Don Giovanni

Bobigny (93)
du 22 au 31 mars 2014
3h20 avec entracte

Don Giovanni

Cet opéra se distingue par sa force de vie, son incandescence qui brûle et consume dehors comme dedans, semblant dire secrètement la conscience d’une finitude qui s’accommode mal de la rage de vivre, du plaisir de jouir de la vie et de la beauté de son propre corps. Spectacle en italien surtitré en français

Spectacle en italien surtitré en français

  • Les flammes de l’enfer

Séville au XVIIe siècle. Don Giovanni est un jeune noble qui, au grand désespoir de son père, passe son temps à jouir de la vie. Grand séducteur, fin manipulateur, aidé par son valet Leporello, Don Giovanni avance masqué pour séduire Anna, qui le repousse et reçoit la protection du Commandeur, son père. Au cours d’un duel nocturne, Don Giovanni blesse à mort le vieil homme. Don Ottavio, fiancé d’Anna, jure vengeance. Don Giovanni tente ensuite de séduire Elvira, une des ses anciennes conquêtes, puis s’obstine à perturber le mariage de Zerlina et Masetto. Après de nombreuses péripéties, il se retrouve pourchassé par les maris, les fiancés, les frères et les pères de celles qu’il a séduites et se réfugie dans un cimetière avec son valet pour se cacher. Il se retrouve face à la statue du Commandeur qu’il a tué en duel. La statue s’anime et lui demande de se repentir et de cesser de faire du mal sous peine de finir en enfer. Don Giovanni refuse, avant d’être consumé, lors d’un dîner, par les flammes de l’enfer.

  • Note d'intention

Envisager Don Giovanni pour une troupe de jeunes chanteurs représente peut-être une gageure musicale au regard d’une œuvre réputée difficile mais que compense fortement la perspective d’une évidence physique. Mozart a trente ans quand il compose son opéra et son premier interprète à Prague en a vingt-sept. Nul besoin d’exégèse musicale pour être immédiatement saisi à l’oreille par la course à bout de souffle où s’engage Don Giovanni entrainant l’action et les personnages dans un vertige fantastique. Cette liberté, tellement plus élevée que le simple libertinage, cette insolence si naturelle et si peu respectueuse des codes fabriqués de toute pièce par les sociétés qui se succèdent, a quelque chose qui fascine et force le respect.

Et c’est peut-être ce sentiment mêlant l’admiration au rejet, qui pétrifie les contempteurs qui s’opposent dans l’action à Don Giovanni lorsqu’ils pourraient mettre un terme à sa course et qu’ils le laissent en toute impunité, libre de continuer. Cette force de vie, cette incandescence qui brûle et consume dehors comme dedans, semble dire secrètement la conscience d’une finitude qui s’accommode mal de la rage de vivre, du plaisir de jouir de la vie et de la beauté de son propre corps. Il m’a semblé que cette course contre le temps s’annonçait très tôt lorsqu’au terme du corps à corps qui oppose la jeunesse de l’ange à la vieillesse du commandeur, Leporello regardant la scène finit par dire : « Qui est mort ? Vous ou le vieux ? » Une question en forme d’exergue ?

Christophe Perton

  • Entretien avec Christophe Perton

L’une de vos sources d’inspiration a été le film Deep End. Comment vous en êtes venu à faire dialoguer l’univers de ce film avec l’opéra de Mozart ?
C’est en réalité l’inverse. Lorsque j’ai engagé les premières séances de travail avec Malgorzata Szczesniak, nous cherchions ensemble à définir un espace qui puisse d’abord répondre de façon fonctionnelle aux contraintes du livret de Da Ponte et Mozart, qui ne se sont embarrassés d’aucune précaution dramaturgique dans l’enchaînement des situations de cet opéra. Il nous fallait un espace de liberté, qui épouse les incohérences des situations et permette avant tout d’avancer au rythme vertigineux de la musique. Donc un lieu unique, conçu à la fois comme un espace public et comme le lieu immémorial où s’inscrit le souffle de liberté qui anime Don Giovanni dans sa course. Puis Malgorzata m’a proposé toutes sortes de traitement possible pour évoquer cet espace public et la photo qu’elle possédait d’un sol de piscine désaffecté m’a tout de suite saisi par sa force suggestive sans vraiment qu’il y ait moyen ni besoin de la justifier. Disons que je l’envisage comme un lieu de jeu, de fantasmagorie, de plaisir, et d’érotisme doublé d’un espace déliquescent du fait de son état d’abandon. C’est bien après que m’est revenu en tête le film de Jerzy Skolimowski qui est une merveille sur le plan plastique autant que dans sa dimension érotique. Et ce qui me touche dans le rapprochement entre les deux, c’est que tout mon projet est basé sur la jeunesse des personnages qui doivent prendre selon moi l’âge des interprètes et notamment Don Giovanni en regard du personnage central qui doit avoir tout juste 15 ans dans le film.

Barbara Creutz a évoqué le clavecin comme l’espace lié au personnage de Don Giovanni. Pouvez-vous développer un peu cette idée ? Faut-il croire que les récitatifs sont liés à Don Giovanni, un peu comme l’histoire était racontée de son point de vue subjectif ?
Non, j’ai imaginé la présence du clavecin sur scène comme rattachée à Mozart lui-même. Parce que cette petite voix du continuo me semble toujours incarner sa présence, son regard plein de tendresse et d’ironie, et puis son sens du tempo et de la mise en scène, cette façon d’enchaîner ou de prolonger les récitatifs. Alors ce clavecin c’est le point d’orgue sur lequel tout le monde se retrouve, c’est un hors-jeu qui permet de suivre l’action sans être vu, c’est donc un espace ludique.

Faut-il croire que Don Giovanni est anachronique dans ce monde ?
Anachronique ? Non, plutôt intemporel. Intemporelle comme la musique de Mozart et la quête de son Don Giovanni, qui est un chant de liberté, une ode à la transgression. Il y a un tel désir de vivre et de jouir dans cette oeuvre… C’est tellement réjouissant de voir ce jeune homme avec toute la conscience de sa finitude qui se brûle les ailes et se querelle avec l’arrogance magnifique d’un voyou à la métaphysique de la mort. Quand on lit la correspondance de Mozart qui constitue finalement une sorte d’autobiographie, il est presque impossible de ne pas faire certains rapprochements, notamment avec la figure paternelle du commandeur qui meurt comme Léopold Mozart durant l’écriture même de l’opéra et obsède littéralement son fils dans la poursuite de son oeuvre. Et puis cette propension au fantastique qui rend si difficile la cohabitation entre des univers contradictoires et qu’on retrouve de façon si concrète chez Mozart quand il est visité par cet homme masqué qui le harcèle et vient exiger la partition du Requiem. C’est quand même incroyable que Mozart accepte qu’un homme puisse se présenter ainsi, masqué à sa porte ! Cette peur enfantine qui transparait dans ses lettres, j’ai un peu l’impression de la ressentir dans les obsessions et l’obstination de son Don Giovanni.

En quoi est-il spécifique de travailler avec les jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique ?
J’espère que c’est avant tout un gage de liberté, de souplesse et de connivence. Je crois qu’il faut être joyeux et surtout ludique pour entreprendre, même de façon tragique, l’opéra de Mozart. J’espère que c’est cette fraîcheur et cet investissement qu’ils m’apporteront au-delà de leurs talents de chanteurs.

Michael Haneke a donné une vision très sombre, antipathique de Don Giovanni. Vous inscrivez-vous dans cette vision ou éprouvez-vous une certaine empathie pour ce personnage ?
Je n’ai pas vu son Don Giovanni. Je le regrette parce que cela semblait en tout cas radical et puissant. Cela dit, que son interprétation puisse sembler sombre n’empêche pas qu’il ait pu avoir de l’empathie pour cette apparente antipathie. Bien sûr qu’on peut voir quelque chose d’antipathique dans le comportement asocial de Don Giovanni. Il est injuste, méprisant, querelleur, violeur et meurtrier. Il est du côté de ceux qui possèdent, tient les gens par l’argent, mais paradoxalement se moque aussi de sa propre classe, de l’aristocratie, de la noblesse. Pour moi c’est avant tout la définition d’un voyou, une figure d’ange rebelle dont le désir insatiable de jouissance et de vie ne connaît pas de limite. Enfin j’aimerais placer la lecture de l’opéra et le déroulement de son action sur un postulat très concret : une blessure mortelle qui déclenche le compte à rebours du temps à vivre. Celui qui sent alors venir cette heure si proche n’a plus en tête qu’un objectif : feindre d’ignorer la mort et vivre vite.

Propos recueillis par Simon Hatab

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Spectacle terminé depuis le lundi 31 mars 2014

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