Orage

CLASSIQUE Terminé

Orage a de fortes résonances personnelles et le nouvel art de l’auteur consiste en une redistribution entre rêve et réalité. « Nous habitons peut-être une très belle demeure, mais nous savons qu’il existe une pièce secrète qui cache quelque chose de très laid. Toutefois personne ne songe à pousser cette porte fermée qui se trouve en chacun de nous. » affirme Strindberg.
  • Une menace sourde qui ne perce pas

Arrêter le temps, conserver à jamais les souvenirs chers et faire comme si rien n’avait changé, ne devait changer : tel est le rêve de Monsieur qui vit au rez-de-chaussée avec Louise, une parente à son service. Le monde semble figé. Pourtant, de nouveaux locataires viennent d’emménager à l’étage : l’ancienne femme de Monsieur est de retour, mais mariée avec un autre. L’orage gronde dans la maison du silence… « Il faut, après l’époque naturaliste, qui fut forte, féconde, une réconciliation avec les puissances, un rapprochement avec le monde invisible », notait Strindberg.

La pièce Orage a de fortes résonances personnelles ; et le nouvel art de l’auteur consiste en une redistribution entre rêve et réalité. Ecrite pour le Théâtre Intime, qu’il a créé, Orage appartient au cycle des Pièces de chambre. « Nous habitons peut-être une très belle demeure, mais nous savons qu’il existe une pièce secrète qui cache quelque chose de très laid. Toutefois personne ne songe à pousser cette porte fermée qui se trouve en chacun de nous. » Pour être silencieux, certains coups de théâtre n’en sont pas moins dramatiques.

  • La presse en parle

« Jacques Osinski laisse voir toutes les nuances du psychisme, entre apaisement apparent et tempêtes intérieures, entre crépuscule masquant les imperfections et éclair aveuglant, entre les paroles souvent elliptiques et les non-dits pesants. » Agnès Santi, La Terrasse, 04 décembre 2013

  • Note d'intention du metteur en scène

« C’est une maison calme où cependant la vie bruit dans les coins. Ses habitants l’appellent « la maison du silence ». Dans la cour vit un pâtissier tranquille et malchanceux. A l’entresol, l’appartement de Monsieur n’a pas bougé depuis des années. Les meubles sont restés tels qu’ils étaient à l’époque de son mariage. Monsieur a épousé une femme bien plus jeune que lui. Le couple a eu un enfant, une fille. Mais, craignant la différence d’âge, l’époux a quitté son épouse. Désormais il vit avec son frère, le consul, et Louise, une parente qui les sert. Il cultive ses fleurs comme il cultive ses souvenirs. Cependant, à l’étage du dessus, la lumière transperce derrière des rideaux rouges. De nouveaux locataires sont arrivés. « C’est comme un nuage rouge, une menace d’orage au‐dessus de nos têtes ; qu’est-ce que c’est que ces gens ? ». Il va falloir remuer les souvenirs. L’ancienne femme de Monsieur est revenue, mariée à un autre…

J’aime le calme d’Orage, cette menace sourde qui ne perce pas. La violence des sentiments est là mais feutrée, apaisée. Depuis longtemps, depuis ma mise en scène du Songe, qui marqua un tournant dans ma façon d’aborder le théâtre, j’ai envie de retourner à Strindberg, à sa démesure et à son inflexibilité. Il fait partie de ma famille d’auteurs. Il y a pour moi quelque chose de naturel dans le fait d’aborder Orage, grande pièce sur le temps, après avoir travaillé pour la première fois Tchekhov, l’autre grand fondateur du théâtre moderne. Ecrite pour le Théâtre Intime créé par Strindberg et August Falck, la pièce fait partie, avec Maison brûlée, La Sonate des spectres ou Le Pélican, des « pièces de chambres » dont le modèle est la musique du même nom. Pour Strindberg, il s’agit de suggérer le décor plutôt que de le souligner, de rechercher l’intimité, la proximité avec le public, tentatives qui annoncent toute la mise en scène moderne et prennent tout naturellement leur place dans mon travail.

Comme leur auteur, les personnages d’Orage ont vieilli. La vie a fait son œuvre. Restent les souvenirs et leur vaine tentative d’arrêter le temps. « La vie a passé. On a comme pas vécu » dit Firs dans La Cerisaie. Chez Strindberg, c’est autre chose. On a vécu, senti, aimé, haï aussi. Monsieur veut conserver un moment bref de bonheur, l’enserrer, comme sous une cloche de verre. Il y a quelque chose de poignant dans l’envie de ce vieil homme de garder pour soi un petit morceau de vie. Là où est la beauté, c’est que cela se fait sans nostalgie, avec une foi absolue en la force de l’esprit humain. Ce pouvoir dont rêve Monsieur, celui d’immobiliser le temps pour un instant, d’enserrer la vie sous une cloche de verre, le théâtre le possède plus que tout autre art. Dans Orage, les excès sont enchâssés, enfermés dans la maison. Celle‐ci m’apparaît comme le personnage principal de la pièce, pareille à une divinité observant ses enfants sans jamais intervenir. Comme un théâtre de marionnettes, elle ouvre ses fenêtres, tire ses rideaux pour laisser place à l’action puis se referme. Le décor, fermé, s’ouvre pour un instant sur un ailleurs. Puis c’est fini. Le temps a passé. On a tenté de le retenir. Mais le spectacle terminé, il faut passer à autre chose.

Reste le souvenir, reste le rêve. Monsieur conserve le souvenir de son histoire d’amour comme d’un « beau conte » dont il veut conserver l’illusion. Ce conte est comme un temps immobile, isolé au milieu du véritable temps, celui qui passe. On l’oublie souvent, Strindberg, admirateur d’Andersen, écrivit des contes. On oublie aussi qu’il fut un grand observateur du quotidien, l’auteur de Parmi les paysans français ou des Pantomimes de la rue, l’homme qui voulut écrire une Histoire du peuple suédois et non celle de ses rois. Ces deux Strindberg sont présents dans Orage, tout comme le Strindberg furieux et misogyne d’ailleurs. Mais il y a comme une douceur, un calme dans la pièce qui étonne parfois. Le rêve qui transperce dans les paroles de Monsieur, ses allusions au clair de lune, sa façon de cultiver les fleurs ou d’appeler Louise sa « bonne fée » contraste avec la quotidienneté, l’extrême contemporanéité de la maison où passent sans cesse le livreur, la laitière, le postier, la blanchisseuse, où l’on fait des confitures et on range le linge dans l’armoire. Les sentiments passent. Les gens changent. Mais la vie reste la même et c’est peut‐être en cela qu’elle est belle. Il faut manger, faire le ménage, les travaux du quotidien. J’ai envie de jouer avec ces contrastes, faire sentir le rêve dans la simplicité du quotidien. « J’aime bien la tranquillité, et cette atmosphère digne, agréable, mesurée, où l’on ne dit pas tout ce qu’on pense, où l’on s’efforce de laisser de côté les désagréments de la vie quotidienne » dit Louise. On fait beaucoup semblant dans Orage. Tout comme on fait semblant au théâtre. Pourtant on y dit aussi beaucoup de vérités. »

Jacques Osinski, novembre 2012

  • Strindberg, dramaturgie de l'autoportrait

Il faut, après l’époque naturaliste, qui fut
forte, féconde, mais qui a fait son temps,
une réconciliation avec les puissances, un
rapprochement avec le monde invisible.
Strindberg, Inferno, 1897.

Selon une opinion répandue, il y aurait deux Strindberg : celui qui, à la fin des années quatre-vingt, pond ses oeufs dans le nid du naturalisme et y fait éclore une série de tragédies intimistes (Père, Mademoiselle Julie, Créanciers…), puis, après la crise d’ Inferno, celui du théâtre onirique, des « jeux de rêve » inaugurés par Le Chemin de Damas, qui s’arcboute au drame symboliste à la Maeterlinck et, à travers Le Songe, La Sonate des spectres ou La Grand-Route, annonce expressionnisme et surréalisme. En fait, l’indéniable mutation que connaît, au tournant du siècle, la dramaturgie de Strindberg est moins brutale et plus subtile. Il ne s’agit pas de la soudaine irruption d’un théâtre du rêve, mais d’une plus grande affirmation d’un théâtre à la première personne, par l’entremise duquel Strindberg entreprend de tirer, avec la plus grande netteté possible, son autoportrait.

Bien évidemment un autoportrait en société et, par-dessus tout, en couple. De la même manière qu’il y a un âge, chez l’individu Strindberg, pour les affres de la vie conjugale et un âge, passé la tentation faustienne, pour l’apaisement relatif que procurent la retraite et l’isolement, il existe, dans la structure même des pièces de cet auteur, en correspondance étroite avec sa vie amoureuse, psychique et spirituelle, un passage d’une dramaturgie de l’intersubjectivité (de la relation catastrophique avec la femme et, plus généralement, avec l’autre) à une dramaturgie de l’intrasubjectivité et de la solitude visionnaire. Le passage, signalé par une longue interruption de la production théâtrale, s’effectue entre Le Lien (1892), où l’on voyait deux époux régler leurs comptes les plus intimes devant un tribunal, et Le Chemin de Damas (1898) qui narre les pérégrinations existentielles et spirituelles, en forme de chemin de croix, de l’auteur, alias l’Inconnu. Ces deux formes de l’écriture dramatique – je nomme l’une scène et l’autre tableau –, loin de s’exclure, s’appellent mutuellement : la première où chaque partenaire s’emploie sans relâche à posséder l’autre ; la seconde à la faveur de laquelle l’écrivain tente, tel un nouveau Sisyphe, de hisser ce terrible jeu terrestre de l’anéantissement réciproque jusque dans la sphère du rêve et de la méditation.

Jean-Pierre Sarrazac, Théâtres intimes, Actes sud, 1989.





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Informations pratiques

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête

Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Cartoucherie
  • Métro : Château de Vincennes à 1 km
  • Bus : Cartoucherie à 174 m, Plaine de la Faluère à 366 m
  • Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.

    En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
    Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.

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Plan d’accès

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 15 décembre 2013

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