En italien, surtitré en français.
Pour leur premier spectacle en italien, Declan Donnellan et Nick Ormerod ont choisi La tragédie du vengeur, du dramaturge jacobéen Thomas Middleton. Intrigues, corruption, luxure, narcissisme et soif de pouvoir s’entrechoquent dans une cour italienne du XVIIe siècle terriblement contemporaine. Souhaitant venger à tout prix le meurtre de sa fiancée par le Duc, Vindice est entraîné dans un effroyable tourbillon d'évènements qui mettent en crise son identité même.
Suite à l’énorme succès de sa tournée italienne en 18/19, le spectacle « d’une fluidité et d’une férocité gracieuse » selon La Repubblica, est désormais présenté aux Gémeaux qui accueillent depuis des années le travail du duo de « Cheek by Jowl », Declan Donnellan et Nick Ormerod.
Avec les comédiens du Piccolo Teatro de Milan.
« Middleton et Shakespeare se sont affirmés dans un théâtre londonien marqué par des changements perturbateurs. C’était une période de prospérité économique et de faillite, dominée par un malaise social destiné à conduire à la révolution qui allait, à terme, détruire complètement le contexte culturel des deux auteurs. En lisant Middleton, on perçoit une menace imminente qui se développe comme une tumeur invisible jusqu’à ce qu’elle éclate, alimentée par le ressentiment et l’injustice. Il parle d'un gouvernement corrompu, mêlé à des marchés louches, d'un peuple acheté au prix des biens de consommation. Il décrit une société obsédée par le sexe, la célébrité, le statut social et l'argent, poussée par le besoin narcissique d’avoir « raison ».
À l'époque, l'Italie était un lieu défendu que très peu d'Anglais auraient visité. L’Europe catholique représentait, pour les Anglais protestants, un ailleurs semblable à ce que la Russie soviétique a pu incarner pendant la guerre froide : c’était un envahisseur potentiel, porteur d’une idéologie pernicieuse. Middleton raconte des histoires qui semblent très modernes. Le public trouvera-t-il des similitudes avec la situation politique actuelle ? J’imagine. Mais si l’on en croit les livres d’histoire, il ne semble pas que les choses aient beaucoup changé par rapport au passé. C'est la nature humaine qui nous oblige à toujours nous comporter de la même manière.
Je m’intéresse beaucoup au travail d'un certain nombre de dramaturges anglais de l'époque de Shakespeare, du début du XVIIe siècle, qui écrivent alors des pièces d'horreur, des thrillers aux dénouements grotesques. C’était une littérature très en vogue qui frôlait l’horreur et le gore. Des écrivains sophistiqués tels que Shakespeare et Middleton en ont utilisé certains éléments et adopté de nombreux thèmes.
Parmi ceux-ci, le besoin de vengeance et le besoin de punir, qui restent parmi les sentiments les plus puissants chez chacun d’entre nous. C’est l’autre visage de la nostalgie, l’incapacité de se libérer des situations, des tragédies et des événements qui nous submergent. C'est un sentiment commun qui ne tient pas compte du contexte géographique ou social, mais qui est au centre de la nature humaine, à l'école, en famille, en politique. Jeremy Bentham, au XVIIIe siècle, a déclaré : ‹ Toute punition est un mal › . Qu'on le veuille ou non, on veut punir quelqu'un d'autre, le faire payer. Mais avec le désir de faire payer l’autre, nous nous faisons nous-mêmes du mal, car il n’est pas possible de punir un autre être humain sans d’une manière ou d’une autre nous détruire. »
Declan Donnellan
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux