Léonce et Lena

du 8 mars au 6 avril 2007

Léonce et Lena

CLASSIQUE Terminé

Léonce fuit un mariage forcé avec une inconnue. Il rencontre Léna, qui elle-même fuit le prince qu’on lui impose. Léonce et Léna s’aiment, et se sauvent de leur destin, sans savoir que l’autorité royale les avait désignés l’un à l’autre. La farce romantique d’un auteur prodige et précurseur.

Farce à concours
L'intrigue
L'oeuvre
Les influences

  • Farce à concours

Pour répondre à un concours lancé par un éditeur, Büchner compose Léonce et Léna, fantaisie inspirée du Roméo et Juliette de Shakespeare et du Fantasio de Musset. Mais le concurrent ne respecte pas les délais fixés. La pièce restera inédite jusqu’en 1850.

Léonce, jeune homme blasé et mou, se vautre dans l’insatisfaction et l’ennui. Il fuit son mariage forcé avec une jeune fille inconnue, et vagabonde avec Valério, philosophe tiré du ruisseau. Il rencontre Léna, qui elle-même fuit le prince qu’on lui impose. Léna cherche avec sa gouvernante une issue et un sens à sa vie. Léonce et Léna s’aiment, et se sauvent de leur destin imposé, sans savoir que l’autorité royale les avait désignés l’un à l’autre.

Jean-Baptiste Sastre dirige cette farce romantique d’un auteur prodige et précurseur.

P.N.

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  • L'intrigue

L’intrigue est simple : c’est l’histoire d’une nature nonchalante, indifférente, qui retrouve le sens de sa mission grâce à l’intrusion dans sa vie de la passion amoureuse et d’une mentalité absolument opposée à la sienne.

Tout n’est qu’ennui pour le prince Léonce, tout est source d’insatisfaction ; aussi cherche-t-il dans la fantaisie un refuge aux vulgarités quotidiennes. Léonce doit épouser la princesse Léna, qu’il n’a jamais vu de sa vie, et dont on donne l’arrivée pour imminente. Ne pouvant supporter l’idée même de ce mariage imposé, il s’enfuit en compagnie de Valério, jeune philosophe vagabond qu’il a tiré du ruisseau.

Léna, de son côté, ne se réjouit nullement de prendre pour époux un homme qu’elle n’aime pas ; aussi sa gouvernante, à qui elle confie ses inquiétudes, décide-t-elle de trouver un remède à la situation. Léonce et Valério, Léna et sa gouvernante, se rencontrent par hasard dans le jardin d’une auberge, sans se connaître.

Les deux jeunes gens s’éprennent aussitôt l’un de l’autre : leur amour est fomenté par la gouvernante et Valério, qui connaissent la vérité. Grâce au subterfuge ainsi inventé par les deux comparses, les jeunes gens se trouveront mariés sans connaître leur véritable identité. La situation se dénouera donc à la satisfaction générale.

Dictionnaires des œuvres , Ed. Robert Laffont, collection Bouquins

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  • L'oeuvre

L’étude de la correspondance et les recherches d’archives permettent d’établir que Büchner écrivit Léonce et Léna en juin et/ou juillet 1836, un moment riche pour lui en activités littéraires et scientifiques, puisque, de juin à octobre, il conçoit les grandes lignes et peut-être commence la rédaction de son drame disparu sur l’Arétin, poursuit son travail sur la philosophie grecque, ainsi que sur Descartes et Spinoza, prépare son cours probatoire à l’université de Zurich Sur les nerfs crâniens et rédige quelques scènes de la première version de Woyzeck.

Büchner destinait sa pièce à un concours lancé, le 16 janvier 1836, dans l’Allgemeine Zeitung d’Augsbourg, puis annoncé de nouveau, le 3 février, dans l’Intelligenz-Blatt, supplément au Morgenblatt für gebildete Stände, par la maison d’édition Cotta, qui se proposait de récompenser « la meilleure comédie en un ou deux actes, en vers ou en prose » par une somme de trois cents florins et par une promesse d’édition dans l’Allgemeine Theater-Revue. Il est difficile d’établir à quel point Büchner a pris au sérieux ce concours ; toujours est-il que son manuscrit parvint après l’échéance fixée par Cotta et qu’il lui fut retourné sans avoir été ouvert.

Léonce et Léna est la pièce de Büchner dont les qualités dramaturgiques ont été, dès sa parution, le plus contestées ; elle a aussi été plus longtemps que les autres ignorée du grand public, et il faut reconnaître que, sous une apparente légèreté de ton, la pièce présente une réelle complexité et prête aisément le flanc à la critique. Un reproche fréquemment adressé à Büchner est d’avoir imité sans grand bonheur les comédies de ses précurseurs.

Certes, à maints égards, Léonce et Léna s’inscrit dans le sillage des comédies romantiques allemandes – notamment celles de Tieck et de Brentano ; on y reconnaît aussi, dans certaines scènes, un mouvement et un traitement qui rappelle les comédies de Shakespeare ; on y constate des points de convergence avec les œuvres de Musset, ainsi que des emprunts, sous forme de citations ou d’allusions transparentes, à Bonaventura, E.T.A. Hoffmann, Goethe, Walter Scott, Jean-Paul, Chamisso, Heine, Friedrich Schlegel, Sterne, Holberg, Kant, Fichte, Descartes, Spinoza, Pascal et sans doute aussi Montaigne.

On aurait tort de conclure de manière hâtive à un plagiat ou à un manque d’originalité. En effet, le recul critique de Büchner est immense : derrière la citation se profile l’intention polémique. On constate du reste que, à quelques exceptions près, notamment Shakespeare, les auteurs les plus souvent cités sont de la génération qui a directement précédé Büchner, et que ce sont des gens qui ont contribué, en tant qu’écrivains ou que philosophes, au développement de l’idéalisme allemand.

Or il n’est pas innocent que Büchner cite ces auteurs justement dans une comédie : dans La Mort de Danton, dans Lenz, et plus tard dans Woyzeck, Büchner a également recours à la technique du montage, mais il s’agit avant tout de textes historiques ou para-historiques ; ici tout se passe comme s’il voulait régler ses compte avec ses lectures de jeunesse, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il les rejette ou ne cherche qu’à les parodier : il prend simplement la mesure de l’idéologie de la génération qui a précédé la sienne.

N’oublions pas que, à cette époque, il a vingt deux ans et est en train de terminer ses études universitaires, ce qui a pu l’incliner à tenter, consciemment ou non, une sorte de bilan. Or Léonce et Valério ont, au-delà de leurs personnages de fils de roi et de vagabond bohème, quelques traits de ces étudiants gavés de lecture pour qui le savoir, à travers la crise de conscience de l’idéalisme, est devenue objet d’un doute.

Cette confrontation à l’idéalisme est l’indice d’une continuité entre Léonce et Léna et La Mort de Danton, alors qu’à première vue la pièce semble faire tache dans l’œuvre de Büchner. N’a-t-on pas, en effet, l’impression que l’auteur s’écarte ici de l’étude du réel pour s’enfermer dans un rêve romantique, se confiner dans un univers fictif où les personnages ne sont plus de chair et de sang, mais des marionnettes gouvernées par une force extérieure, incompréhensible et insensée ? Ne serait-ce pas le symptôme d’un abandon quasi définitif du politique après l’expérience malheureuse du Messager hessois et le pessimisme de La Mort de Danton ?

La question a été maintes fois soulevée, et pourtant il semble qu’elle ne puisse être présentée en ces termes. La thèse ne tient, en effet, que si l’on admet une identité de vue entre Büchner et ses personnages. Mais si l’on émet l’hypothèse d’un recul critique, un certain nombre de points de convergence apparaissent entre Léonce et Léna et le reste de l’œuvre. L’oisiveté dont souffre Léonce, l’ennui qui l’accable sont sans doute le signe du « mal du siècle », mais ils sont aussi, pour Büchner, la marque de l’aristocratie.

En ce sens, Léonce complète le tableau brossé par le Messager hessois ; c’est aussi avec lui, et pas uniquement autour du personnage du roi Pierre, que s’organise la satire des petits Etats allemands. Büchner écrivait, en 1836, à Gutzkow : « Je crois que dans les choses sociales il faut partir d’un principe de droit absolu, chercher à constituer une vie intellectuelle nouvelle dans le peuple et laisser aller au diable la société moderne qui a fait son temps.

Dans quel but voudrait-on qu’une chose comme celle-ci se promène entre ciel et terre ? Sa vie toute entière n’est constituée que de tentatives pour dissiper l’ennui le plus épouvantable. Qu’elle meure de sa belle mort, c’est tout ce qui peut lui arriver de nouveau ». le personnage de Léonce porte sur lui la charge de cette survie intempestive, il est anachronique, et c’est une des raisons pour lesquelles il est aussi un personnage comique.

On a, à juste titre, rapproché ce propos de la pièce d’une remarque de Marx dans l’introduction à la Philosophie hégélienne du droit : « L’ancien régime moderne n’est plus que la comédie d’un ordre universel, dont les véritables héros sont déjà morts. (…) La dernière phase d’une figure de l’histoire universelle est sa comédie. »

Toutefois, Léonce et Léna n’est pas une pure et simple transposition de quelques réflexion du Messager hessois dans le langage de la comédie. Il semble bien que l’ennui et la mélancolie de Léonce ont des fondements plus larges que ceux que l’on peut imputer à la situation historique. Il s’agit là de thèmes qui parcourent toute l’œuvre de Büchner et que l’on retrouve chez des personnages très divers, aussi bien dans La Mort de Danton que dans Lenz.

Léonce est certes un oisif, un parasite – et, en ce sens, il est ridicule face à l’Histoire -, mais c’est aussi un personnage qui souffre, parce qu’il a le sentiment d’un vide intérieur. Dès la première scène, il ne nous apparaît pas comme un prince – ses activités, qui consistent à cracher sur une pierre ou à récupérer du dos de la main des grains de sable qu’il a jetés en l’air, n’ont rien de royales ; c’est un personnage qui ne peut rien entreprendre, parce qu’il ne parvient pas à se prendre lui-même au sérieux .

Ludwig Völker a relevé, à juste tire, que l’oisiveté de Léonce vient de sa conviction que toute activité équivaut à une tromperie envers soi-même ; ainsi ce qui le rend oisif, c’est son utopie d’une activité parfaite. Tout se passe comme si la mise en question des modalités de la connaissance et le doute sur le sens de l’existence conduisaient le héros à l’inaction et à l’apathie. Nous n’avons plus alors à faire à un personnage de comédie, mais à un être dont le tragique est proche de celui de Danton ; tant il est vrai que, avec Büchner, la question du comique et du tragique commence à prendre le pas sur la distinction des genres comédie et tragédie.

« Maintenant, rentrez chez vous, mais n’oubliez ni vos discours, ni vos sermons, ni vos poèmes, car demain, en toute tranquillité et quiétude, on reprend tout de zéro et on recommence la plaisanterie. » Cette phrase, que prononce Léonce à la fin de la pièce, a été souvent mise en avant pour illustrer le pessimisme, pour certains même le nihilisme de Büchner, qui ne verrait dans le cours du monde qu’un éternel recommencement. Mais, prise au pied de la lettre, la phrase signifie simplement que le loi fondamentale de ce qu’on vient de voir relève d’un fonctionnement propre au théâtre.

Nous sommes dans un univers factice qui s’affiche ouvertement en tant que tel. Ainsi, la comédie serait pour Büchner l’occasion d’un jeu avec le genre théâtral. A partir du moment où le comique n’est plus assimilable à la seule comédie, celle-ci devient chancelante et se produit comme parodie d’elle-même. On peut donc se demander si Büchner, qui se proposait d’écrire une comédie pour un concours, n’a pas choisi d’écrire la comédie d’une comédie.

En cela, il aurait continué une tradition de la comédie romantique allemande – Le Chat botté, de Tieck, est fondé sur un principe analogue de démontage -, mais la différence réside en ce que, chez Tieck, la trame et l’idée même d’une comédie restent à peu près intactes, alors que, chez Büchner, c’est le genre lui-même qui est remis en question. Peut-être l’importance accordée au personnage de Valério est-elle un symptôme de cette réflexion destructrice de la comédie sur elle-même.

Il permet, en effet, à Büchner d’échapper à la fiction, de placer le centre d’intérêt non sur ce qui fait avancer l’action, mais sur ce qui la suspend, non pas sur la fable, mais sur les digressions auxquelles elle donne lieu. Ainsi, Büchner a réalisé, avec Léonce et Léna, une œuvre singulière qui se joue du commentaire, dans la mesure sans doute où elle contient en elle-même son propre commentaire.

Jean-Louis Besson, introduction aux Œuvres complètes, inédits et lettres de Georg Büchner, éditées sous la direction de Bernard Lortholary, Editions du Seuil, 1988

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  • Les influences

Léonce et Léna n’est pas une des œuvres les plus personnelles de Büchner, l’influence des modèles ayant inspiré l’auteur demeure trop apparente.

Hamlet :

"J’ai depuis peu, pourquoi je n’en sais rien, perdu toute ma gaieté, abandonné mes habituels exercices ; et de fait mon humeur est si désolée que cet admirable édifice, la terre, me semble un promontoire stérile, et ce dais de l’air, si merveilleux n’est-ce pas, cette voûte superbe du firmament, ce toit auguste décoré de flammes d’or, oui, tout cela n’est plus pour moi qu’un affreux amas de vapeurs pestilentielles". Shakespeare, Hamlet (Acte II, scène II)

"Le Piège de la Souris . Et pourquoi diable ? Eh bien, au figuré. Cette pièce a pour sujet un meurtre commis à Vienne. Gonzague est le nom du duc, Baptista celui de sa femme, et vous allez voir qu’il s’agit d’un joli tour de coquin, mais n’est-ce pas, peu importe ! Votre majesté et nous qui avons la conscience pure, cela ne nous émeut pas. Que bronche le cheval blessé, nous, notre col est indemne…" Shakespeare, Hamlet (Acte III, scène II)

"Que gémisse le cerf blessé
Quand le chevreuil vagabonde.
L’un doit dormir, l’autre veiller,
C’est la loi de ce monde.
Avec cela, monsieur, et une forêt de plumes, et deux roses de Provins sur mes souliers à crevés, n’est-ce pas qu’on me recevra chez les comédiens, monsieur, si tout le reste me manque ?" Shakespeare, Hamlet (Acte III, scène II)

Fantasio :

"Oh! S’il y avait un diable dans le ciel! S’il y avait un enfer, comme je me brûlerais la cervelle pour aller voir tout ça ! Quelle misérable chose que l’homme ! ne pas pouvoir seulement sauter par sa fenêtre, sans se casser les jambes ! être obligé de jouer du violon dix ans, pour devenir un musicien passable ! Apprendre pour être peintre, pour être palefrenier ! Apprendre pour faire une omelette ! Tiens, Spark, il me prend des envies de m’asseoir sur un parapet, de regarder couler la rivière, et de me mettre à compter un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, et ainsi de suite jusqu’au jour de ma mort." Musset, Fantasio (Acte I scène II)

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Spectacle terminé depuis le vendredi 6 avril 2007

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