Dans la solitude des champs de coton

Aubervilliers (93)
du 23 janvier au 12 février 2004
1H30

Dans la solitude des champs de coton

A travers ce qui n'aurait dû être qu'une transaction commerciale illicite, Bernard-Marie Koltès nous décrit sa vision des relations humaines. Il utilise la forme dramatique la plus simple, deux personnages, un lieu indéfini et une parole dans laquelle les deux personnages se cachent, l'un pour prétendre être commerçant, l'autre pour cacher la mort de son désir. Ils s'y cachent mais tentent pourtant d'y communiquer, laissant échapper leurs visions du monde, leur besoin d'exister et même quelques parts de leurs vies.

Une vision des relations humaines
Extraits
Quand il n'existe que l’hostilité

Notes de mise en scène

Regards croisés

La presse

A travers ce qui n'aurait dû être qu'une transaction commerciale illicite, Bernard-Marie Koltès nous décrit sa vision des relations humaines. Il utilise la forme dramatique la plus simple, deux personnages, un lieu indéfini et une parole dans laquelle les deux personnages se cachent, l'un pour prétendre être commerçant, l'autre pour cacher la mort de son désir. Ils s'y cachent mais tentent pourtant d'y communiquer, laissant échapper leurs visions du monde, leur besoin d'exister et même quelques parts de leurs vies.

Ce seront deux merveilleux comédiens qui s'affronteront pour la première fois sur un plateau : Bernard Ballet dans le rôle du Dealer et Denis Lavant dans le rôle du Client. Du contact intense, inédit de ces deux grands comédiens jailliront des étincelles qui sont capables d'atteindre un très large public. Ballet et Lavant - deux tempéraments, deux forces qui s'opposent, qui se cherchent, qui se touchent… et qui toucheront le spectateur au plus profond de lui-même.

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« ... car le désir d’un acheteur est la plus mélancolique chose qui soit, qu’on contemple comme un petit secret qui ne demande qu’à être percé et qu’on prend son temps avant de percer ; comme un cadeau que l’on reçoit emballé et dont on prend son temps à tirer la ficelle. » Le Dealer

« Je ne suis pas là pour donner du plaisir, mais pour combler l’abîme du désir, rappeler le désir, obliger le désir à avoir un nom, le traîner jusqu’à terre, lui donner une forme et un poids, avec la cruauté obligatoire qu’il y a à donner une forme et un poids au désir. Et parce que je vois le vôtre apparaître comme de la salive au coin de vos lèvres que vos lèvres ravalent, j’attendrai qu’il coule le long de votre menton ou que vous le crachiez avant de vous tendre un mouchoir, parce que si je vous le tendais trop tôt, je sais que vous me le refuseriez, et c’est une souffrance que je ne peux point souffrir. » Le Dealer

« Vous n’êtes pas là pour satisfaire des désirs. Car des désirs, j’en avais, ils sont tombés autour de nous, on les a piétinés ; des grands, des petits, des compliqués, des faciles, il vous aurait suffi de vous baisser pour en ramasser par poignées; mais vous les avez laissés rouler vers le caniveau, parce que même les petits, même les faciles, vous n’avez pas de quoi les satisfaire. Vous êtes pauvre, et vous êtes ici non par goût mais par pauvreté, nécessité et ignorance. » Le Client

« ... en toute fin de compte n’existe que le fait que vous m’avez regardé et que j’ai intercepté ce regard ou l’inverse, et que, partant, d’absolue qu’elle était, la ligne sur laquelle vous vous déplaciez est devenue relative et complexe, ni droite ni courbe, mais fatale... » Le Dealer

« ... du seul poids de ce regard sur moi, la virginité qui est en moi se sent soudain violée, l’innocence coupable, et la ligne droite, censée me mener d’un point lumineux à un autre point lumineux, à cause de vous devient crochue et labyrinthe obscur dans l’obscur territoire où je me suis perdu. » Le Client

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Si un chien rencontre un chat - par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce qu’il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu’ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas se croiser - ; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouvent par fatalité face à face - non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l’on se voit de loin, où l’on s’entend marcher, un lieu qui interdit l’indifférence, ou le détour, ou la fuite - ; lorsqu’ils s’arrêtent l’un en face de l’autre, il n’existe rien d’autre entre eux que de l’hostilité, qui n’est pas un sentiment, mais un acte, un acte d’ennemis, un acte de guerre sans motif.

Les vrais ennemis le sont de nature, et ils se reconnaissent comme les bêtes se reconnaissent à l’odeur. Il n’y a pas de raison à ce que le chat hérisse le poil et crache devant un chien inconnu, ni à ce que le chien montre les dents et grogne. Si c’était de la haine, il faudrait qu’il y ait eu quelque chose avant, la trahison de l’un, la perfidie de l’autre, un sale coup quelque part ; mais il n’y a pas de passé commun entre les chiens et les chats, pas de sale coup, pas de souvenir, rien que du désert et du froid. On peut être irréconciliables sans qu’il y ait eu de brouille ; on peut tuer sans raison ; l’hostilité est déraisonnable.

Le premier acte de l’hostilité, juste avant le coup, c’est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence de l’amour, le désir par répulsion. Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l’eau et le feu se lèchent, mais l’eau est condamnée à noyer le feu, et le feu forcé de volatiliser l’eau. L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange des coups, parce que personne n’aime recevoir de coups et tout le monde aime gagner du temps.

Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu’il y ait encore de la place pour la raison.

Bernard-Marie Koltès
Prologue – Editions de Minuit 1991

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On n'est qu'une fois au cours de sa vie « Dealer » et qu'une fois « Client », et pour devenir Dealer il faut bien avoir été Client. Pour posséder tout ce que l'autre peut bien réclamer, il faut connaître tous les désirs et il faut surtout les avoir tous ressentis…

Bernard Ballet, jadis encore Client, se tient dans la terre du plateau, prêt à accueillir pour l'absorber et se confondre en lui dans la mort – Denis Lavant, parcourant toute une vie, du jeune homme avide de savoir jusqu'au vieil homme dépourvu de tout, mais sachant que le Dealer de demain, ce sera lui… Et ce sera lui qui, pour y parvenir, extraira comme dans la "partie de cœur" de Heiner Müller le cœur de l'autre "chirurgicalement".

Ballet et Lavant, un couple hors du commun pour un texte hors du commun.

Koltès, selon Jean-Marie Piemme, est un arpenteur qui mesure l’étendue du désastre, la tragédie n’est pas dans son texte, elle commence seulement lorsque le texte se met à bourgeonner dans la tête du spectateur ou du lecteur. Koltès n’est pas bouleversant, il est seulement implacable, terriblement logique, de cette logique si clairement exprimée et si facile à comprendre qu’elle vous laisse perdu à la fin du texte, tout content que l’instant étiré trouve sa conclusion, tout content que vienne enfin le nom du désir qui suture - tout provisoirement - l’inachèvement...

Dans la solitude des champs de coton est exemplaire de l’énigme et du secret qui sont au cœur de la dramaturgie de Koltès : tout le dialogue se noue autour d’un objet indicible, que pourraient échanger Client et Dealer si l’un consentait à nommer son désir et l’autre à définir son offre. Le mystère entretient le commerce qui ne se nourrit que d’impossible et de manque à être…

Koltès, c'est la douleur d'un monde tiraillé entre les "brutes" et les "demoiselles", le drame de l'être humain souffrant de n'être pas l'Autre, de rester toujours inachevé, car "la vraie et terrible cruauté est celle de l'homme ou de l'animal qui rend l'homme ou l'animal inachevé".

La mise en scène est orientée autour de deux volumes énigmatiques, et la lumière est l'endroit d'où l'on vient et où l'on va, mais elle n'éclairera pas vraiment le lieu de la transaction elle-même.

Chez Koltès, l’obscurité du théâtre continue de briller, imperturbablement.

Frank Hoffmann

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« Qui dit dealer dit drogue, mais la pièce ne parle pas expressément de drogue. La vraie "affaire", plus ou moins négociable, c’est le jeu de l’amour que l’on n’avoue pas, que l’on achève pas, où on ne s’engage pas. La vraie affaire, c’est le refus et le refus du refus : celui qui refuse va devenir celui qui demande et vice et versa. On ne sait pas s’il y a un gagnant et un perdant dans l’histoire, c’est pourquoi la pièce s’achève sur une question - purement rhétorique d’ailleurs, car il n’y aura pas de combat. Ce sera partie remise, comme au jeu d’échecs, jusqu’à la fin des siècles. » Jean Flammang

« ... le combat n’a pas nécessairement de but il a une force et une raison d’être qui est le combat lui-même. Chez Brecht, dans La Jungle des villes, un des deux protagonistes veut acheter l’opinion de l’autre. Avec Koltès, on n’est pas loin de ce genre de deal - ou de non-deal. La nature de l’échange n’est pas clairement définie. Ce qui compte, c’est le fait que la transaction puisse avoir lieu. On vit aujourd’hui une époque où ce qui reste, c’est la transaction elle-même, alors qu’on ne sait plus très bien ce qu’on pourrait encore échanger, puisque tout est déjà échangé. En ce sens, Dans la solitude des champs de coton est un texte prémonitoire, qui dépasse un peu les années quatre-vingts, où il a été écrit. » Frank Hoffmann

« Concrètement, physiquement, on perçoit un rapport de deux types d’énergie : le Client qui est forcément dans une marche, une dynamique, et qui est frustré, contrarié là-dedans. Quelque chose reste dans l’impossibilité, dans l’empêchement, dans le suspens, mais ce n’est pas pour autant que sa dynamique à lui s’arrête, au départ. Par la suite, il sera transformé, car le Dealer, même immobile, est comme une plante carnivore. » Denis Lavant

« Le côté physique du combat tient du fait qu’il est mené par deux personnages qui n’ont peut-être pas une vraie biographie, mais une personnalité propre ; le Dealer pourrait être quelqu’un qu’on rencontre au coin de la rue - Chéreau l’a écrit d’ailleurs, quelque part. Ce n’est pas une abstraction qui intercepte votre regard, c’est un individu qui porte un nom, qui est interprété par un comédien, et ce comédien nourrit le rôle de son expérience de la scène, de son expérience de la vie. C’est ce qui donne de la chair à un spectacle qui, sinon, risquerait de paraître très abstrait... » Frank Hoffmann

Jean Flammang, Frank Hoffmann, Denis Lavant
In Koltès ou le regard intercepté
Notes et contre-notes assemblées par Corina Mersch
Editions Phi

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Des visions sublimes, accentuées par des éclairages subtils, signés Zeljko Sestak, qui font surgir ça et là, des ombres évanescentes ou rendent les noirs significatifs (…) La souplesse de trapéziste de Denis Lavant marque tout déplacement : une vraie danse du corps. Dans la solitude des champs de coton, un texte contemporain marquant, devient dans la lecture de Frank Hoffmann et par la performance étonnante des comédiens, un événement inoubliable. Josée Zeimes, Le Jeudi

Deux acteurs impressionnants de justesse et de vérité pour un texte magnifique joué dans un décor incomparable. Josée Hansen, Lëtzebuerger Land

La mise en scène de Frank Hoffmann, aidée d'une très belle prestation des acteurs, a le grand mérite de donner une vie et un caractère propres aux sujets de cette rencontre mystérieuse. De leurs simples données archétypiques - celui qui offre et celui qui demande; l'immobile et celui qui poursuit sa trajectoire - le Dealer et le Client seraient des abstractions sans couleur, ni personnalité. Ici, cependant, on les trouve en interprétations soigneusement maniérées et pleins d'âme. (…) Le TNL a ici fait naître un spectacle extrêmement beau à voir, qui se déploie dans un décor exceptionnel et tout à fait justifié. Tageblatt

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Sélection d’avis du public

Dans la solitude des champs de coton Le 21 janvier 2004 à 10h30

une oeuvre de salubrité intellectuelle 2 mecs bien sur scène!!

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Dans la solitude des champs de coton Le 21 janvier 2004 à 10h30

une oeuvre de salubrité intellectuelle 2 mecs bien sur scène!!

Informations pratiques

Théâtre de la Commune

2, rue Edouard Poisson 93304 Aubervilliers

Bar Grand Paris Librairie/boutique Restaurant Seine-Saint-Denis Vestiaire
  • Métro : Mairie d'Aubervilliers à 395 m
  • Bus : André Karman à 73 m, Mairie d'Aubervilliers à 297 m, Paul Bert à 357 m
  • Voiture : par la Porte d'Aubervilliers ou de La Villette - puis direction Aubervilliers centre

    Navette retour : le Théâtre de la Commune met à votre disposition une navette retour gratuite du mardi au samedi - dans la limite des places disponibles. Elle dessert les stations Porte de la Villette, Stalingrad, Gare de l'Est et Châtelet.

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Plan d’accès

Théâtre de la Commune
2, rue Edouard Poisson 93304 Aubervilliers
Spectacle terminé depuis le jeudi 12 février 2004

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