Rien ne va plus

Bobigny (93)
du 31 mai au 26 juin 2005

Rien ne va plus

Rien ne va plus annonce (dramatique, élégant, définitif, sans appel) le croupier pour suspendre les paris à la table de roulette, un bluff qui donne le ton du spectacle. Les esprits se figent, les regards guettent le numéro qui va sortir. Le quatre ! Quatre comédiens. Deux couples qui seront tour à tour les joueurs et les croupiers, des tricheurs, des femmes fatales, des crooners. Mathieu Bauer et les Sentimental Bourreau veulent nous conduire là où on est prêt à tout perdre pour tout gagner, l’univers de la passion du jeu.

"Quand tout a été dit, la musique peut enfin commencer." Heiner Müller

Un casino à la place d’un théâtre
Sentimental Bourreau
Se refaire...

Rien ne va plus, ce titre à lui seul pourrait résumer l’esprit de ce spectacle, faisant directement référence à cette petite phrase du croupier pour suspendre les paris sur une table de roulette. Moment où les esprits se figent, guettent avec appréhension le numéro fatidique qui va sortir.

Premier coup, le 4, pour les quatre comédiens. Couples, croupiers, crooner… Deuxième coup, le 4 pour quatre musiciens. Gain net, 10 fois la mise, pour les dix protagonistes embarqués sur le plateau, transformé pour l’occasion en salle de jeu.

Un casino à la place d’un théâtre. Une idée de Charles Pasqua ? Non, mais quoi de plus excitant que de faire évoluer des acteurs et le public dans une salle de jeu, sorte de cour des miracles moderne, univers clos, hors temps, hors champs maintes fois décrit et fantasmé dans la littérature et le cinéma.

Voilà le point de départ d’un spectacle qui s’articulera autour de ce casino matérial. Il s’agit de construire le spectacle sur trois axes distincts : montage d’oeuvres littéraires et cinématographiques, un film autour de Las Vegas, une partition musicale, le tout marchant, comme à son habitude chez Sentimental Bourreau, de front, dans un jeu de va et vient constant.

La littérature est féconde sur le sujet : oeuvres romanesques, essais, journalisme, de Fédor Dostoïevski à Stephan Zweig, de Georges Bataille à Nick Tosches, de Hunter S. Thompson à David Goodis, autant de genres qui se sont attardés sur les personnages et les questions inhérentes à la pratique du jeu (passion, destruction, folie, hasard, futilité…). Le cinéma n’est pas en reste, du muet Foolish Woman de Von Stroheim au décapant Casino de Martin Scorcese, une pléthore de films existe sur le sujet avec son lot de personnages types : joueurs, croupiers, tricheurs, femmes fatales, gangsters et mafioso… qui seront convoqués sur le plateau.

On dit toujours qu’il est facile de faire le portrait d’un individu en observant sa façon de jouer. Nos joueurs seront-ils timides, flambeurs, arrogants, mesquins, romantiques, désespéré(e)s, mélancoliques, lunatiques ? (...)

Faire le parallèle entre le jeu, l’art et le théâtre en particulier, l’économie et la notion d’utilité. On est en droit de s’interroger sur l’utilité et de la futilité de jouer au casino ou de faire du théâtre. De dilapider de l’argent et de l’énergie dans les deux cas. En même temps, “le plaisir, qu’il s’agisse d’art ou de jeu, est réduit à un rôle qui serait subsidiaire dans les représentations individuelles qui ont cours”. On peut leur opposer des notions de productivité, de rentabilité, chères à nos contemporains. Alors peut-être, faire un spectacle sur le jeu et le casino devient subversif ou tout au moins introduit de belles contradictions.

Mathieu Bauer

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C’est en 1989 que huit jeunes gens animés d’une envie d’assouvir ensemble leurs différentes passions, décident de monter un spectacle. Ce sera Strip et Boniments, d’après le livre de Suzanne Meiselas. Du montage de texte à la première représentation, tout sera pris en charge collégialement (décors, costumes, affiches, mise en scène…). C’est ainsi que ce groupe composé d’acteurs, de musiciens et de plasticiens, entérine cette expérience en créant un collectif : Sentimental Bourreau. Il s’agit de revendiquer un espace où l’échange, le dialogue et la polémique sont nécessaires ; un endroit où la hiérarchie du théâtre, de la technique à l’artistique, est bousculée.

Les rapports texte, musique, image s’entremêlent comme autant de promenades dans un univers théâtral où les détours deviennent adages. Détours dans les textes : philosophie, essais, chroniques, ou encore scénarios de films, dans la matière visuelle, des arts plastiques au cinéma et dans l’univers musical, de la bande son à la musique live. C’est ainsi que voient le jour Les Carabiniers (d’après les scénarios de Jean-Luc Godard, Roberto Rossellini, et Jean Gruau) et La Grande Charge Hystérique (d’après L’Invention de l’Hystérie de Georges Didi-Hubermann) en 1991, puis Va t’en chercher le bonheur et ne reviens pas les mains vides, montage de textes (Nathanaël West, Brecht, Youri Gagarine, Kafka…) autour de trois figures héroïques, créé en 1995 et présenté au Théâtre national de Bretagne, à Théâtre en Mai-Dijon, et au Théâtre de la Cité internationale. Viennent ensuite les créations de Satan conduit le bal (montage de textes d’Oscar Panizza, Fernando Pessoa, Jean-Didier Vincent…) en 1997 à la Ménagerie de Verre, Tout ce qui vit s’oppose à quelque chose (montage des textes d’Emmanuel Kant, Lucrèce, Georges Didi-Hubermann…) au Théâtre Gérard Philippe-Saint-Denis en 1998, Les chasses du Comte Zaroff (montage de textes d’Elias Canetti et du scénario du film) en 2001 à la Comédie de Valence et à la MC93 Bobigny. En 2003, création de Ajax par exemple, résultat d’un travail autour du poème de Heiner Müller présenté sous différentes formes au Théâtre de la Bastille, à la Ménagerie de Verre, au Musée du Louvre et en tournée. Et enfin en novembre 2003 L’Exercice a été profitable, Monsieur, montage de textes à partir de l’oeuvre de Serge Daney, créé à la MC93 Bobigny.

La musique de Sentimental Bourreau est toujours difficile à définir, mais est là, indispensable au bon déroulement des projets. Il s’agit bien pour la musique de trouver une écriture propre à chaque spectacle tout en continuant par ailleurs à creuser son propre sillon. Deux pratiques parallèles qui se retrouvent systématiquement dans toutes les créations.

Il y a toujours des allers et retours textes/musiques, l’un se nourrissant de l’autre vice-versa pour tendre à une plus grande écoute des deux éléments. La musique est comme d’habitude composée et interprétée en direct par les quatre musiciens à vocation offensive de la compagnie et intègre pour l’occasion la présence d’un chanteur en la personne de Chet. Il prendra en charge le rôle d’un fan de Dean Martin connaissant par coeur sa biographie et sa discographie. Un certain nombre de standards de Dean Martin comme Money burns a hole in my pocket, Relaxez-vous, Smile, Smile, Smile et autres morceaux aux titres évocateurs seront revisités. Dean Martin avait cette capacité incroyable de vous murmurer les chansons à l’oreille, de telle sorte qu’elle vous semblait directement et personnellement adressée. La figure de Dean Martin sera omniprésente, elle pourrait se définir comme : « une belle vie dans la sale industrie du rêve ».

Les comédiens seront aussi musiciens ou chanteurs. Ce qu’on appelle chant est cette capacité qu’ont les comédiens des Bourreau à placer un texte sur la musique, à le rythmer, l’articuler et le scander. Les textes nous parviennent dans ces moments-là d’une façon plus évidente et plus directe, parce que la musique s’appuie directement sur leur architecture, n’hésitant pas à en révéler le contenu. Nous intégrons aussi dans la partition, l’environnement sonore propre au casino : sons de machines à sous, de pièces, de roulettes, de voix… comme autant de matières premières présentes dans la musique. Tous ces sons ont été enregistrés à Las Vegas, capitale mondiale des jeux et de l’argent roi, capitale des passions irrépressibles.

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Magnifique expression qui, au sens propre, induit que l’on se soit fractionné, éparpillé, démonté en de multiples parties, mais pourquoi ? Pour fuir, s’inventer, se questionner, peut-être un peu tout ça à la fois. Métaphore de ce spectacle qui se propose de s’écrire au hasard des coups qui seront joués. Où le mélange des genres, des personnages et des époques sont autant de frontières qui nous font basculer d’une émotion à l’autre. Ça frotte, ça se bouscule, mais c’est là, palpable, petits signes qui nous questionnent et résonnent au regard d’une image, d’un texte, d’une chanson et que sais-je encore…

Notre époque ne demande qu’à se réinventer, se refaire la cerise face aux attaques en règle de la médiocrité. A nous de miser sur les bonnes questions et quand les réponses ne sortent pas, insister à nouveau, quitte à tout perdre : repères, certitudes, idées… Car il s’agit bien d’interroger et de s’interroger sur ce que l’on est vraiment prêt à perdre pour se refaire.

Un luxe authentique exige le mépris achevé des richesses, la sombre indifférence de qui refuse le travail et fait de sa vie une splendeur infiniment ruinée.

Georges Bataille

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  • Tram : Hôtel de Ville de Bobigny à 90 m
  • Bus : Hôtel de Ville à 84 m, Karl Marx à 181 m, Maurice Thorez à 274 m
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Spectacle terminé depuis le dimanche 26 juin 2005

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