Mísia porte en elle un petit pays, coincé au bout de l'Europe, balayé par les embruns atlantiques et plus particulièrement une ville : Porto, où elle est née, le premier pôle de sa géographie intérieure. Elle porte en elle un chant nostalgique et lancinant comme le vent sur la crête des vagues au large de son petit pays : le fado.

Sa voix est comme le vent : ondulante et soyeuse ou puissante comme les mugissements des sentiments de l'âme prise dans les tourments de cette vie absurde, Un mal dont on jouit, un bonheur dont on souffre. Misia a découvert le véritable amour qu'elle porte à son pays en le quittant quelques années après l'adolescence alors qu'elle se laissait mener sur les chemins de la vie sans trop prendre le temps de choisir. Fille d'artistes, entre music hall et danse classique, continuant la tradition familiale, elle était artiste sans vocation déterminée, avec cependant cette petite musique du fado au fond du coeur qui était comme un voyage entrepris à chaque instant vers son pays.

A présent Misia vit à Lisbonne et chante le fado sur toutes les scènes du monde car si elle sait plaisanter des Portugais, ces "grands professionnels de la saudade", elle découvre à chacun de ses concerts qu'il n'y a rien de plus universel et de plus partagé que la tragédie de nos vies ici-bas. Alors elle traverse le monde du nord au sud mais aussi en diagonale et chante nos peines d'amour perdues, le mal de vivre et les vertiges du spleen, elle, qui pour résister au rythme schizophrénique des voyages s'est fabriqué une maison qu'elle transporte, de ville en ville : la scène.

Elle est devenue son point d'équilibre. Il lui suffit d'être avec ses musiciens, sur un plateau, sous la lumière de quelques projecteurs et la voilà libérée, soulagée, comme nettoyée de tout le reste. Un sentiment que partage le public toujours surpris de se sentir bien d'avoir pris un petit coup de saudade, comme nettoyé par le rituel immémorial d'une musique venue de loin.