Hélas pauvre Fred

du 16 mai au 2 juillet 2000

Hélas pauvre Fred

Un homme et une femme parlent de leur passé et redécouvrent le crime qu’ils ont apparemment commis. Mais toute cette histoire ne l’imaginent-ils pas pour supporter leur vie et réinventer leur jeunesse ?

Intention de Mise en Scène
Réflexions de James SAUNDERS…
A propos de " Alas, poor Fred " A duologue in the style of IONESCO
A propos de l’ Adaptation…

Un homme et une femme parlent de leur passé et redécouvrent le crime qu’ils ont apparemment commis. Mais toute cette histoire ne l’imaginent-ils pas pour supporter leur vie et réinventer leur jeunesse ?

Intention de Mise en Scène

Ionesco, Beckett, Pinter, Albee, Adamov, Arrabal, Saunders…

On appelait leur théâtre, " Théâtre de l’Absurde ", tant leur appréhension de la réalité échappait aux compréhensions immédiates. Ils ont imposé un tel regard sur la société et les rapports intimes entre les individus, avec une telle innovation dans les structures dramatiques et l’utilisation du verbe, qu’ils rendaient instantanément périmé tout ce qui s’était fait avant eux.

Ce n’est rien de dire qu’ils influencèrent ceux qui comme moi ont commencé à faire du théâtre dans les années soixante. C’est en les lisant et en découvrant abasourdi les mises en scène de Terzieff, Régy, Mauclair, Bataille, Cuvelier, que nous avons imaginé que rien n'était plus magnifique que d’écrire et de mettre en scène, puisque le théâtre envoûtait les hommes, aiguisait les regards, changeait les réflexes, transformait le monde.

Le temps a passé. Le théâtre ne change plus le monde et le monde n’a plus besoin du théâtre pour révéler son absurdité. L’image a dépassé la réalité et sombre dans la virtualité. Mais le théâtre, lui, se nourrit de concret, et cherche encore un rôle à jouer dans la farce moderne.

Depuis combien de temps n’ai-je pas lu une pièce de Saunders ? Qu’en restera-t-il au-delà de l’amnésie plus ou moins consentie qu’on a pour les enthousiasmes de jeunesse ? Que reste t-il de ce théâtre inventif mais récupéré cent fois ? Comment a-t-il résisté à l’usure du temps, à l’accélération des réflexes et des mentalités, aux nouvelles perceptions d’un monde qui se réinvente chaque jour ? Je suis assez pessimiste lorsque j’entreprends la lecture de "Hélas, pauvre Fred " dans l’adaptation de Michel Carnoy.

Stupéfaction… ! La pièce est forte, envoûtante, incroyablement maîtrisée. Les dialogues sont vifs, acerbes, détonnants. Absurde ?… Il n’y a rien d’absurde dans ce théâtre là. La pièce est devenue évidente, presque classique. Elle développe un grand sujet : le remords.

L’originalité de forme qui semblait être, à la création, ce qu’on retenait d’abord, est étrangement gommée par les ressorts dramatiques traditionnels : l’enquête, l’amnésie, la frustration, le coup de théâtre. Finalement, la progression dramatique est la même que celle d’"Oedipe roi"de Sophocle !

Saunders vient tout à coup de se placer dans la lignée des grands dramaturges, tous siècles confondus. Jusqu’au titre, maintenant, qui prend des allures shakespeariennes !… " Hélas, pauvre Fred " ! Sûrement pour un anglais, c’est " Alas, poor Yorick… " qui doit venir à l’esprit !

Décidément je monterai " Hélas, pauvre Fred " sans esbroufe, sans vouloir en rajouter de drame, de crime et de culpabilité, mais comme une pièce classique qui a du sens jusqu’entre toutes ses répliques, dont les mots s’entrechoquent, se brisent, font écho à eux-mêmes et se réinventent sur des canevas inattendus.

La pièce, dans son contenu, pourrait avoir un côté sordide : quelle dérision que ce couple coupable, qui exorcise jour après jour une faute originelle ! Pourtant, le ton est joyeux. Oubliant leur forfait au fur et à mesure qu’ils tentent de se le rappeler, les personnages s’entretiennent dans un confort douillet. Le dérisoire a quelque chose de jubilatoire : voilà bien encore la contradiction des sentiments.

Philippe FERRAN

Réflexions de James SAUNDERS…

Extraits de : " Réflexions de James SAUNDERS sur son théâtre, sur le théâtre " ( 27 mars 1993). Traduction de Bruno SCHROEDER.

" Ce que je veux souligner c’est que quelle que soit l’occasion, il n’y a pas moyen d’échapper à la nécessité de jouer. " 

" Même loin de la scène ou de l’estrade, la représentation continue. Elle commence dans notre petite enfance, nous apprenons en imitant, l’imitation, c’est du théâtre. Elle se poursuit à l’âge adulte, lorsque nous jouons les rôles que nous souhaitons que les autres nous voient incarner. On pourrait dire du théâtre qu’il est un cas particulier, où des gens se font payer pour jouer et où un public paie pour les voir. Jouer un rôle de composition, se projeter dans un personnage, c’est probablement ce qui m’a attiré vers le théâtre… "

" Cela veut dire que les questions qu’un acteur poserait à son personnage afin de le jouer le mieux possible, cet homme (ce personnage) se les pose à lui-même. "

" Attirer l’attention sur le fait que les gens jouent leur rôle en puisant dans leurs réserves, selon les circonstances, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas quelquefois, en dessous, un moi qui ne joue pas, une créature souffrante ou en manque, aimante ou abandonnée : le moteur non intellectuel de l’individu. Mais un dramaturge ne peut véritablement montrer que la surface des choses parce qu’il n’a à sa disposition que des mots, et les mots par nécessité ne touchent que la surface. Cette créature enfouie qui ne joue pas, doit se prendre elle-même en charge ou être imaginée par le public. Ou peut-être est-ce l’acteur, qui par le jeu qui accompagnera les phrases qu’il prononce, y fera allusion d’une manière quelconque. "

" Ce que je laisse entendre, c’est que, quoi que soit le théâtre par ailleurs – et il peut être bien des choses – c’est une mécanique très efficace pour étudier les moyens que nous utilisons pour nous mettre en scène et jouer les rôles que nous avons décider de jouer. "

" L’intérêt que je porte au théâtre comme représentation de l’auto-conscience de l’être, a probablement commencé à la fin des années cinquante. L’existentialisme était la philosophie à la mode, à travers Sartre et Camus, et l’outil théâtral était l’absurdité de Ionesco et de Beckett. Le théâtre de l’absurde fournissait un moyen tout prêt d’exprimer les problèmes existentiels. La scène est un espace à l’intérieur duquel les gens font semblant d’être réels. L’espace lui-même n’a pas de sens. Il est simplement là et on demande aux personnages de jouer dans ses limites. La seule alternative est de quitter la scène et de ne plus exister. "

A propos de " Alas, poor Fred " A duologue in the style of IONESCO

Ecrite en 1959 et créée la même année au théâtre-in the-round de Scarborough, " Alas, poor Fred " ouvre une série d’une trentaine de pièces en un acte, dont la force repose sur l’ambiguïté entre réel et imaginaire.

Laboratoires où se développent des expériences humaines, ces pièces introduisent les questions universelles de l’Homme dans sa quête d’identité et de vérité.

Elles s’articulent la plupart du temps autour de situations de huis clos, dans lesquelles deux ou trois personnages (souvent des couples), engagés dans un dialogue générateur de tensions, tentent de percer un mystère.

Pris dans un jeu cérébral, qui passe par le langage, ils jouent jusqu’au vertige. L’insupportable mise à nu de leurs mensonges et de leurs frustrations les condamnent alors à jouer et à rejouer à l’infini : être ou ne pas être…coupable, tel en devient l’enjeu du jeu.

Conscient de l’artificialité du théâtre, Saunders transgresse les conventions théâtrales et utilise leurs mécanismes d’imitation du réel dans sa vision du monde, où le spectacle prédomine.

Jeu dans le jeu, jeu de rôle, jeu de mots et jeu d’écriture, son théâtre se trouve au carrefour de l’existentialisme, de l’absurde, de la pièce policière et du vaudeville.

" La tradition dramatique est bien là, omniprésente, riche de toutes ses interrogations métaphysiques . Alas, poor Fred en est un concentré. "

" Un espace unique, une situation de huis-clos, un objet scénique (un tricot) forment l’épure de toute pièce de l’absurde. Ici deux personnages (un homme et une femme) évoquent leur passé et le crime qu’ils ont apparemment commis -à moins que toute l’histoire ne soit inventée- en supprimant ce pauvre Fred. La femme, Mrs Pringle, tricote inlassablement. A la fin de la pièce, on apprend que Fred était le premier mari de Mrs Pringle, et que Mr Pringle, alors son amant, caché dans le placard, fut découvert par Fred, ce qui valut à ce dernier de se faire couper en morceaux. "

" L’objet métaphorise la situation dans cette parodie de vaudeville policier. En effet, c’est le dialogue lui-même qui est tricoté avec élégance, tout comme le passé, tricoté puis défait comme un tricot, jusqu’au dernier point. " (Nicole Boireau, université de Metz, 1994).

Jouée pour la première fois, en français dans le texte (dans une autre adaptation), il y a une trentaine d’années, au théâtre de Lutèce, sous la direction de Laurent Terzieff, cette pièce, " Hélas… ! ", n’a jamais été remontée depuis.

A propos de l’ Adaptation…

Interview de Michel CARNOY par Anne MAZARGUIL

Lorsque j’ai rencontré Michel CARNOY et que je lui ai demandé ce qui l’avait poussé à adapter " Hélas, pauvre Fred ", je me suis trouvée face à un homme d’une étonnante fantaisie. Ses réponses ressemblaient curieusement à celles de James SAUNDERS : déstabilisantes et pleines d’humour. Au " pourquoi écrivez-vous des pièces ? ", l’Auteur répond : " Parce que les critiques disent que je suis un gars bien ", "pour l’argent " ou encore "parce que je n’ai guère d’aptitude à faire autre chose ". Michel CARNOY, lui, après une série de plaisanteries de la sorte, avoue sincèrement : " je suis comédien et désirais incarner le rôle d’Ernest " ; ce qui est la meilleure des motivations. Puis, voici ce qu’il m’a confié :

- A.M : " quand avez vous rencontré l’écriture de Saunders ? "

- M.C : " J’ai eu la joie de créer " un parfum de fleur " au théâtre La Bruyère dans une mise en scène de G. VITALY. C’est une écriture étrange, légère, très quotidienne, charnelle aussi qui raconte des choses graves sur le ton de la comédie. Finalement les personnages sont tout à fait conventionnels, mais ils se trouvent dans des situations hors du commun, incroyable même ! Voilà, c’est une langue qui me fascine. Il y a quatre ans, j’ai traduit une phrase de " Hélas, pauvre Fred ". Il m’était impossible de m’arrêter, je devais continuer jusqu’au bout. Je souriais, j’avais peur. J’ai vécu un moment intense. "

- A.M : " Et maintenant ? "

- A.C : " Je souris mais je n’ai plus peur. La pièce est prête. Il fallait une comédienne, un metteur en scène. Ils ont lu. Ils sont d’accord. Merci Pascale ROBERTS, merci Philippe FERRAN, avec qui je voulais travailler depuis longtemps. "

- A.M : " Vous nommez votre travail : adaptation. En quoi en est-ce une, plutôt qu’une simple traduction ? Est-elle si différente du texte original ? "

- M.C : " La traduction ne m’intéresse pas. D’abord parce que l’exactitude n’existe pas en linguistique, surtout lorsqu’il s’agit de théâtre et encore plus quand on aborde Saunders. Dans " Play for yesterday "(Le langage est une façon tellement inadéquate de dire les choses), Saunders fait dire à l’un de ses personnages : " language is such an inadequate way of saying things ". Voilà en une phrase la problématique de la traduction posée ! On ne peut qu’interpréter un texte. Ce qui est en anglais ne trouve évidemment pas son équivalent en français. Non seulement les jeux de mots propres à une langue ne veulent rien dire dans une autre, mais c’est la langue même de Saunders qui n’admet pas la simple transcription. J’ai voulu être au plus prés de son écriture. Pour l’être au mieux, il faut parfois s’en éloigner. J’ai par exemple transformé un monologue en un dialogue. Le français est une langue trop cartésienne et rendrait indigeste ce qu’écrit Saunders. Il me fallait briser cette structure trop rigide pour que s’en évade l’imaginaire. Les transmissions de pensées d’Ethel et d’Ernest ne pouvaient exister que par un dialogue improbable. "

- A.M : " Votre adaptation comporte donc déjà une part de mise en scène ? "

- C.M : "  Non. Tout le reste est à inventer. Au-delà des mots il y a des personnages. Je laisse à Philippe FERRAN la part qui lui revient. Maintenant, je ne regarde plus ma pièce qu’avec le regard du comédien avide de jouer un Ernest qu’il me reste encore à découvrir. "

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Spectacle terminé depuis le dimanche 2 juillet 2000

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