Malaga

Lille (59)
du 7 au 20 mars 2002

Malaga

Ce soir justement, les trains sont en grève et cela ne fait rire personne dans la salle d’attente de la gare. Il y a bien Barat qui relève timidement mais ça énerve Astrid, sa femme. Astrid qui n’en peut plus, Astrid qui vide son sac. De remarques cinglantes en scènes désespérées, Astrid déballe son amertu

       
Présentation
Le jeu de l’aveu et de l’invention
Le théâtre des gens ordinaires
Autour du spectacle
Le droit fondamental au rêve, pour tous

En attendant le train de 6h12...
Flambard, représentant de commerce tombe en panne de voiture un soir quelque part dans la Wallonie profonde. Il se précipite à la gare pour attraper le dernier train. Peine perdue, il n’y a pas de dernier train, les syndicats de cheminots se sont mis en grève. Peut-être, cependant, le premier train du matin roulera-t-il. C’est ce que veut croire, envers et contre tout, un autre passager également bloqué dans la gare, Lucien Barat. Celui-là et Astrid, sa femme, espèrent pouvoir prendre à Zaventem le lendemain matin l’avion qui doit les emmener à Malaga, où ils ont loué un petit bungalow pour leurs vacances. Un peu plus tard, une quatrième protagoniste, solitaire en quête de compagnie, répondant au joli nom de Magali, viendra se joindre à ce trio...
Une fois lâchés dans l’arène nocturne de cette petite gare, les personnages de Paul Emond, vont commencer à déballer leurs problèmes, leurs malheurs, leurs rancoeurs, leurs rêves... L’essentiel de l’action, dans Malaga, se ramène à une joute permanente de langage où les coups les plus forts ne sont sans doute pas les plus apparents.« Ce pays est un train fou lancé dans le brouillard », dit Flambard. Seulement, ce soir justement, les trains sont en grève et la boutade ne fait rire personne dans la salle d’attente de la gare. Il y a bien Barat qui relève timidement mais ça énerve Astrid, sa femme. Astrid qui n’en peut plus, Astrid qui vide son sac. De remarques cinglantes en scènes désespérées, Astrid déballe son amertume, ses frustrations, ses reproches, ses regrets.
Parce qu’ils vont rater l’avion pour Malaga, parce que sa belle-mère a épousé l’ancien fiancé d’Astrid juste la veille du départ ¾ exprès ¾ , parce qu’elle s’appelle Anna, comme sa belle-mère et que ce n’était pas à elle de changer de nom.
Barat, lui, croit à Malaga, terre promise où tout s’arrangera. Il temporise. Mais lorsque Magali, une solitaire en quête de compagnie, se joint à eux, Astrid et Flambard débobinent leur vie, leurs concessions, leurs erreurs s’inventent peut-être des vengeances, des exploits ; ils mettent à nu leurs amours, leurs désamours jusqu’à atteindre une vérité implacable. Et Barat reste seul sur le quai pour Malaga…

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Si je devais donner un sous-titre à mes pièces ou les catégoriser d'un genre, j'emprunterais volontiers à l'écrivain suisse Robert Walser, avec une pointe d'ironie, son joli mot de "dramolettes". Mais, pour être plus sérieux, s'il me fallait caractériser mon style, j'évoquerais plutôt une certaine forme de grotesque, pas un grotesque exacerbé comme on peut le trouver dans les littératures slave ou germanique, mais un grotesque du quotidien, associé à une forme d'humour comme on le trouve chez Kafka : un mélange grinçant de drôlerie et de tristesse, drôle pour ceux qui regardent, mais épouvantable pour ceux qui le vivent.
Si le couple m'obsède à ce point, c'est que, plus encore que la famille, c'est le microcosme social par excellence, l'unité minimale du rapport social, la cellule qui contient en miniature toutes les variations et les métaphores de la relation humaine. Le couple est peut-être l'un des meilleurs exemples de cette frontière des domaines public et privé qui me passionne tant. C'est aussi, à mon sens, une magnifique métaphore du théâtre : les couples qui m'intéressent sont ceux qui, d'une façon ou d'une autre, s'exhibent, se donnent en spectacle…
J'accorde une grande importance à la narration. Je me considère comme un auteur qui raconte des histoires à une époque où cette notion d'histoire ou de récit est, me semble-t-il, frappée de suspicion, et où la parole, le dialogue, la "conversation", semblent parfois suffire à définir l'écriture dramatique. Et dans ce contexte où l'on se méfie beaucoup de la notion de "pièce bien faite", j'avoue sans honte et sans complexe mon souci assumé de "bien construire" mes pièces. J'assume aussi la notion d'attente, pas tant pour me rattacher à une quelconque filiation beckettienne à laquelle, je crois, je n'appartiens pas, mais parce qu'on trouve dans les contraintes du huis clos et du sur place une source de tension et d'énergie favorable au développement de la parole dramatique. Il existe toutefois une troisième catégorie, un troisième ressort qui, à mon sens, pourrait compléter une esquisse de définition de mon écriture et de mes personnages : c'est ce que j'appellerais, faute de mieux, la dialectique de l'aveu et de l'invention. Puisque tout est possible et que personne ne sait comment les choses vont évoluer, les personnages tombent sous le coup d'une pression interne qui les pousse à se dévider, ou littéralement : à vider leur sac.

Paul Emond extrait d’un entretien avec Yannic Mancel

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Pour moi, le théâtre n’a d’intérêt que s’il est le miroir de notre monde, et l’écriture contemporaine me semble plus apte à en refléter les différents éclats. Je n’ai jamais compris pourquoi il pesait sur les écritures contemporaines un tel soupçon d’intellectualité et d’ennui. Je suis personnellement convaincu du contraire. Ce qui m’intéresse dans le théâtre contemporain, (et ce qui intéresse aussi le public du théâtre Les Tisserands) c’est quand il se met à parler avec simplicité de nos origines et de notre mémoire ouvrières, quand il fait parler avec art et poésie des gens ordinaires.
Ce que précisément j’aime chez Paul Emond, c’est la peinture de gens ordinaires, complètement dépassés par la complexité du monde, qui en souffrent et qui ne savent plus comment se comporter, comment exister, comment aimer, comment survivre. Et ce qui est touchant, mais aussi comique, c’est que ces gens n’ont en apparence aucun problème. 
J’aime aussi leur propension exceptionnelle à raconter des histoires. La réalité semble pour eux tellement difficile à supporter qu’il leur faut s’inventer une réalité parallèle, une réalité qu’ils parviennent à faire croire aux autres et à laquelle ils finissent par croire eux-mêmes. Paul Emond travaille presque toujours sur la frontière entre le rêve et la réalité. Le rêve est toujours pour lui expérience de la liberté, même s’il s’agit d’un rêve de pacotille : safari, charter, club de vacances… Le rêve commence aussi parfois au bout du comptoir : la parole libérée par la bière et l’écoute des autres peut alors rêver de transformer le monde.
Troisième caractéristique : le théâtre de Paul Emond n’est jamais triste. « Amusons-nous follement », dit Barat dans Malaga. Le rêve et la libre parole chez Paul Emond sont gais. Loin de toute affliction ¾ une tentation parfois un peu complaisante du théâtre contemporain ¾ , il y a dans ses personnages une énergie vitale jubilatoire.
C’est un théâtre qui ne dénonce rien, mais qui arrache les masques et fouille jusqu’au plus profond de nous-mêmes et de nos comportements. Paul Emond accède ainsi par l’humour et le drôlerie à un état de lucidité critique qui, sans cynisme ni mépris, se moque tout à la fois de lui-même et de nous.

Didier Kerckaert extrait d’un entretien avec Yannic Mancel

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Cours public animé par Yannic Mancel le mercredi 20 mars à 18 h 30 - Petite salle, Lille. Rencontre avec l'équipe artistique le jeudi 14 mars à l'issue de la représentation.
Cercles de famille - De Paul Emond - Lecture dirigée par Didier Kerckaert
Avec Cercles de famille, sa dernière pièce, à ce jour inédite, Paul Emond revient sur ses thèmes de prédilection: la cellule familiale et le couple, l'aveu et l'invention, le mensonge qui sauve et la vérité qui tue.
A l'ombre joyeusement endeuillée de deux papys hauts en couleurs et disparus, deux sacrées bonnes femmes (Arlette Renard et Janine Mazingue) gèrent la mémoire et l'héritage d'une descendance fantasque, éperdument éprise de bonheur et de liberté, confondante de pulsion de vie et d'humanité.

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L'écriture de Paul Emond dérange et déstabilise notre confort de lecture quant à la représentation des petites gens sur un plateau de théâtre, dans le cadre d'une fiction qui revendique tout à la fois son enracinement dans le quotidien et le droit à sublimer cette trivialité quotidienne dans le rêve et la poésie. Comme ses grands prédécesseurs Adamov, Ionesco, Beckett, Pinget,  Sarraute..., Paul Emond place au coeur de ses farces philosophiques belges les thèmes de la (l'in-) communication, du malentendu, de l'absurde  étymologiquement : ce à quoi on reste sourd - Il y ajoute aussi, entre baroque et surréalisme, la mise en crise de l'image, en tant que reflet ou miroir identitaire. 
Mais un thème surtout permet aux petits-bourgeois ordinaires de Paul Emond d'accéder à la dignité, je veux parler de leur aspiration au rêve qui tous les élève et nivelle ainsi par le haut ¾ c'est si rare ! leur appartenance à la communauté des humains.
Aussi, en cette fin de siècle où certains droits fondamentaux sont remis en question et exigent de nos consciences une vigilance accrue, un poète dramatique nous rappelle en toute simplicité et avec humour à la légitimité de ce droit fondamental au rêve, à l'imaginaire, à la représentation. De ce droit fondamental, il fait son art poétique ¾- comme en son temps Prévert, avec ce "réalisme poétique" dont Paul Emond pourrait aussi se réclamer ¾ et contribue, à sa façon très particulière, à rendre un théâtre d'art et de poésie accessible à tous, un théâtre où la représentation des petites gens s'adresse aussi aux petites gens, et à leur imaginaire.

Yannic Mancel, conseiller artistique et littéraire au Théâtre du Nord - In Alternatives théâtrales n°60, mars 1999

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Informations pratiques

Théâtre du Nord

4, place du Général de Gaulle 59026 Lille

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Salle climatisée
Spectacle terminé depuis le mercredi 20 mars 2002

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