Les avis de Marcel V.

Marcel V. le 28 octobre 2017 à 09:29
Tartuffe écarlate Un Tartuffe baroque et flamboyant, incarné ici par un Michel Fau tout de rouge vêtu, tel un prélat romain, impeccable dans son interprétation ; qu’on aurait souhaité cependant un peu plus libidineux dans ses assauts contre la femme d’Orgon. C’est le petit reproche qu'on pourrait faire à cette mise en scène qui, parfois, manque un peu de chair, malgré un soin esthétique évident, tant dans les somptueux costumes de Christian Lacroix, que dans les vertigineux décors d’Emmanuel Charles. Cela n’empêche pas par ailleurs des personnages très réussis, notamment Dorine, excellente Christine Murillo, qui tire son épingle du jeu. Nicole Calfan s’en sort aussi très bien en épouse courtisée, Juliette Carré poursuit son rôle de vieille femme acariâtre avec autant de plaisir. Quant à Michel Bouquet, c’est toujours un bonheur de l’entendre réciter les vers ; on sent cependant que l’acteur vieillit, et on a parfois du mal à croire que cet Orgon-là pourrait, comme il le menace, lancer un coup de poing au nez de l’impertinente Dorine... Mais qu’importe ! Le duo Bouquet-Fau marche à merveille, escorté par une galerie de personnages plus caricaturaux les uns que les autres : le fils dépensier aux allures de grunge, la belle-mère prude mais luxueuse, la jeune pintade amoureuse du grand dadais… le tout dans une atmosphère baroque assumée, où la langue de Molière résonne comme jamais.

Marcel V. le 28 octobre 2017 à 08:48
Cendrillon, version drame psychologique Une vision très désenchantée du mythe de "Cendrillon", dans laquelle l’héroïne, par auto-destructrion, se martyrise elle-même et devient responsable de son propre malheur ; le personnage de la marâtre, plus que bourreau, devient ici rivale, figure d’une mère s’imaginant plus jeune que ses filles. Le père est là aussi, faible et docile, pantin livré de lui-même aux mains d’une femme autoritaire et hystérique. On retiendra surtout le personnage de la fée, sortie on ne sait comment d’un placard, la clope au bec, blasée, lasse de son immortalité, trouvant plus amusant les tours de passe passe que la magie véritable ; comme le montre l'excellente scène où elle prépare Cendrillon pour le bal. Les acteurs sont tous bons, la mise en scène très maîtrisée. Musique, éclairages, projection vidéo, tout se mélange de façon très harmonieuse, dans un univers alliant virtuel et réel. Une petite frustration cependant vers la fin, lorsqu’on croit arriver à la conclusion, on a droit à une montée en puissance, puis un retour au calme, pour finir sur une sorte de "deuxième" conclusion, un peu inutile cette fois ; on se dit que la pièce aurait très bien pu s’arrêter juste avant… C’est assez frustrant, surtout à la fin d’un spectacle qui, par ailleurs, demeure très efficace et très agréable à voir.

Marcel V. le 01 mars 2017 à 09:31
Une drôle de petite bonne femme ! Un one-woman show fort sympathique sous forme de conférence entrecoupée de sketchs... Je craignais un spectacle dans lequel hommes et religions s'en prendraient plein la gueule, mais au final, l'ensemble demeure très bon enfant ! De la vision de l'anatomie chez les grecs à la légende de la ceinture de chasteté, Anna Cottis se moque ouvertement des croyances et des mythes établis sur la sexualité. Avec un humour et une bienveillance presque enfantine, la comédienne plaisante et nous invite à rire avec elle d'un sujet déjà plus si tabou... On se prend à regretter que cette drôle de petite bonne femme n'ai pas été notre maîtresse d'école. Ce qu'on aurait ri, pourtant, sur nos bancs !

Marcel V. le 15 décembre 2016 à 07:38
Où est passé Shakespeare ? Tout semblait réuni pour donner un spectacle divertissant : le parti pris de la fête foraine comme cadre de l'histoire était une idée intéressante à priori ; pourtant cela ne fonctionne pas. Quelques passages sont assez bons : la scène de l'assassinat de Clarence (avec un effet de fantasmagorie très réussi), la scène où Buckingham se voit refuser ce que Richard lui a promis... mais cela reste de très rares moments dans un spectacle de plus de deux heures (bien que la pièce ait été raccourcie) . Le reste du temps se passe dans un ennui parfois atténué par la démonstration d'un effet de machinerie. En fait, durant tout le spectacle, j'ai eu la désagréable sensation que, si ça n'avait pas été Richard III de Shakespeare, j'aurais sans doute apprécié le spectacle... Dans l'ensemble, tout cela reste un ensemble d'effets (réussis, s'entend), là où la pièce de Shakespeare est une escalade, une montée progressive vers le pouvoir, et sa chute inévitable. Ici, tout le dispositif (décor, mise en scène, effets « spéciaux »...) écrase le propos, et les deux comédiens, bien que talentueux, semblent plus se préoccuper des effets scénographiques qu'ils ont mis en place, que du sens profond des scènes qu'ils jouent, ce qui fait qu'au final, on ne reçoit pas le texte, ni toute la violence des situations que traversent les personnages. Bien sûr, il est possible que je me trompe ; le succès de la pièce et les applaudissements qu'elle a soulevé pourraient me donner tort... Il faut reconnaître à la mise en scène une certaine joyeuseté dans ses partis pris, ce qui a pu plaire au spectateur. Reste à savoir si toute cette machinerie a véritablement son utilité, et si en la voyant, on n'y accorde pas plus d'importance qu'à l'histoire qui est racontée...

Marcel V. le 24 mars 2016 à 23:37
Un dépouillement parfait au service du texte Je ne connaissais de Declan Donnellan que le livre qu'il avait écrit, "L'Acteur et la Cible", que je lis et relis toujours avec grand intérêt. "Le Conte d'hiver" est la première de ses mises en scène à laquelle j'ai assistée. Et je ne le regrette pas : cette histoire (une des plus méconnues et pourtant des plus belles que Shakespeare ait écrites!) est ici donnée dans toute sa violence et sa splendeur, grâce à une mise en scène épurée, centrée sur le jeu, offrant des moments d'une intensité prenante ; notamment le final de la statue, passage difficile, ici admirablement réussi. Dans un décor dépouillé, les comédiens nous font passer par toutes les émotions, jouant avec conviction des personnages plongés dans la brutalité des situations qu'ils traversent. La mise en scène est efficace, généreuse, dotée d'un éclairage impeccable, étant pour beaucoup dans la fluidité des transitions. Tout s'enchaîne de manière parfaite, n’hésitant pas même à jongler avec le texte quand il le faut. L'aspect « moderne » des costumes (qui m'avait un peu rebuté au début) passe lui aussi très bien, car intelligemment utilisé, de même que la musique (incroyable numéro du clown chantant Shakespeare façon pop !) Les acteurs sont tous excellents, parfois dans une certaine déclamation du texte, mais complètement assumée par des voix puissantes et belles. Rien n'est en trop, rien ne manque. Du Shakespeare tel qu'on en voit peu, et un Donnellan dont on attend avec impatience la prochaine mise en scène !

Marcel V. le 24 mars 2016 à 23:32
Pascal Rambert vise trop haut ! Je précise que c'est le premier spectacle du T2G auquel j'assiste depuis que Pascal Rambert en est le directeur. J’étais surtout venu pour l'actrice, Marie-Sophie Ferdane, que j'aime beaucoup. Laurent Poitrenaux, que je découvrais, est lui aussi très bon ; même si celui qui m'a le plus convaincu est finalement celui qui ne parle pas : l'enfant, rôle muet joué en alternance (et avec talent) par Anas Adibar et Nathan Aznar (je ne sais pas lequel des deux j'ai vu, mais je lui tire respectueusement mon chapeau). Quoiqu'assez bien écrit, tout cela demeure un peu froid ; on sent que Pascal Rambert veut nous entraîner sur les hauteurs et qu'il ne regarde jamais derrière lui pour vérifier que nous le suivons. J'avais l'impression durant tout le spectacle qu'un écran invisible était placé entre les comédiens et les spectateurs. Un moment pourtant a réussi à ébrécher légèrement ce mur, instant vraiment théâtral et intensif, qui se ressentait dans toute la salle : celui où le mari aide sa femme à se relever et où, durant quelques secondes, celle-ci semble flotter sur le sol. D'autres moments sont de cette trempe (le mari qui se fait tuer « à répétitions », la chanson paillarde chantée par le fils, l'apparition puis le dévoilement du fantôme de la mère...) et ne manquent pas de charme, mais ils sont trop éloignés et disparates pour m’attendrir comme je l'aurai souhaité. De la naît ma frustration devant cette succession de dialogues, que vient seule couper la voix apaisante de Denis Podalydès, le tout soutenu par aucun fil conducteur ; ou plutôt je sentais, plus frustrant encore, qu'il y en avait un, mais c'est comme si l'auteur s’était refusé a nous le donner. Est-ce donc cela qu'on appelle le théâtre contemporain ? Un théâtre ou le public n'aurait pas sa place ? Où l'auteur n’écrirait pas (au moins en partie) pour les spectateurs qu'il va jeter en plein dans l’arène de son histoire ?...

Marcel V. le 24 mars 2016 à 17:33
Argument Pas excellent
Marcel V. le 05 novembre 2017 à 08:46