Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre

du 5 au 8 février 2009

Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre

On aime chez Georges Appaix cette apparente légèreté de l’être, cette gestuelle comme si de rien n’était, cette ouverture d’esprit aux autres disciplines. Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre est à ce titre le plus bel hommage possible à l’art de l’illusion par excellence, la scène. Appaix, magicien de la chorégraphie, a décidément plus d’une lettre dans son chapeau.

L'abécédaire chorégraphique: la lettre R.
Règles du jeu

  • L'abécédaire chorégraphique: la lettre R.

Il faut s’arrêter un instant sur le physique, grave et comique tout à la fois, de Georges Appaix, passé maître dans l’art de l’improvisation. Et puis s’intéresser à sa voix, soulignée d’une pointe d’accent du Sud qui semble mettre tous les mots en musique. Enfin, regarder sa danse qui se coule avec délice dans les entrelacs d’un saxophone ou d’un accordéon. Appaix c’est tout cela, et bien plus.

Depuis les années 80 et la création de sa compagnie, La Liseuse, il a marqué de son empreinte la danse française. Au fil du temps, d’Antiquités à Basta !, de Gauche-droite à Pentatonique, Georges Appaix égrène son abécédaire chorégraphique avec sérénité. Arrivé aujourd’hui à la lettre R, il réunit six interprètes autour de lui pour Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre.

À l’origine de cette création, un texte, Questions de goûts, écrit et dansé par Appaix en solo. Soit une réflexion sur l’inspiration, l’élaboration et la création. Poursuivant son entreprise, Georges Appaix entend « considérer le plateau comme une page blanche et refaire avec le public, comme en le prenant à témoin, le chemin qui conduit à une forme spectaculaire ». Un dialogue, donc, où chacun sur le plateau parle ou chante, danse ou joue.

On aime encore et toujours chez Georges Appaix cette apparente légèreté de l’être, cette gestuelle comme si de rien n’était, cette ouverture d’esprit aux autres disciplines. Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre est à ce titre le plus bel hommage possible à l’art de l’illusion par excellence, la scène. Appaix, magicien de la chorégraphie, a décidément plus d’une lettre dans son chapeau.

Philippe Noisette

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> Les textes
J’ai préféré m’appuyer soit sur la poésie, soit sur l’essai. Le poète n’est pas très loin du clown par sa façon d’être libre, en déséquilibre, comme Ponge, par exemple... Les philosophes, c’est pour le déclic. J’ai travaillé avec des phrases de Diderot, Jankélévitch ou Deleuze. On prend une petite phrase, elle est précise, elle donne une information, elle ouvre un espace mental : ce n’est pas flou, c’est bien un point et en même temps, c’est universel : un point qui circule, un point nomade...


> La musique
Il y a la chanson, c’est le lieu de rencontre de la musique et des mots et c’est un petit théâtre en trois minutes, un bout d’histoire, une séquence courte. Ce qui me plaît dans cet art populaire, c’est la combinaison de simplicité et de raffinement. Les musiciens de jazz ont eux réussi à trouver un chemin entre la structure et la liberté. J’ai souvent utilisé Coltrane (le grand libre, le grand mélodiste !) qui d’ailleurs me fait penser à Ponge parce qu’il est capable de ressortir une bluette et d’en faire quelque chose de sophistiqué. Le jazz, c’est la musique transversale par excellence, qui intègre et recycle toutes sortes de matières, classiques, ethniques, expérimentales… Je suis évidemment sensible au rythme des batteurs, à la syncope, aux changements de mesure, au décalage du tempo. Là encore s’exerce la rupture, la dissociation corporelle qui, par ailleurs, est une de nos grandes préoccupations. J’aime aussi les musiques latines de danse, mambo, cha cha... Et les musiques chorales méditerranéennes, toujours pour ce même cocktail d’ingrédients populaires et de mixage raffiné.


> Le temps
Certains artistes conçoivent une pièce comme une courbe d’intensité, avec ascension et point culminant. Mes spectacles sont plutôt faits d’îlots autonomes qui posent la question de leur proximité et de leur combinaison. Mon temps, c’est celui des vignettes. Et ma marge de manoeuvre est plus sur le voisinage, la transition des choses que sur les choses elles-mêmes. C’est aussi une façon de ne pas mettre de hiérarchie dans les choses, petites ou grandes.


> Les interprètes
C’est leur singularité qui me touche, leur façon de bouger, leur comportement, leurs intonations, leur accent… Beaucoup d’interprètes étrangers sont venus, Claudia Triozzi, Chiara Gallerani… Sabine Macher et Marco Berrettini étaient parfaitement quadrilingues ce qui élargissait considérablement le travail sur la transversalité des langues, la traduction, les jeux de sens, de sonorité. Chacun prend une place, une position particulière et s’inscrit aussi dans un choeur, par un travail d’unisson que je fixe. Mais tous ont un rapport à l’écriture et leurs textes prennent une place considérable dans les spectacles.


> Le mouvement
Il trouve souvent sa forme à travers l’improvisation. Cela passe par un travail d’atelier et un canevas précis, une structure très contraignante - qu’elle s’applique à
I’espace, au dialogue, aux rapports avec le son... J’essaie de mettre les interprètes en situation de déséquilibre, de quête, pour créer des états d’intranquillité. C’est aussi une manière d’être entre les choses, entre la danse et la voix, entre le langage parlé et le chant, entre danser et ne pas danser. Oui, tout ce qui dilate est bon à prendre. Cela pousse aux opérations de combinaison. Les choses avancent et en même temps, se déplacent sur le côté, forment des figures... Dans ma tête, ça a parfois à voir avec la géométrie, peut-être à cause de mon histoire.


> Le spectateur
Peut-être faut-il qu’il y ait une différence de potentiel permanente entre le public et les interprètes pour que l’énergie circule. Et que ce qui se passe sur scène soit toujours sur le point de basculer. Précisément dessiné, mais énigmatique - oui, mystérieux. Parce que c’est alors au public de jouer, de relier les bribes, d’interpréter. Après tout, il faut laisser un peu de travail, ou de liberté, au spectateur.


Extraits d’un entretien de Christine Rodès avec Georges Appaix, publié dans la revue La Pensée de midi, n°2 (La Traversée des frontières, automne 2000)

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Spectacle terminé depuis le dimanche 8 février 2009

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