Le dernier testament

Actrice et réalisatrice, Mélanie Laurent signe sa première mise en scène qui évoque un Jésus des temps modernes, héros révélateur des angoisses, aspirations et contradictions de notre monde.
Actrice et réalisatrice, Mélanie Laurent signe sa première mise en scène avec ce spectacle inspiré des Évangiles qui évoque un Jésus des temps modernes. Ce héros improbable, entre réalité et fantasmes, est surtout le révélateur du monde dans lequel nous vivons, avec ses angoisses, ses aspirations et ses contradictions.
  • L'Amérique du XXIe siècle

Il s’appelle Ben. Il est né à Brooklyn. C’est un homme comme les autres et, en même temps, un peu différent des autres. Selon les témoins qui ont croisé sa route, il est le Messie, pas moins. Un Messie en plein XXIe siècle ! Aux États-Unis, en plus ! Bigre. Il y a de quoi douter. C’est pourtant bien de ça dont il est question dans Le dernier testament de Ben Zion Avrohom de James Frey que Mélanie Laurent met aujourd’hui en scène dans une adaptation co-signée avec Charlotte Farcet.

Enfant battu, alcoolique repenti, rescapé miraculeux d’un accident de chantier, sujet à des crises d’épilepsies – comme le prince Mychkine dans L’Idiot de Dostoïevski –, Ben est un personnage charismatique. Marginal, prônant l’écologie et l’altruisme, opposé à tout dogmatisme, son humilité et sa douceur – non exemptes d’érotisme – sèment le trouble partout où il passe. À se demander s’il a réellement existé. Ou s’il est seulement un fantasme. Tout au long du spectacle, divers témoignages dressent un portrait de ce héros christique, libertaire et bisexuel, qui se dit opposé à toute religion mais accomplit des miracles. Une prostituée, un agent du FBI, un directeur de chantier, un chirurgien, sa mère, sa soeur, un rabbin, un prêtre, racontent chacun à leur tour un aspect de la vie de ce Christ contemporain.

Actrice – elle a tourné notamment avec Quentin Tarantino, Mike Mills ou Bille August –, Mélanie Laurent a réalisé plusieurs films, dont Respire en 2014, et plus récemment Demain, documentaire césarisé sur la transition écologique. Plutôt que de tirer un film du livre de James Frey, elle a préféré donner corps à Ben Zion dans l’espace de la scène. Là où, dit-elle, « des hommes s’adressent à d’autres hommes ».

Frank Teruel

Rencontrez les artistes  : bord de plateau à l’issue de la représentation du 2 février 2017, uniquement pour les spectateurs munis d’un billet pour cette date, gratuit et sans réservation.

  • Note d’intention

« Il y a deux façons de concevoir sa vie : l’une est de penser que les miracles n’existent pas et l’autre de penser que chaque chose est un miracle » Albert Einstein.

Ce projet naît d’une rencontre, celle d’un livre, Le dernier testament de Ben Zion Avrohom de James Frey, une rencontre comme un choc, qui fait naître un espoir et en même temps éveille. Comme s’il recentrait et rappelait l’essentiel. Une évidence, trop souvent oubliée, parfois dénigrée parce qu’associée à une forme de naïveté, une évidence défaite soudain de bon sentiment, fleurs bleues ou eau de rose, posée là, presque comme un objet : la puissance de l’amour.

Le dernier testament raconte la venue d’un nouveau Messie dans l’Amérique du XXIe siècle, une Amérique traversée par la violence, individuelle et d’Etat, la misère, le racisme, l’inégalité. James Frey, sans aucun cynisme, imagine sa vie et la retrace, à la manière des Evangiles, à travers les témoignages de ceux qui l’ont connu, de son enfance à sa révélation, de son errance à ses miracles. Un messie contemporain, qui lui-même ne revendique jamais ce nom, né à Brooklyn, dans une famille juive orthodoxe convertie à l’évangélisme, un enfant battu puis chassé, errant adulte de longues années, sombrant même dans l’alcool. Un homme miraculeusement rescapé d’un accident de chantier, soudain sujet à des crises d’épilepsies pendant lesquelles lui sont enseignés tout le savoir et les connaissances humaines. Un homme qui incarne une pensée marginale, écologique, non capitaliste, altermondialiste, tolérante, altruiste. Un homme qui tente d’échapper à tout dogmatisme ou prosélytisme et souligne l’évanescence d’une vie humaine à l’échelle de l’histoire d’une planète ou de l’univers. Un homme à la peau blanche et lumineuse, au regard d’un noir d’obsidienne, à l’érotisme troublant, au sourire humble et doux. Un homme capable de miracles, transformer certes l’eau en vin mais surtout la vie des gens. En les aimant, homme ou femme, corps et âme, en les écoutant, en pansant leurs blessures, en leur redonnant confiance, en leur redonnant une place.

Cette lecture a surgi comme un miroir, au cœur de mes propres inquiétudes, celles du devenir du monde, de la planète, dans un avenir déjà proche. L’apocalypse, dont parle Ben, est reprise et formulée à leur manière par les sociologues de notre époque. Au cœur de cette inquiétude donc, ce livre a fait paraître une fenêtre, par un biais inattendu, presque fou, une fenêtre pleine d’espoir, tissant un lien au monde qui échapperait au seul matérialisme et donnant à la foi un autre visage : une foi dans l’autre, défaite de dogme, une foi dans l’acte individuel et dans sa puissance.

L’adapter a été une évidence. Et l’envie de l’adapter au théâtre plutôt qu’au cinéma une intuition. Le cinéma contraint à une forme de réalisme, de représentation exhaustive et, dans ce cas, prolifique, tandis que le théâtre offre l’économie et la métaphore, le pouvoir de l’évocation. Il se fonde sur un acte de foi tout à fait singulier, un accord tacite entre la salle et la scène. Cette chaise est un arbre, j’y crois. Le théâtre aussi parce qu’au fond il s’agit de cela, un homme qui parle à d’autres hommes.

Parce qu’il a été, déjà, le lieu de la représentation de la passion, mystère et miracle. Le théâtre parce que, vivants jouant devant des vivants, il reste encore un espace de communauté, et même de communion, et que l’œuvre de James Frey ne porte rien d’autre que l’espoir de cela.

  • Adaptation, chemins, forme, questions

Le dernier testament de Ben Zion Avrohom emprunte son nom et sa forme aux Evangiles. La vie de Ben est retracée, dans le roman, à travers les témoignages de ceux qui l’ont rencontré, une prostituée, un directeur de chantier, une chirurgienne, sa mère, sa sœur, un rabbin, un prêtre, une jeune fille obèse, un agent du FBI, un avocat.

L’adaptation partira de la forme du témoignage et du découpage en chapitres du roman. Mais elle fera de l’un des personnages du livre le narrateur principal, duquel naîtront les autres témoignages. Ce narrateur permettra de conserver le trouble qui existe dans le livre. Car celui-ci n’est fait que de témoignages, c’est-à-dire de la parole des autres. Ben, lui, n’a laissé aucun écrit. Sa parole n’est que rapportée. Reste donc toujours un doute, sur le crédit à porter à ces récits et à l’existence même de Ben. La présence d’un narrateur permettra cet espace de doute sur le plateau car tout ce qui suivra sera issu de son seul récit, de sa seule parole. Ben, comme les autres personnages, en seront l’incarnation. Ce qui aura lieu sur le plateau sera une reconstitution.

Ce narrateur introduira donc chaque personnage, apportant des éléments et des précisions au récit. A la manière aussi d’un maître de cérémonie. Peu à peu la pièce glissera vers de véritables scènes, jouant ainsi des différents temps, celui du témoignage, celui de l’histoire. Récits et dialogues se mêleront. Mais si nous nous attacherons à raconter l’histoire avec la plus grande attention, nous jouerons aussi de la magie du théâtre pour faire vaciller le temps et l’espace, les frontières et les personnages, et peut-être nos certitudes. Le plateau sera mouvant, malléable, modulable, lieu d’apparition, de disparition, d’évocation.

Autour de cela se tissent pour nous des questions comme autant d’espaces de recherche, d’invention, poétiques ou concrets : comment représenter sur scène celui que certains nommeraient un Messie ? Comment parle-t-il, marche-t-il, regarde-t-il ? Comment parler de notre époque ? Comment éviter les clichés, les malentendus, le prosélytisme ? Comment faire entendre la multiplicité des points de vue et la laisser aussi possible dans la salle ? Comment conserver la singularité de ce personnage et même son ambiguïté, son trouble ? Car le Ben Zion de James Frey n’est pas sans provocation, puisque bisexuel, libertaire, s’éloignant de toute religion. Et puis qu’est-ce qu’un miracle au théâtre ? Et qu’est-ce qu’un miracle dans la vie ? Comment faire vaciller cette frontière du quatrième mur pour tenter, même une fraction de seconde, de faire sentir à chacun la présence des autres ?

Mélanie Laurent et Charlotte Farcet, mars 2015

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Spectacle terminé depuis le vendredi 3 février 2017

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