« Promenons-nous le long du bois, pendant que le loup y est pas. »
Le Loup. C’est bien connu, il ne faut surtout pas parler au loup et encore moins lui ouvrir sa maison ! Alors lorsque Delphine et Marinette voient la bête frapper a la fenêtre, elles tremblent. Il faut dire qu’elles n’ont le droit d’ouvrir la porte a personne ! Alors un loup, pensez donc ! Elles se laissent finalement attendrir par l’animal qui n’a pas l’air si méchant...
Mais que se passe-t-il lorsque le loup sort du stéréotype ?
Marcel Aymé (1902-1967) publie Les Contes du Chat perché entre 1934 et 1946 à destination des enfants âges de 4 a 75 ans. Il est l’auteur de nombreuses nouvelles, de pièces de théâtre, de romans. Plusieurs d’entre eux ont été portes à l’écran comme Le Passe-Muraille avec Bourvil en 1950. Ses textes sont drôles, souvent ironiques, avec une certaine tendance au fantastique. Véronique Vella, comédienne sociétaire de la Comédie-Française, met en scène Le Loup avec une troupe de grands comédiens du Français.
Elle convoque avec ce loup, tous les loups des contes de fées mais aussi ceux de Walt Disney et de Tex Avery… Rendez-vous donc avec le merveilleux et le féerique dans une scénographie des plus inventives concoctée par Éric Ruf…. Et gare au loup !
En me demandant de monter Le Loup de Marcel Aymé, Muriel Mayette a posé deux exigences : le spectacle devait être « tout public » – c'est-à-dire aussi pour les enfants – et le texte ne devait en rien être altéré ; il s’agissait donc de mettre, à la verticale, sur un plateau le conte tel qu’en lui-même, à la virgule près. Antoine Vitez disait qu’au théâtre, il faut rendre les contraintes fertiles ; celle-ci s’avère l’être extrêmement.
Les parties narratives du conte sont largement majoritaires comparées aux parties dialoguées, et elles disent beaucoup de choses, livrent beaucoup d’informations. Elles constituent une sorte de grande didascalie et font de Marcel Aymé un « metteur en scène » intelligent de son texte : elles permettent la conduite du récit de manière franche, pure et belle.
Dès qu’elle est amorcée, l’histoire va jusqu’à son terme de façon imparable. Pour le metteur en scène que je suis, ces didascalies sont au fond un avantage : ce qui est dit est dit, il n’y a plus besoin de le faire, ni de le montrer, et pendant ce temps, sur le plateau, les comédiens et moi-même pouvons raconter autre chose, et aborder le texte dans sa profondeur. Au théâtre, quel que soit le type de travail que l’on fait ou le genre de pièce que l’on aime, il ne faut jamais perdre de vue que notre tâche est de raconter une histoire.
Or dans Le Loup, il est impossible de la perdre de vue car, comme dans tout récit, elle existe de façon « absolue ». Alors bien sûr, nous raconterons cette histoire-là, mais d’autres aussi : comment vit-on dans une fratrie une relation « soeur aînée/soeur cadette » ? Comment, quand on est un loup qui est un homme, vit-on cette dualité entre sa culture, d’une part, et ses instincts d’autre part ? Voilà, entre autres, ce que nous essayerons de décliner dans le spectacle.
Au commencement du travail, quand on a cette matière dans les mains, on est forcé de réfléchir à la façon dont on va la traiter. Raphaëlle Saudinos, qui m’assiste à la mise en scène, et moi-même, aurions pu demander à cinq acteurs de jouer les cinq rôles et à un sixième de prendre en charge la partie narrative, et cela aurait profondément marqué l’économie du spectacle. Étant aussi musicienne, nous avons voulu traiter cette part narrative comme une partition, en la distribuant à chacun des acteurs, comme un chef d’orchestre confierait à des instrumentistes les parties d’un morceau qui n’aurait pas été orchestré.
Véronique Vella
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt