Parce que la Comédie-Française est un théâtre en renouvellement permanent, la Troupe se lançait la saison dernière dans un nouveau Cyrano de Bergerac mis en scène par Emmanuel Daumas.
Pour cette pièce légendaire aux nombreuses tirades tubesques, du « nez » aux « non merci », Emmanuel Daumas fait le pari de la vivacité de la jeunesse : autour des personnages de Cyrano, Christian, Roxane, les autres membres de la distribution ont la charge réjouissante d’interpréter une cinquantaine de rôles.
L’histoire de Cyrano, aussi à l’aise dans le maniement de l’épée que dans celui des mots – prêtant sa plume à Christian pour séduire Roxane, dont il est secrètement amoureux – se déploie dans un décor faisant la part belle au ludique et au merveilleux. Ainsi, passant d’un baroque florissant pour l’Hôtel de Bourgogne ou chez Ragueneau, au féerique et au naïf – entre Méliès et Cocteau – pour la scène du balcon, le plateau s’épure quand Roxane rejoint, au péril de sa vie, ses deux êtres chers au camp d’Arras où la mort rôde autour d’un festin de riens imaginaires bouleversant de justesse.
Retirée dans un couvent, Roxane ne comprend combien elle a été leurrée qu’au dernier souffle de Cyrano. Dans un dispositif onirique, cette comédie héroïque, drame historique aux élans romantiques, met à nu l’humanité du héros qui, jusque dans sa mort, aura vécu pour le panache. Ce va-t-en-guerre assoiffé d’idéal mais retenu par une détestation de soi et une peur du réel, choisit la beauté de Christian à la façon d’un avatar, relève Emmanuel Daumas qui cite Marcel Proust pour évoquer le rêve de Cyrano : « Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre ce soit encore la rêver. »
Place Colette 75001 Paris