Irrésistible

• Les méandres de la jalousie et du désir

Lui est avocat. Elle est éditrice. Un soir d'été, alors qu'elle rentre d'une séance de travail avec un écrivain dont elle admire l'oeuvre depuis toujours, son conjoint cherche obstinément à savoir si cet homme a éveillé en elle un désir « irrésistible ». Et pour l'éprouver, il ne tarde pas à la pousser dans les bras de ce dangereux séducteur. La jeune femme quitte alors le domicile conjugal.

Jouant avec les méandres de la jalousie et du désir, Fabrice Roger-Lacan a écrit une comédie sentimentale, celle d'un couple moderne à l'épreuve de la vie commune dont l'histoire d'amour vire au drame. Mais tout son talent réside dans l'art de rendre son sujet « irrésistible ». La joute verbale est constante, émouvante et haletante. Les personnages sont attachants, drôles élégants. Et c'est là toutes leurs forces : tellement humains, on peut facilement s'identifier à l'un ou l'autre.

• Note d'intention

C’est autour d’Irrésistible que la comédienne Mélody Banquet et moi nous sommes rencontrées lors d’un stage sur le jeu de l’acteur. Nous sommes tombées en admiration devant ce texte qui traite d’un sujet familier qui devient pourtant si singulier sous la plume de Fabrice-Roger Lacan.

Elle travaille dans une maison d’édition, Lui est avocat. Lui doit assurer la défense d’un mexicain cannibale qui a mangé sa femme, Elle va publier le prochain roman de l’auteur qui lui a inspiré sa vocation. Mais d’abord, ce soir, ils doivent aller au théâtre. Lorsqu’Elle rentre - un peu tard - de son rendezvous avec « le grand homme », elle est pimpante.

C’est en proie à sa paranoïa et ivre d’un désir de manipulation que Lui l’accueille. S’engage alors un jeu rhétorique mené par deux experts des mots qui se transforme petit à petit en un affrontement dangereux dont ni l’un ni l’autre ne sortira indemne. Il est tout de même question de cannibalisme… Mais toujours avec intelligence, humour et légèreté.

On se rend compte au fil de la pièce que le rire ajoute à la cruauté et en devient l’un des éléments fondateurs. Ce qui semble être au premier acte l’appartement parisien d’un jeune couple de trentenaires va se transformer au fil de la pièce en un espace inquiétant, dangereux, bestial ; en un véritable ring. Ce jeu pervers auquel on ne joue que si on est deux, et deux complices, va cette fois-ci atteindre le point de nonretour et engendrer à la fois drame et jubilation.

La scénographie sera axée autour du masque africain, faisant ressortir toute l’animalité et la corporalité de ce texte. On comprend alors la perversion de ce couple qui prend du plaisir dans la manipulation et la folie. Dans ce théâtre performatif, la frontière entre le réel et l’imaginaire s’amenuise… Hannibal Lecter, Merteuil et Virginia Woolf ne sont finalement pas bien loin…

Natacha Garange