ou par la carrière.

Ces deux femmes sont à un carrefour de leur vie (40 et 42 ans), ce qui est symbolisé par la rotation, au fil des scènes, de la position du banc qui les invite à chaque fois dans une autre direction.

La sélection des intermèdes musicaux, assez éclectique, favorise l’accès à un nouvel espace par les spectateurs.

L’interlude entre les deux parties a été composé spécialement par Françoise Salez : la flûte et la clarinette s’y répondent et se relaient, à l’image de Jeanne et Martine.

Le dépouillement du décor- deux bancs polymorphes, quelques chaises, un guéridon et une poubelle-, le peu de changements de costumes et la réduction des déplacements à l’essentiel mettent en évidence la stagnation de ces femmes.

Elles sont prisonnières de cette vie qu’elles ont choisie autrefois et la rencontre de leur verso va les pousser à vouloir changer d’orientation.

Cette sobriété éclaire la portée cathartique du texte dont les répliques à l’humour parfois grinçant rappellent aux spectateurs la Martine ou la Jeanne qu’ils connaissent ou qu’ils sont.

Les silences et les rires de ces femmes sont leurs véritables costumes. Leurs décors sont dans leurs têtes et donc dans celles des spectateurs, qu’elles emmènent dans un autre espace-temps par la magie de l’évocation.

Sophie Bezançon