Sur le plateau, c’est une crise de boulimie où couleurs, images et voix se percutent pour un plat résistant. Une expérience théâtrale, où l’on suit avec curiosité une actrice seule dans ses métamorphoses et ses digestions émotionnelles.
Elle prépare ses couleurs, les applique au pinceau ou avec les doigts, se lave, parfois sagement, parfois salement... Sur sa peau, des femmes se dessinent lentement, monstrueuses, magiques, ou mystérieusement fantasmées d’un lointain voyage.
Saupoudré de vidéos, d’hymnes à la nourriture et de performances, ce spectacle aux écritures plurielles parle de la faim comme d’un désir amoureux inassouvi.
Mon envie était de concevoir un acte scénique de bout en bout, de l’écriture à l’interprétation, en passant par la création plastique, vidéo, lumières... J’avais ce besoin urgent de me réapproprier mes histoires, parce que les textes des autres ne me nourrissaient plus.
Partir de moi, de là où j’en suis, de ce que j’ai a envie de dire. Car, les histoires que je connais le mieux, ce sont les miennes.
Je suis partie donc d’une écriture sans correction, sans retouche, brute, répétitive, angoissée, et obsessionnelle, cynique et imagée, brève et à peine fi ctionnée... Pour livrer des histoires de femmes, qui parlent de leur dedans et de leur dehors, de leurs faims, de leur corps, de leur peau et de leurs désirs.
Parler des femmes donc, mais dérouler cette bobine énorme par un bout.
Partir de son estomac comme une image de ce qu’elle a au fond du bide, les bas fond de son âme : ses désirs, sa sexualité, ses frustrations, sa rage, ses enfants pas nés.
Il y a quelque chose de magique dans cette zone du corps. Une vie interne et cachée, qui se déroule, sans que les autres ne s’en doutent. Comment ce qui bouillonne à l’intérieur, peut-il nous faire changer de peau ? Comment ce qu’on a au plus profond, son secret, son origine, sa faim peut ressurgir sur nos peaux ?
Le maquillage est ici utilisé pour créer chacun des personnages. Il remplace le costume.
On pense bien sûr à l’apanage féminin, mais on hésite avec la dimension artistique du peintre et de sa toile, ou bien avec le masque rituel des cérémonies initiatiques de certains peuples d’Afrique noire. On ne peut s’en empêcher ; c’est aussi ce que dit ma peau noire.
A partir de mes propres besoins d’expression, de mes fantasmes artistiques, des images qui me hantent, je travaille sur un sujet qui me questionne de l’intérieur, pour ensuite l’exporter artistiquement et voir en quoi il s’universalise.
Après cette première étape d’écriture, j’ai souhaité m’entourer d’une équipe artistique venue d’horizons différents afin d’utiliser les spécificités expressives de chaque discipline : (création vidéo, création sonore, maquillage, théâtre, performance) leur complémentarité et leurs décalages pour explorer ces thématiques sur le plateau.
Rebecca Chaillon
1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen