Tissé de fragments de l’écrivain Robert Walser, Avant-Propos éclaire des petits tracas quotidiens qui révèlent une fondamentale difficulté à vivre. Est-ce tout à fait ordinaire de se sentir extraordinairement mal adapté ? Faut-il poursuivre la conformité ou désespérer qu’elle nous rattrape ? Si l’on est une personne est-on pour autant quelqu’un ? Autant d’interrogations forcément singulières qu’il est réconfortant d’explorer ensemble.
Comme des bouts de chandelles jaillissent parfois les flammes les plus vives, les “microgrammes” de l’écrivain suisse Robert Walser portent tout le poids de ces petites choses de la vie qui finissent par nous écraser de leur gravité. Que quoi s’agit-il ? De petites proses, nouvelles, contes, poèmes, romans, dialogues de théâtre – soit 526 feuillets couverts d’une écriture minuscule au crayon, que deux germanistes valeureux auront mis vingt ans à déchiffrer.
Des miniatures que Walser considérait comme “de petites danseuses qui dansent jusqu’à ce qu’elles soient totalement usées et s’écroulent de fatigue” et qui grâce à Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna s’animent à nouveau aujourd’hui. Dans ce “récit dansé”, premier volet d’un diptyque consacré à Walser, elles abordent les tentations de la disparition : se fondre dans une foule qui persiste à ne pas vous absorber, remettre tout à plus tard jusqu’à ce qu’il soit encore plus tard, ou bien s’exiler totalement dans un for intérieur devenu forteresse.
Lançant des échelles légères vers le fond des abysses, elles circulent dans une zone d’étrangeté bien plus accueillante qu’on ne croit, où l’inquiétude secrète de chacun devient un éclat de rire collectif. Quoi, serions-nous tous aussi fragiles ? Aussi perplexes, aussi torves, aussi mal adaptés ? Un spectacle hautement conseillé à tous ceux qui se sentent “exactement comme s’ils n’avaient pas été taillés pour cette vie de façon suffisamment grossière”.
106, rue Brancion 75015 Paris