Le récit d’un naufrage oublié Le 26 septembre 2002, peu avant 23 heures, le Joola, bateau sénégalais, se retourne entre la Casamance et Dakar avec à son bord près de quatre fois sa capacité, faisant ainsi 2000 victimes.
Alors que le bateau renversé n’était qu’à quelques kilomètres des côtes, les secours officiels ne sont intervenus que le lendemain après-midi laissant des centaines de survivants enfermés dans la coque retournée. Parmi les 64 rescapés, un seul français.
Nous entendons ici son récit.
Stephan Zimmerli est dessinateur, architecte et musicien. Il partage son temps entre les enregistrements et les tournées au sein du groupe Moriarty, les projets de scénographie en collaboration avec Marc Lainé (la Boutique Obscure) et l'enseignement au sein de diverses écoles d'architecture (à Londres, Lausanne, Rennes et Paris). Ces différentes expériences l’amènent à formuler une pratique artistique au croisement des arts visuels, du théâtre, de l’architecture et de la musique. Cette approche interdisciplinaire gravite cependant autour de thèmes précis et récurrents : la réminiscence, l’atmosphère, l’acoustique, le temps et la matière. Elle s’appuie concrètement sur une pratique quotidienne du dessin et de la musique, dont les traces sont systématiquement archivées et ordonnées dans des carnets accumulés depuis près d’une vingtaine d’années, formant ainsi les bases d’un art de la mémoire personnel : une mnémotopie.
« J’ai un énorme vide en moi. J’ai le sentiment d’avoir disparu avec les autres victimes. Mon témoignage n’a aucune portée, je sens que je dérange tout le monde. Les petits soucis du quotidien paraissent bien plus graves, et chacun me les présente avec une conviction qu’il refuse à mon témoignage. Ce que j’ai vécu semble tellement irréel, à moi-même comme aux autres quand j’en parle, qu’il me faut concrétiser mon histoire, pour être sûr de l’avoir bien vécue. Je vois bien que les gens n’en saisissent pas l’ampleur.
Comment sortir d’un tel drame quand la justice n’y aide pas plus que les organismes de secours ne l’ont fait ? Qui peut croire que nous, rescapés des pires crimes humains, pouvons faire l’impasse et retrouver ce monde qui nous méprise ? »
Patrice Auvray - Comme un cri
3, rue des Déchargeurs 75001 Paris