Léonce et Lena

du 25 novembre au 22 décembre 2004
1H20

Léonce et Lena

C’est le matin d’un jour de noces. A la cour du roi Pierre on attend les fiancés. Le prince a disparu, la princesse est en fuite : lui ne veut pas rentrer dans le rang, elle refuse une union pour raison d’état. Leur fugue et leur destin se croisent, entre rêve et réalité, le temps d’un nocturne fantasque où se tissent le désir d’amour et le désir de mort.

Un conte drolatique pour enfants terribles
Marionnettes
Georg Büchner (1813-1837) : un météore
Un songe noir

C’est le matin d’un jour de noces. A la cour du roi Pierre on attend les fiancés. Le prince a disparu, la princesse est en fuite : lui ne veut pas rentrer dans le rang, elle refuse une union pour raison d’état. Leur fugue et leur destin se croisent, entre rêve et réalité, le temps d’un nocturne fantasque où se tissent le désir d’amour et le désir de mort.

Léonce et Lena finiront par se ranger à la place qui leur était assignée, en continuant à ignorer tout l’un de l’autre, ils se marieront… en effigie. Comme deux automates.

Léonce et Lena est un joyeux chassé-croisé amoureux, mais sous le masque de la comédie légère, Büchner règle ses comptes avec l’absolutisme et l’idéalisme, avec l’absurdité d’un monde aliéné autant qu’avec les illusions de sa propre jeunesse.

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« Les plus grands coquins de toute l’Allemagne ont certainement à l’heure qu’il est l’oreille des princes, du moins dans le grand-duché. Un honnête homme entre-t-il dans un conseil d’Etat, il en est chassé. Mais même si maintenant un honnête homme pouvait être ministre ou le rester, au point où en sont les choses en Allemagne, il ne serait qu’une marionnette que manœuvre la marionnette princière ; et le polichinelle princier est à son tour manipulé par un valet de chambre ou un cocher ou par sa femme et le favori de celle-ci ou par son demi-frère - ou par tous ensemble. »

Georg Büchner, Le messager Hessois

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« Un éditeur allemand en 1835, se posait cette question : Qui est donc ce Büchner ? Les nouvelles étaient rares, qui ne circulaient guère plus vite à cette époque qu’une chaise à porteurs et Zurich, où mourut Büchner, est à plus d’une lieue de Dresde, la ville de l’éditeur. Ensuite il est des morts qui ne font pas de bruit, celle de Büchner fut bien de celles-là. De son vivant déjà, il n’était rien, ou presque. Un exilé politique, un ancien agitateur désormais retourné à l’anonymat, un jeune professeur dont l’enseignement ne dura que deux mois, dans une discipline bizarre, l’anatomie animale*. Côté littérature : l’auteur d’une seule œuvre, un drame historique (La mort de Danton -1835) dont envisageait précisément de rendre compte la revue de l’éditeur perplexe.

Ce curriculum déjà modeste ne s’est accru que dans la publication posthume des rares manuscrits recueillis après sa mort : un autre drame à l’état de fragments (Woyzeck), une comédie destinée à un concours (Léonce et Lena -1836), un récit inachevé (Lenz). Pourtant c’est avec rien de plus que ce peu là que Büchner a fait son entrée dans notre modernité.

A défaut d’un brevet d’écrivain maudit, Büchner aurait pu revendiquer celui d’inclassable. Il n’est ni Goethe, ni Schiller, ni même Kleist, il n’est ni romantique, ni Jeune Allemagne à la manière de Heine, il n’est ni fou, ni suicidé : un savant tombé étourdiment dans la littérature (ou le contraire) ou plutôt l’être hybride résultant de deux natures antagonistes. A tout le moins, où qu’il soit, où qu’on l’appelle et l’étiquette, il demeure l’étranger, l’irréductible…

Pierre Sylvain : Le brasier, le fleuve (extraits)

* Büchner est l’auteur d’un Mémoire sur le système nerveux du barbeau et de notes Sur les nerfs crâniens. (1836)

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Léonce et Lena pourrait commencer là où finissait Le songe d’une nuit d’été. Préparatifs d’un jour de noces. A la cour du roi Pierre on attend les fiancés : le prince a disparu, la princesse est en fuite : lui ne veut pas rentrer dans le rang, elle refuse une union pour raison d’état.

Leur fugue et leur destin se croisent, entre rêve et réalité, le temps d’un nocturne fantasque où se tissent le désir d’amour et le désir de mort. Léonce et Lena finiront par se ranger à la place qui leur était assignée, en continuant à ignorer tout l’un de l’autre, ils se marieront… en effigie. Comme deux automates.

Comédie d’amour, oui. Mais les apparences sont trompeuses.

Roi, prince et princesse constituent la réalité politique étriquée et oppressante de l’Allemagne de 1830 : « un Sahara dans les têtes et dans les cœurs ». Sous le masque de la comédie souriante, Büchner dénonce la comédie du pouvoir, le spectacle que la société se donne à elle-même, la représentation que ceux qui gouvernent voudraient faire prendre pour la réalité. Tréteaux où s’agitent des effigies pour jeu de massacre, des marionnettes au nez bleu azur !

Léonce et Lena n’est pas un conte de fées. Ou alors désenchanté, croqué au vitriol, hanté par la perspective de la folie. Un songe noir. Entre livres et scalpel.

Car à ces silhouettes dont l’efficacité de cible, la rapidité de trait et la vivacité rythmique de scherzo provoquent le rire, Büchner offre « un supplément d’âme » : rêveries, aphorismes paradoxaux, duos élégiaques ou burlesques, fusées poétiques - véritables cadences musicales qui, au-delà de la satire, confèrent aux personnages une profondeur, une vérité fragmentée, miroitante, bruissante d’échos dissonants.

Ces voix intérieures, comme des doubles fantastiques, hantent leurs consciences inquiètes et font glisser la comédie vers un univers onirique, drolatique, parfois cruel. Le temps et l’espace s’étirent et se contractent tour à tour, se superposent comme des boîtes gigognes. La marionnette simule le vivant à s’y méprendre, le vif saisit l’inanimé, dans un étrange cabinet des figures de cire.

Au final on brisera les horloges et les miroirs ; le masque qui tombe révèlera un autre masque, le même, puis un autre encore, puis plus rien, le vide. Le monde réel s’est perdu dans ses reflets et ses représentations, l’esprit divisé ne peut prétendre en saisir que de rares éclats, derrière le langage allumé pour un feu d’artifice poétique, sourd le bruit que font les mots, toute signification perdue : la mécanique aigre « des rouleaux et des soufflets qui disent tout cela ».

Prisonniers d’un univers d’automates et en proie à un inconsolable dégoût de vivre, les personnages de Léonce et Lena ressemblent étrangement aux jeunes gens de notre époque « post-moderne » : leur mélancolie, l’arasement de toutes valeurs, l’ironie, le désengagement, la fascination pour l’image et le simulacre et en même temps tout le contraire, leur impatience, leur frénésie à saisir l’instant présent, le rythme allegro vivace sur lequel ils « dansent » leur existence, artistes d’un gai savoir : est artiste, dit le jeune Brecht, celui chez qui l’instant de la plus grande passion coïncide avec l’instant de la plus grande lucidité.

Gilles Bouillon / Bernard Pico - août 2004

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Spectacle terminé depuis le mercredi 22 décembre 2004

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