tg STAN - Le Tangible

du 2 au 13 novembre 2010
1h30

tg STAN - Le Tangible

Dans le cadre du Festival d'Automne, le célèbre collectif flamand tg STAN réunit de grands artistes palestiniens, britannique, libanais,... pour aborder sur scène les conflits moyen-orientaux et écrire une grande « déclaration d’amour au berceau de la civilisation ». Spectacle en arabe et en anglais, surtitré en français.

Spectacle en arabe et en anglais, surtitré en français. Spectacle accueilli avec le Festival d'Automne à Paris.

Une double histoire
« Et où est mon pays ? Et comment je dois appeler mon pays ? »

  • Une double histoire

Qu’ils travaillent sur Witold Gombrowicz, Arthur Schnitzler, Thomas Bernhard, Jean Cocteau ou Georg Büchner, les acteurs de tg STAN racontent souvent une double histoire : celle de l’auteur d’une part et celle d’une rencontre entre artistes de l’autre. Depuis vingt ans que ce collectif, né à Anvers, propose à l’international son répertoire multilingue, il place la singularité du parcours individuel du comédien comme une donnée essentielle du récit.

À cet égard, leur nouvelle création Le Tangible est exemplaire. Constituée de fragments de poèmes du palestinien Mahmoud Darwich et de la libanaise Etel Adnan, de récits du britannique John Berger et du palestinien Mourid Barghouti, cette création trilingue anglais-arabe-français réunit sur scène des invités de tg STAN issus de zones géographiques variées. Des danseuses de Stavanger, de Toronto et de Gênes, des comédiens de Damas, de Naplouse et d’Anvers, des vidéastes de Ramallah se fédèrent ainsi autour d’un même épicentre : la région moyen-orientale, et particulièrement cette zone en forme de croissant de lune que l’on nommait le Croissant Fertile – « The Fertile Crescent » ou « A Al Hilal Al Khaseeb » – et qui englobait jadis la Mésopotamie et l’Égypte ancienne.

« Comment, sur scène, aborder les conflits moyen-orientaux sans sombrer dans le paternalisme ou le néo-orientalisme ? » s’interrogent-ils ensemble. Sans doute, en amarrant cet imposant sujet à la poésie plus abstraite de la perte, des exils et des retours. Le Croissant Fertile devient ainsi un foyer poétique aux frontières du mythe et du documentaire, ouvert aux tentations archivistes d’individus réunis pour une grande « déclaration d’amour au berceau de la civilisation ».

Ève Beauvallet

  • « Et où est mon pays ? Et comment je dois appeler mon pays ? »

« La nuit est pure sérénité. Le ciel limpide en ses desseins. Je comprends que ce fut dans le ciel nocturne, dans la nuit et non dans le jour, dans la nuit stellaire, que les hommes ont toujours lu leur chemin. Guide algébrique de l’angoisse, des pirates et des apôtres, des prophètes et des sorciers, ô ciel, comme tu as maltraité la terre ! Elle n’est plus guère pour l’homme, désormais, qu’un grumeau. » Ces mots écrits en 1931 en Egypte, à Alexandrie, appartiennent à un recueil de textes du poète italien Giuseppe Ungaretti dont le titre, À partir du désert, traduit assez bien la démarche de Frank Vercruyssen dans Le tangible. Dans cette nouvelle création, le comédien, metteur en scène et membre de la compagnie anversoise tg STAN s’intéresse à une région du monde particulièrement tourmentée. « Au départ, je voulais construire le spectacle à partir d’un angle Bagdad, Beyrouth, Palestine. Mais j’ai vite compris que c’était impossible. Au fur et à mesure qu’on avançait dans le travail, j’ai senti que le centre d’où tout rayonnait, c’était la Palestine et qu’il devenait trop compliqué de parler aussi de Bagdad. Donc, ce que nous avons essayé de faire avec les danseuses et les comédiens qui participent au spectacle, c’est de voir ce qui se passait si on observait ces deux lieux que sont Beyrouth et la Palestine à travers le regard des Palestiniens. »

Frank Vercruyssen est conscient que le sujet est sensible dans une région du monde hautement inflammable où histoire et géopolitique génèrent une tension permanente. Il s’est abondamment documenté sur la question, mais justement il ne souhaitait pas que cela transparaisse dans le spectacle. Car ce qui est en jeu dans Le tangible ne peut se résumer à la seule description, aussi précise soit-elle, d’une situation. Il s’agit plutôt de donner à comprendre et à ressentir ce que cela signifie de ne plus savoir dans quel pays on habite. « Et où est mon pays ? Et comment je dois appeler mon pays ? ». Cette interrogation exprimée par l’un des personnages du spectacle en dit long sur ce que vivent les habitants de cette région. Cette sensation de la perte et du manque, d’un monde qui rétrécit ou disparaît sous vos pieds, cette « amnésie non de l’esprit, mais du tangible » trouve à s’exprimer à travers les mots des poètes Mourid Barghouti et Mahmoud Darwich qui ont beaucoup nourri cette création. « J’ai lu une quantité phénoménale de livres sur le Moyen-Orient et sur toutes ces questions, mais je ne voulais pas faire un spectacle scolaire ou didactique. Je voulais partir d’un sentiment de perte, de désespoir vis-à-vis de cette région du monde. Je savais qu’une part du spectacle ne devait pas passer par les mots ; que cela devait s’exprimer autrement. Et c’est pour cette raison que j’ai souhaité travailler avec des danseuses. L’idée, c’était de créer un spectacle de danse sans être chorégraphe. Finalement, on a introduit du texte. Il y en avait même trop à un moment. Du coup, le processus consistait à trouver le bon équilibre, le bon rapport. Même s’il m’est déjà arrivé de travailler avec des danseuses, là c’était très différent parce que,, d’une certaine manière, on partait de rien. J’ai beaucoup douté. Un jour, j’ai vu un documentaire sur Pina Bausch où ses danseuses racontaient qu’elle commençait toujours ses spectacles à partir de rien, du vide. Ça m’a beaucoup rassuré. »

Il commence à rassembler des éléments et tombe, alors qu’il est en tournée, sur une traduction du roman de John Berger, De A à X. Ecrit sous la forme d’un échange épistolaire, le livre lui fournit une trame dramaturgique autour de laquelle le spectacle va s’articuler. C’est un dialogue amoureux entre un homme et une femme. Un dialogue différé dans la mesure où l’homme est en prison. Les images jouent aussi un rôle important dans le spectacle, ainsi que la bande-son. Comme ces bombes dont on entend la déflagration au début. « C’est un morceau du trompettiste libanais Mazen Kerbaj, explique Frank Vercruyssen. Un enregistrement d’une improvisation à la trompette sur sa terrasse à Beyrouth tandis que des bombes tombaient sur la ville. Le morceau s’intitule Stary Night. » Le spectacle abonde ainsi en signes qui se font échos ; qui circulent d’une image à un mot ou à un son, ou encore à un geste. Les danseuses semblent tracer des géographies mouvantes, comme des zones d’instabilité, des seuils glissants qui se font et se défont… La guerre est omniprésente, même si elle n’est représentée qu’à travers ses effets, c’est-à-dire ce sentiment de perte, de territoire qui s’effrite, un monde toujours plus étroit.

Cela fait longtemps que Frank Vercruyssen s’intéresse au Moyen-Orient. En 1991 il avait déjà mis en scène un spectacle sur la Guerre du Golfe. Il a aussi beaucoup voyagé dans ces régions auxquelles le lie une affection profonde. « J’ai une passion pour le désert. J’aime voyager au Sahara, mais aussi en Syrie. Ces paysages me correspondent. Ce sont des lieux où je me sens bien. Damas, par exemple, est pour moi le centre du monde. C’est très personnel, bien sûr. Or il se trouve qu’en 2007, Frie Leysen -ex-directrice du Kustenfestivaldesarts de Bruxelles- était curatrice de Meeting Point, un festival qui se déploie dans neuf pays du monde arabe. Elle nous a invité à venir jouer là-bas avec les STAN. Cela a été une expérience très forte. Jamais je n’aurais imaginé que nous puissions un jour jouer dans ces pays que je ne connaissais jusque-là que pour y avoir voyagé tout en étant très intéressé par leur histoire politique. Le fait de jouer là-bas a créé le déclic qui m’a donné envie de monter ce projet. C’est comme ça qu’est né le spectacle. »

Hugues Le Tanneur

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Spectacle terminé depuis le samedi 13 novembre 2010

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