Afrique en création 2004

du 8 au 10 avril 2004

Afrique en création 2004

  • De : Adedayo Muslim Liadi, Augusto Cuvilas, Kettly Noël
  • Avec : Chinedu Franck Konwea, Adedayo Muslim Liadi, Edet Anthony Offiong, Uchechukwuneme Augustine Onah, Nneka Celina Umeigbo, Ana Arminda, Alberto Joao, Célia Catarina Das Victoria Ruco, Maria Gile, Julieta Simao Khav, Pelina Pedro Sitoe, Mamadou Diabaté, Kettly Noël
Avec les trois lauréats Ve Rencontres Chorégraphiques de l'Afrique et de l'océan Indien / Antananarivo 2003 et le Prix RFI-Danse 2004. 

Avec les trois lauréats des Ve Rencontres Chorégraphiques de l’Afrique et de l’océan Indien / Antananarivo 2003 et le Prix RFI-Danse 2004.

Un autre continent pour la danse
Adedayo Muslim Liadi - Ori (La Tête)

Augusto Cuvilas - Um solo para cinco

Kettly Noël - Tichelbe

Il y a peu, les nouvelles de danse qui nous parvenaient d'Afrique étaient éparses : on savait que des créateurs pionniers avaient tant bien que mal défriché des terres chorégraphiques presque vierges. Petit à petit, une nouvelle génération de danseurs et créateurs a pris le relais de Salia Nï Seydou à Kongo Ba Teria (Burkina Faso), de Moving Into Dance à Robyn Orlin, de Floating Outfit project à Inzalo Dance Compagny (Afrique du Sud), de Gaara (Kenya) à Tchétché et N'Soleh (Côte-d'Ivoire), de Tumbuka (Zimbabwe) à Rary (Madagascar) : ils ont voyagé, se sont frottés à d'autres pratiques et d'autres cultures pour montrer une voie, la leur. Aujourd'hui des interprètes africains jouent encore le rôle de passeur, alors que sur ce continent-monde, des chorégraphes se distinguent.

L'Association française d'action artistique ne cesse depuis quelque temps d'encourager ces initiatives fragiles et singulières notamment au cours de la programmation du Théâtre National de Chaillot qui accueille pour la seconde fois les trois lauréats des Ve Rencontres Chorégraphiques de l'Afrique et de l'océan Indien organisées à Antananarivo. Ces talents seront choisis par un jury de professionnels et représenteront les premier, deuxième et troisième prix des Rencontres ainsi que le prix RFI-Danse 2004. Les Rencontres de la Création Chorégraphique (dont les quatre premières éditions se sont déroulées en 1995 et 1998 à Luanda en Angola, et en 1999 et 2001 à Antananarivo) ont permis à plusieurs compagnies de se révéler au grand public et de se faire une place significative sur la scène internationale. 

Un vent nouveau de liberté créative souffle fort : pour ces jeunes artistes, il est aussi important d'être reconnu dans leur pays d'origine que d'aller voir ailleurs si la danse est encore une fête. Plus qu'un prix d'excellence, ces soirées parisiennes devraient montrer au public comme aux observateurs du milieu chorégraphique qu'il y a bel et bien un autre continent pour la danse, l'Afrique. Et pour les lauréats de ces Rencontres à la renommée grandissante, il s'agira de signaler que sur la carte du Tendre de la création actuelle, de nouveaux foyers de danse existent désormais. Une leçon de géographie qui est aussi une leçon de vie.

Phlippe Noisette 

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Chorégraphie : Adedayo Muslim Liadi
Danseurs : Chinedu Franck Konwea, Adedayo Muslim Liadi, Edet Anthony Offiong, Uchechukwuneme Augustine Onah, Nneka Celina Umeigbo
Musicien : Adelaja Saidi Llelaboye
Compagnie Ijodee (Nigéria)

Minéral. Assis de dos en tailleur il a l’air taillé à coup de serpe, tel une statue de roc très dur sculptée dans la masse. Des chocs discrets aux sonorités de métal assourdies ou de bois mat sécrètent l’atmosphère énigmatique d’un rituel ancien. Auprès de lui, les éléments l’accompagnent : le feu que symbolise un lumignon, l’eau et la terre dans de fines coupelles. Ori est une divinité spirituelle attachée au pouvoir de l’intuition créative. L’homme assis dégage une impression de puissance phénoménale. Compact, rassemblé, il se déplie, amarré au sol ou accouplé à la terre, se tourne pesamment de face, impressionnant par la densité de son corps comme de son regard. Il a une présence drue, lourde, lente. Il crée une danse stagnante qui déchire l’épaisseur de l’air.

Au loin, la musique gronde en roulements sourds, vaguement mécaniques. Une voix de femme s’élève, le rituel s’achève, il ramasse la bougie, se dresse et ondule en avançant, étend ses bras comme pour intimer un sens à l’étendue sans nom qui l’entoure. Un second danseur entre sur une marche articulée au plus près de l’os, comme dépouillée de toute volonté musculaire et s’arrête ployé au sol, tandis qu’un trio entre en courant.

Alors débute une chorégraphie complexe qui emprunte à la transe ses craintes et ses tremblements, ses flux et ses heurts. De cambrés en cabrés, d’abandons en voluptés, les portés très virils ont des indulgences maternelles. Soudain, c’est la ville qui revient : phrases quasiment « rappées » en pidgin, courses sur place, le groupe s’unit, se solidarise. Une danse de l’immobile s’étire tandis que plane une psalmodie. La gestuelle alterne rebonds dynamiques et mouvements fondus, roulades et oscillations, remous et pulsions guerrières du groupe quand il se resserre. Les ensembles très dansés, très rythmés sont émaillés d’inquiétudes fébriles des mains ou des genoux aussitôt rompus par de larges ports de bras.

Adedayo M. Liadi se sert de la danse et de la musique traditionnelles comme sources imaginaires ou comme glossaire de composition. La chorégraphie sait quitter ses origines pour y revenir tout comme elle sait se nourrir d’une multiplicité d’influences et de styles sans se laisser ravir ni séduire. Elle puise au creux de ces langages une singularité certaine.

Ijodee Dance Company a été créée en 1998 par Adedayo M. Liadi. Elle a participé à de nombreuses tournées et festivals internationaux. Elle a reçu une bourse de Jant-bi (Sénégal) pour y envoyer deux danseurs par an. La compagnie travaille à faire sortir la danse africaine contemporaine des marges pour en faire la tendance principale.

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Chorégraphie : Augusto Cuvilas
Danseurs : Ana Arminda, Alberto Joao, Célia Catarina Das Victoria Ruco, Maria Gile, Julieta Simao Khav, Pelina Pedro Sitoe
Projeto Cuvilas (Mozambique)

Côté jardin d’enfance, des drôles de filles jouent à une sorte de « chaises musicales » sur un seul banc. Agrestes et rieuses, elles portent l’insouciance en bandoulière. Elles se roulent au sol au lieu d’être sages. Leurs corps prestes et fins ont la légèreté des fous rires et la grâce farouche de gamines effrontées. Elles se dandinent, se poussent, glissent… et finissent par tomber pour revenir à l’attaque avant de tout envoyer valser.

Côté cour, une femme, de celles qui symbolisent toutes les autres, sorte de point de mire pour les écolières d’en face. Elle, la femme et son corps sinueux qui s’enroule en volutes luxurieuses, elle dont les bras palpent l’air comme pour pétrir l’espace, elle dont le geste plein charrie la vie. Son tournoiement éternel a des allures d’oiseau blessé et des splendeurs impériales. Elle est folle espérance désespérée, spirale, incandescence.

Les « fillettes » facétieuses empruntent en douce ses gestes comme elles enfileraient une robe trop grande… Le piège se referme : à se couler dans un moule, l’enfance déserte des corps… Reste la peur et la tendresse qui les précipitent dans les bras les unes des autres comme refuge, comme rempart au temps qui passe.

Un chant s’élève comme un sombre adieu. Soudain quatre femmes reviennent timidement au bord du plateau : nues. Leurs corps deviennent effigies du féminin, lianes, libres. Leur chant vigoureux, les mains frappées, les pas hardis ancrent dans le sol des mouvements larges et puissants, dynamiques.

Quand elles s’avancent les lignes se brisent dans un mélange d’appréhension et d’audace, comme au bord d’elles-mêmes, troublées mais téméraires. De portés précautionneux en torsions véhémentes leur gestuelle devient charnelle. Elles semblent alors tournées dans la glaise originelle, belles plantes organiques, inquiétantes et vibrantes. Elles se relancent dans une danse exubérante qui engage d’abord le haut du corps dans des voltes, des torsades, des courbes rapides, d’aériennes syncopes comme autant de pincements au cœur, puis vacillent avant de disparaître comme de petites chandelles… pour ensuite s’adonner aux joies du bain. « La femme est l’avenir de l’homme » pourrait affirmer Augusto Cuvilas, dont la pièce manifeste est un plaidoyer pour l’égalité et un hymne à la féminité.

Ainsi est né le Projet Cuvilas, un espace de création lui permettant une plus grande liberté qu’au sein du CDN. Cette compagnie a pour ambition de travailler avec de jeunes chorégraphes désireux d’aborder d’autres formes de danse. Sur la base de son expérience de danseur et chorégraphe, il souhaite que cet espace soit ouvert à la confrontation non seulement entre danse mozambicaine et danse contemporaine mais aussi à la réflexion transversale entre artistes issus du milieu chorégraphique et ceux qui pratiquent d’autres disciplines.

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Chaillot - Théâtre national de la Danse

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Spectacle terminé depuis le samedi 10 avril 2004

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