Comment
" raconter " le pouvoir ? Comment " raconter " le pouvoir en mêlant
musique, théâtre et danse ?
Dune chaise lautre
La parole du pouvoir, le pouvoir
de la parole
Prendre la parole, prendre le pouvoir
Sur les pupitres : théâtre,
danse, musique
Cest laffaire de Roser Montlló et Brigitte Seth. Lune est plutôt danseuse, Roser, lautre est plutôt comédienne, Brigitte, mais ce quelles aiment cest partir de ce quelles veulent dire et non de ce quelles savent faire. Alors elles fabriquent des spectacles qui les emmènent sur des chemins parfois inconnus delles. Dans El Como Quieres comme dans Personne ne dort, elles étaient deux, avec leur savoir, leur mémoire, leurs envies, leur curiosité, leur complicité, tantôt pour raconter lEspagne à leur façon, tantôt pour faire vivre la fable de celles quun secret a liées, qui marchent la nuit et sassoient le jour.
Dans Suite pour Quatre, deux musiciens présents sur le plateau se joindront à elles pour dire quil ny a souvent quun pas entre la prise de parole et lexercice du pouvoir, quil y a toujours des maîtres et des serviteurs. Elles ont puisé cette parole chez Shakespeare qui leur a offert une belle galerie de portraits, mais aussi dans les discours des politiques, des dictateurs, des utopistes. Pouvoir dhier, pouvoir daujourdhui, paroles de pouvoir, gestes de pouvoir, sous le regard ironique de Jeannette et Gloria éternelles sujettes. De la partition de musique aux mouvements des corps circuleront la violence et lironie des mots.
Deux femmes apportent des chaises et manient chants, textes, danses et rythmes, cest El Como Quieres.
Deux femmes apportent des chaises et manient textes, danses et rythmes, accompagnées par une musique ; deux femmes inventent une langue pour se parler et échapper à la surveillance omniprésente dun pouvoir menaçant, cest Personne ne dort.
Deux femmes prennent la parole des autres pour prendre le pouvoir à bras le corps ; deux femmes et deux musiciens assis sur des chaises manient danses, rythmes, musiques et se confrontent à des textes existants, cest Suite pour quatre.
La musique est une part indissociable de notre recherche. Dans El Como quieres, elle naît des voix parlées, chantées, des castagnettes, des rythmes issus des zapateados et claquettes. Dans Personne ne dort, nous collaborons avec le compositeur Bruno Courtin, cherchant avec lui une utilisation quasi cinématographique de la musique. Elle apparaît et disparaît pendant les textes, les danses, faisant résonner les silences. De plus, il crée une musique engendrée spécifiquement par la chorégraphie. Dans Suite pour quatre, la musique composée par Bruno Courtin, est jouée sur scène par celui-ci à la clarinette et par Isabelle dAuzac à la contrebasse.
La parole du pouvoir, le pouvoir de la parole
Pas de sujets sans puissants, pas de puissants sans sujets. De siècle en siècle, cette relation est immuable, malgré toutes les formes quelle a prises. Cest cette métamorphose, qui ne change pas, que nous observons.
Le lien qui nous unit à celui qui nous gouverne est si puissant quil semble évident. Et pourtant...
Qui a dit quil y avait besoin dêtre gouverné ? Vertigineuse question à laquelle nous ne répondons pas, sinon en interrogeant déjà létourdissement quelle procure...
Des émotions lointaines, inavouables, qui ont leur siège dans le corps, des rythmes de cur, des émotions troublantes, troublées, tissent cette relation de pouvoir, de laquelle un puissant et ses sujets ne peuvent sévader, de laquelle personne ne peut sévader. Même si...
Même si, au loin, dans les ténèbres, isolé, oublié, il y a un filet de voix qui murmure que la société des hommes peut-être, éventuellement, on ne sait pas, faudrait voir à voir, pourrait déjà se penser autrement, dans un ailleurs.
le serviteur, pliant le genou : "Ainsi, Brutus, mon maître ma commandé de magenouiller ; ainsi Marc Antoine ma commandé de tomber à vos pieds, et, métant prosterné, de vous parler ainsi." Shakespeare, Jules César.
Prendre la parole, prendre le pouvoir
Quatre chaises, quatre pupitres, quatre partitions, quatre interprètes. Tout est prêt pour le concert...
Être assis devant le pupitre est la position clé qui nous sert de fil rouge. De là surgit la prise de parole. Comment cette prise de parole a-t-elle lieu? Comment le pouvoir sy exprime? De la prise de parole à lexercice du pouvoir, il ny a souvent quun pas. Et cest ce pas que nous examinons au plus près.
Chaque morceau de ce concert fait appel soit au théâtre, soit à la danse, soit à la musique, soit à des combinaisons diverses associant ces disciplines.
Chaque morceau est un portrait. Il donne à voir et à entendre une incarnation du pouvoir.
Entre les interprètes et le public, il y a la partition. Séloigner delle, cest transformer la lecture en jeu, limmobilité en mouvements.
César : "Ainsi du monde : il est peuplé dhommes, et ces hommes sont tous de chair et de sang, tous intelligents; mais, dans le nombre, je nen connais quun seul qui demeure à son rang inaccessible et inébranlable; et cet homme, cest moi." Shakespeare, Jules César
Sur les pupitres : théâtre, danse, musique
Des extraits de pièces de Shakespeare sont notre matériau principal.
De plus, par leurs écrits, politiciens, rois et reines, dictateurs, opposants, utopistes, tous ceux pour qui le pouvoir nétait pas du théâtre font écho aux personnages de Shakespeare.
Nous naviguons dune époque à une autre, sans souci de reconstitution historique.
Nous serons Brutus, César, Henry V, sans travestir ni les mots, ni nous-mêmes: Pas de féminisation des textes, pas de masculinisation des actrices. Précisément, cest dans cet inévitable décalage né de lincontournable différence que naît la distance qui nous place tous bel et bien dans la situation dobservateurs de ces discours. Grâce à quoi la parole résonne différemment et nous amène à un étonnement révélateur : "Ça pense vraiment comme ça, un dictateur ?"
Certains de ces textes sont des partitions pour la danse. Par ailleurs, elle sinspire aussi des gestes du pouvoir: Défilés, révérences, saluts, effets de manche, etc.
Danse et musique disent tout ce qui appartient à la domination sans passer par le discours. Ces langages font sentir tous les vertiges du corps et de lesprit. Ici, déséquilibres, glissements, ruptures étourdissent.
Apparaissent aussi quelquefois Jeannette et Gloria que le pouvoir nintéresse pas parce quelles sont sujettes, mais qui intéressent beaucoup le pouvoir pour la même raison.
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