Barbe-Bleue

du 13 mars au 10 avril 2003
1H45

Barbe-Bleue

C'est le monologue intérieur de Félix Schaad (en allemand, "schad-" signifie dommage) interrompu sans cesse par les minutes de son procès.

L'histoire
Pourquoi monter Barbe-Bleue au théâtre ?
Le texte origina(e)l : Blaubart
Pour planter le décor
Le Théâtre de l’Ellipse

Accusé d'avoir assassiné une de ses ex-femmes, Félix Schaad se trouve aujourd'hui acquitté, mais il n'est libéré ni du procès qui le poursuit ni du sentiment de culpabilité. Il tente d'y échapper, joue au billard, va au sauna, part en voyage, mais ... 

"Vous souvenez-vous, Dr Schaad..." demande le procureur... et le procès reprend. Il reste harcelé par le procureur qui persiste auprès de lui comme d'une quinzaine de témoins -dont ses épouses- à chercher en lui l'assassin.

Félix Schaad est-il en fait coupable, malgré son acquittement ? 

Cet homme hanté est-il crédible comme coupable, est-il vraiment innocent ? 

Pourquoi cette succession de femmes ? 

Quel est le rôle de ce procureur qui abuse évidemment de ses prérogatives ? 

Maintenus dans l'incertitude jusqu'à la toute fin, il n'est pas évident que la résolution de l'énigme ne nous laisse pas dans l'interrogation... 

Parce qu'une fois de plus, Frisch brouille les pistes, témoin ce surnom de "Barbe-Bleue" donné à Schaad par sa septième et dernière épouse, un surnom tendre à ce qu'elle dit... 

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Il y a d'abord les "dialogues", l'essentiel du récit, interrogatoire lancinant du Procureur qui veut faire avouer l'accusé, le harcèle, qui utilise toutes les ficelles, suggère, incite à la confidence, au détail, veut l'amener à sortir de sa neutralité vague, incertaine, équivoque. 
- Je ne suis pas coupable, dit l'accusé.

Il y a le monologue de Schaad, épine dorsale, fil conducteur du récit qui ne livre rien, révèle seulement le présent hanté d'un homme qui cherche à s'occuper pour échapper à sa hantise, et qui s'accommode aussi mal de lui-même que des autres.
- Je ne suis pas innocent, dit l'acquitté.

Il y a précisément le personnage de l'accusé acquitté, non coupable et non innocent, le Dr Félix Schaad, Barbe-Bleue... Pas le Seigneur sanguinaire et misogyne du conte, pas le pervers collectionneur qui ferait penser à Gilles de Rais, pas le séducteur politique que l'on peut imaginer en Henri III, pas non plus le meurtrier désespéré de Dea Lohrer que nous a récemment montré Raskine. Encore qu'il y ait des points communs avec ce dernier : quête d'amour et désespoir, mais dans un tout autre registre, et toutes ces femmes...

Il y a toutes ces femmes, justement, dont il était tellement tentant qu'elles soient interprétées par une seule, réplique et variante d'une même histoire désespérément répétitive et décevante...

Il y a ce jeu d'aller-retour entre présent et passé, vécu et mémoire, une gageure pour la scène...

Il y a aussi, surtout, peut-être, la dimension ludique, tellement présente chez Frisch, celle qui permet d'échapper au désespoir de ne jamais être qu'un humain qui retombe toujours dans le même panneau. Celle qui fait surnommer "Barbe-Bleue" un Dom Juan à la petite semaine, amoureux toujours déçu... parce qu'il est "chevaleresque". Celle qui fait écrire à Frisch cette étonnante scène où l'un des témoins, "ami" de l'accusé, reprend mot pour mot des commentaires que faisait Dürrenmatt à propos de Frisch : qu'ils s'entendaient bien "parce qu'ils n'avaient rien à se dire", que l'attitude de Frisch à l'égard des femmes était "purement grotesque", qu'il avait toujours des aventures féminines et qu'il "jurait à chaque fois que c'était la dernière"...

Le charme de Frisch, c'est sa faculté d'ironiser, une savante fraîcheur, cette façon de prendre un morceau de vie, y compris de la sienne, et de se mettre à jouer : alors, on dirait qu'on serait...

...et on se croirait au théâtre... 

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Le texte de Frisch, paru en 1982, est un récit; c'est le monologue intérieur du Docteur Félix Schaad (en allemand, "schad-" signifie dommage) interrompu sans cesse par les minutes de son procès.

Au départ, Frisch avait l'intention d'écrire une pièce d'après le conte de Barbe-Bleue pour finalement trouver que "ça n'était pas une bonne légende; qu'elle manquait d'ambivalence" 

Ainsi, le projet s'est transformé en un récit assez court dont l'essentiel est constitué de dialogues, ponctués d'incursions à la première personne, commentaires, évocations, interrogations, dépouillés de tout bavardage, à la limite de la sécheresse.

Dans le récit de Barbe-Bleue, Frisch voulait essayer de voir jusqu'où il lui était possible de se retirer comme narrateur, pour ne plus garder en mains que les fils du manipulateur. 

"Cela me fascine de plus en plus : comme on peut aller loin en se mettant de côté" aurait-il dit après avoir déposé son manuscrit. 

Le montage du texte a donc été extrêmement important, au point qu'il avait accroché sur un grand mur les différents feuillets du manuscrit et découvert ainsi diverses liaisons et combinaisons du texte : "une chose formidable". 

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Au départ, Schaad vient d'être acquitté; il est à l'avant-scène.

A peine là, il se fait happer par les moments de son procès qui le hantent au point de l'obliger à en revivre certains épisodes.

Le décor est composé de deux lieux. 
Le premier, à l'avant-scène figure le présent de Schaad, un espace vide comme son présent est vide... 
Le second, plutôt en fond de scène représente son souvenir, une présence lourde, structure de bois, fermée : la salle d'audience qui, telle que l'a conçue Jacques Deneux, évoque une arène.

A l'intérieur de cet espace qui soulignera la prégnance du regard des autres, vont apparaître les différents témoins du procès, dont les sept femmes de Schaad. Leur présence est en partie tronquée -ils ne seront vus qu'en plan américain- et ils évoquent des bribes, morceaux choisis, du passé de Schaad. Ils en reconstituent une image, partielle, partiale, contradictoire... 

Félix Schaad ne retournera pas dans l'espace du procès : il n'y a plus accès, même s'il peut, à distance, se souvenir de son rôle. Par contre, le procureur viendra hanter le no-man's land de Schaad, fera se déplacer le lieu du combat, jusqu'à la mise à nu, une mise à mort que Schaad s'inflige lui-même.
Le procureur est au centre, meneur de jeu, incarnation de la question, du doute, de la pire des hypothèses. Il force la parole, le ton, il contraint. Il viendra harceler Schaad jusque dans "son" espace, sa pensée. Interlocuteur unique, finalement.

Au fur-et-à-mesure, l'aspect de Schaad se "décivilise", tout comme son espace. Physiquement ou non, il est mis à nu.

Quelques enjeux de la mise en scène

Préserver le suspens, rendre compte de ce que le personnage est à la fois victime et auteur de son histoire, de son image.

Préserver aussi, souvent dans la contradiction, cette vision de Frisch qui, navigant entre l'intime et le public, souligne le cocasse, le ridicule ou l'attendrissant. 

Harmoniser les mouvements entre le présent et le procès qui se prolonge dans le temps et vient ronger l'espace... 

Amener enfin, comme le fait le récit, à ce que le propos déroute, interroge, fasse parler..

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  • Extrait

Procureur : Est-il vrai que vous avez parfois appelé l'accusé le Chevalier Barbe-Bleue ?

Jutta : C'est un petit nom tendre...

Procureur : Vous trouvez ?

Jutta : C'est le côté chevaleresque de Félix.

Procureur : Et pourquoi justement Barbe-Bleue?

Jutta : Parce qu'il a dit un jour qu'il avait déjà six femmes dans la cave, et parce que je sais que ses ex-femmes ne vivent pas si mal.

Procureur : Excepté Rosalinde Z... ”

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Le Théâtre de l’Ellipse a été créé en 1975 et animé par Eric Nonn qui a monté à cette époque Mea Culpa et Les Noces à l’envers dont il était l’auteur. Suivent Yerma de García Lorca avec Anne Alvaro, Roger Ibañez, Gérard Ortega, spectacle accompagné d'une musique originale de Paco Ibañez, et Caligula de Camus avec Rufus, Michèle Oppenot, Pierre Arditi et Pierre Santini au Théâtre de Boulogne Billancourt.

La Compagnie est animée depuis 1986 par Régine Achille-Fould qui était alors son assistante.

Ouverte à d’autres metteurs en scène, la Compagnie a produit en 1991 Vassa Geleznova de Gorki, première mise en scène de Pierre Castagné (Montrouge, les Turbulences de Strasbourg en juin 92). En 1993, elle accueille Variation Vénitienne proposée par Isabelle Lusignan et Bobette Levesque au Théâtre du Rond-Point dans le cadre du Laboratoire de la Mise en Scène.

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Spectacle terminé depuis le jeudi 10 avril 2003

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