Des hommes-chiens qui aboient et s'attaquent dans une lumière verdâtre, des adolescents et des adultes qui multiplient les selfies, des duos dans lesquels règnent une violence sourde ou moins sourde, des paroles murmurées dans l'obscurité, des parades de séduction, une parodie de porno, des danses lascives, des corps outrageusement sexués : avec Virgin Territory la chorégraphe Charlotte Vincent s'empare d'une certaine forme de modernité et la propulse sur scène. Dans un dispositif scénique où les spectateurs entourent le plateau comme s'il s'agissait d'une arène, les corps se heurtent, se battent, s'épuisent, s'observent, se jaugent, se filment eux-même ou filment les autres, successivement acteurs, témoins, voyeurs, à la fois extérieurs à la scène et immergés dedans.
Ponctuée par le retour des aboiements des chiens, la pièce multiplie les séquences grinçantes, drôles ou inconfortables, a fortiori parce qu'elles mettent sur le même plan les adultes et les jeunes adolescents : scènes évocatrices de violence, voix d'un pédophile engageant le dialogue avec une adolescente via internet, très jeunes filles s'habillant comme leur aînée avec sa perruque blonde, ses talons hauts et sa petite robe rose, et adoptant le même déhanchement sexy, ayant trop bien intégré le modèle transmis par la publicité et les médias.
Virgin Territory expose ainsi un monde où le « virtuel » autorise tout, surexposant et cachant les individus, un monde de postures et de postiches où le danger s'avance masqué, et interroge l'univers saturé de sexe et d'images dans lequel baignent les enfants et les adolescents d'aujourd'hui.
1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen